Dans le dernier numéro de L'Hebdo, Fulvio Pelli [sa photo ci-contre provient ici], président du Parti Libéral-Radical, PLR, déclare qu'"adhérer à l'UE serait irresponsable" ici.
Compte tenu que l'ensemble des médias romands et certains politiciens veulent à tout prix relancer le débat européen et dénigrent à tout crin la voie bilatérale, cette prise de position me semble plutôt courageuse.
J'applaudirais des deux mains si je n'étais pas déçu par la faiblesse de certains arguments employés par mon contemporain [il est de 1951].
Quand Michel Guillaume lui demande si la NZZ, Neue Zürcher Zeitung, est toujours sa lecture favorite, il s'agit d'un piège tendu par le journaliste de l'hebdomadaire romand. En effet le rédacteur en chef du quotidien zurichois, Markus Spillmann, dans un récent éditorial, "demande que l'on explore de nouvelles pistes dans notre politique européenne".
Fulvio Pelli s'en sort encore bien puisqu'il peut répondre que dans la NZZ il existe 4 ou 5 autres bons journalistes "qui auraient pu écrire exactement le contraire".
Il ajoute avec justesse :
"La Suisse est une démocratie, dont 80% des citoyens ne veulent pas adhérer à l'UE. Respectons cette opinion !"
C'est à la fois un bon et un mauvais argument.
Il est évident que les détracteurs de la voie bilatérale se moquent bien des souhaits actuels des citoyens helvétiques. Dans le même temps Fulvio Pelli a raison de leur rappeler que le souverain est opposé à leurs fantasmes idéologiques.
Mais il n'est pas moins évident que ces détracteurs ont bien l'intention de changer l'opinion et de lui montrer qu'il existe d'autres voies que la voie bilatérale, plus conformes à leur idéologie de sujétion eurocratique, voire mondialiste.
Fulvio Pelli a encore raison de souligner :
"La Suisse a conclu 120 accords avec l'Union européenne. C'est un succès, pas un problème."
Ou d'affirmer haut et fort que ceux qui ne croient pas en la voie bilatérale ont tort :
"La voie bilatérale est idéale pour nous, car c'est celle qui permet de résoudre les problèmes avec pragmatisme et, en même temps, celle que souhaite le peuple, car nous les Suisses sommes les champions du pragmatisme contractuel."
Au-delà des incantations du président du PLR il s'agit là de faits indéniables.
Quand Michel Guillaume pose la question slogan, reprise partout comme un leitmotiv, de la voie bilatérale qui conduirait à une impasse, Fulvio Pelli balaye un peu vite cette objection qui ne serait qu'une pression virtuelle brandie en Suisse par "tous ceux qui veulent relancer le débat européen".
Il est en effet dans l'intérêt de l'UE d'obtenir toujours davantage de la Suisse, surtout si elle n'oppose qu'une faible résistance. Il serait naïf de sous-estimer l'UE, laquelle ne peut d'ailleurs que se réjouir de trouver des alliés au sein de l'établissement helvétique, tels qu'Avenir Suisse [voir mon article "La souveraineté en cause" publiée par Avenir Suisse ].
Quand Michel Guillaume pose l'autre question slogan des Suisses qui seraient les grands profiteurs de la voie bilatérale, Fulvio Pelli répond qu'il entend "ce reproche depuis trente ans maintenant. Il n'y a rien de nouveau !". C'est un peu court...Il aurait tout de même pu dire que l'Union européenne profite bien elle aussi de la voie bilatérale et, par exemple, que la petite Suisse est son troisième client, derrière les Etats-Unis et la Chine...
En 1992 Fulvio Pelli était favorable à une adhésion de la Suisse à l'Espace économique européen. Il s'agissait alors d'une Union beaucoup plus petite. Il imaginait que l'Union "pourrait évoluer vers une confédération d'Etats avec un vrai pouvoir dévolu au Parlement, une sorte de Suisse au niveau européen". Or il n'en a rien été :
"Je constate qu'elle est devenue trop vite trop grande. Et comme toutes les constructions qui se sont faites trop rapidement elle a désormais besoin d'un long temps d'adaptation pour trouver ses marques".
Est-ce la dimension le problème ? Ne sont-ce pas plutôt l'application du principe de subsidiarité appliqué à l'envers par l'UE et sa centralisation bureaucratique ? Ne sont-ce pas plutôt l'hypertrophie de son administration et ses abus de réglementations en tous genres ? N'est-ce pas plutôt l'absence cruelle de démocratie directe, contrepoids indispensable à toute démocratie représentative [le droit d'initiative figurant dans le Traité de Lisbonne est dérisoire, sinon ridicule] ?
Fulvio Pelli, adepte du bilatéralisme, est plus convaincant quand il s'en prend au droit de codécision dans une Union de 28 membres :
"Cela coûterait très cher, soit une hausse de 5 à 6% de TVA, en rapportant très peu. Ce serait donc politiquement irresponsable".
Il est moins convaincant quand, très pragmatique, il préfère une contribution de solidarité de 1,6 milliards de francs sur 5 ans en faveur des pays de l'Est à une contribution annuelle de 5 milliards en cas d'adhésion. Même s'il ajoute :
"Tout dépendra de la contre-prestation européenne, par exemple sur l'accord de la fiscalité de l'épargne qui doit être révisé."
J'aime mieux quand, à propos des nouveaux accords sur l'électricité, le libre-échange agricole, les assurances, il ose dire :
"Si nous ne parvenons pas à trouver d'accord, tant pis. La Suisse continuera à exister tout de même."
Francis Richard