Où s’arrêtent les multinationales dans leur appétit de commercialiser l’intégralité de ce qui se produit sur la planète tant dans le matériel que dans l’immatériel. Depuis 2008, plus d’une centaine de chercheurs, philosophes, historiens ont entrepris de dresser l’inventaire des pratiques du yoga. Cette pratique fait recette, l’accès à la sagesse passe par l’accès au porte-monnaie. Aux Etats-Unis, 15 millions de personnes pratiqueraient le yoga ou l’un de ses avatars. Un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars ce qui n’est pas sans attrait.
Ainsi appâtés, professeurs et écoles lancent des méthodes qu’ils font breveter. Selon l’institut privé sur la propriété intellectuelle Brain League IP Services, basé à Bangalore et cité par le journal indienDNA India, il existerait plus de 3200 brevets ou demandes de brevets liées au yoga dans le monde. Cette pratique millénaire devient un véritable business avec franchises et copyrights.
Devant tant d’arrogance et de prétentions, les indiens en ont perdu leur calme. Vinod Kumar Gupta a créé, il y a dix ans, une base de données garante du patrimoine du pays, Traditional Knowledge Digital Library (TKDL), Bibliothèque numérique des savoirs traditionnels. 230 000 données, notamment des formulations de plantes et de médecine traditionnelle ont été collecté. Le yoga n’étant qu’un segment de cet ensemble.
Désormais, quiconque prétendra être le premier à avoir imaginé une posture se verra confronté à la Bibliothèque.«Au vu de notre expérience positive passée, nous pensons que dès que les données sur le yoga seront accessibles, l’attribution erronée de droits à la propriété intellectuelle ne surviendra plus.» précise Vinod Kumar Gupta.
Plusieurs brevets ont ainsi pu être annulés. En 2001, d’un brevet américain obtenu sur un croisement de riz Basmati. En 2005, l’annulation pour biopiraterie, - et au terme d’un bras de fer long de dix ans qui aura coûté un million de dollars à l’Inde – d’un brevet d’une multinationale sur le margousier, ouneem, cet arbre dont les vertus sont vantées par les traités ayurvédiques depuis des millénaires. Le nombre de demandes de brevets aurait chuté de près de moitié.
Le jour où un inventeur mettra au point une technique pour décrypter les messages mentaux, j’arrêterai de penser, il serait capable de me prendre mes pensées, de les breveter et de me les faire payer ! Ah oui mais comment parvient-on à ne plus penser : par la pratique du yoga, du zen… ! Je crains qu’il ne soit trop tard, nous sommes piégés !