L'agitation sécuritaire a fait un mort, un adolescent qui s'est noyé dans la Seine près de Mantes la Jolie en fuyant la police. Aucun ténor de l'UMP ne réagit sur le moment. Normal ?
Insécurité: un mort.
Sur le papier, Brice Hortefeux aurait pu le traiter de «racaille» : il avait 15 ans, d'origine marocaine, et il a fui la police à un barrage routier, samedi dernier, vers minuit. Il roulait vite et feux éteints, avec deux autres jeunes de 16 et 18 ans. Bref, il correspondait en tout point au portrait-robot de ces «jeunes-délinquant-d'origine-étrangère» que l'on nous dresse depuis une dizaine de jours. Avec un «complice», il s'est jeté dans la Seine, et en est mort, noyé. Dimanche, la police a du prévenir les parents, au Maroc. Le garçon venait de revenir de vacances. Il roulait avec la voiture de son père. Le procureur local a expliqué qu'à la fuite des ado, «les agents présents ont cherché à relativiser la gravité des faits pour les inciter à revenir vers eux, mettant en avant qu'un refus d'obtempérer n'était pas très grave». Mais deux d'entre eux ont sauté à l'eau. Il avait la trouille, le procureur. Les trois jeunes venaient de la Cité des Mureaux.
Lundi matin, aucun ténor de l'UMP, ni même Brice Hortefeux, n'avait réagi au décès accidentel du jeune homme. Christian Estrosi préférait en rajouter une louche sur le thème «Français ou voyou, il faut choisir». Nadine Morano était plus indignée par la couverture de l'hebdomadaire Marianne sur «Sarkozy, le voyou de la République.»
Hortefeux n'avait pas besoin de cette mort symbolique-là. Les destructions de campements de Roms, comme ce dernier près de Saint-Etienne, ou la nouvelle accusation de son épouvantail musulman, déjà soupçonné de polygamie et de fraudes à la Sécu, Lies Habj, lui suffisaient amplement dans son combat sécuritaire du moment. Ce dernier a été opportunément mis en examen dimanche dernier pour «viols aggravés» à l'encontre d'une ancienne compagne (de 2003 à 2007). Sur RTL, il s'est autorisé un dérapage fameux, qualifiant Lied Habj de «présumé coupable.» C'est une obsession personnelle, et Brice Hortefeux ne s'en cache pas: «Il cumule tout: la polygamie, la fraude aux prestations sociales, le travail illégal, les violences… et notre arsenal actuel ne marche pas? Ce sont des dérives que je bloquerai.»
Les Roms, enjeu régional ?
Dans les colonnes du Figaro, Frédéric Lefebvre, porte-parole du gouvernement, fait lui aussi le service-après vente des propos présidentiels. Il a des formules magiques : «Mais la très forte abstention aux régionales a traduit de nouvelles attentes des Français, notamment sur la question des gens du voyage et des Roms.» Il a fallu attendre la chaleur estivale d'un mois d'août pour découvrir que les gens du voyage et les Roms étaient l'un des sujets majeurs, mais masqués, des dernières élections régionales.... Frédéric Lefebvre n'est pas stupide, il le fait exprès, expliquait le journaliste Thomas Legrand sur Slate.fr.
Le porte-parole ajoute : « Ils veulent aussi une fermeté totale contre l'économie souterraine, cancer des sociétés modernes auquel nous avons décidé de déclarer la guerre.» Comme d'autres, Lefebvre est coincé par la progression de l'insécurité violente alors que son président est aux commandes de l'affaire depuis huit ans. Il faut donc inventer une explication, déjà servie à de multiples reprises : la délinquance change, elle est nouvelle. C'est pour cela que les précédentes réformes ne suffisent pas.
Rappelez vous ces propos : «L'objectif de la lutte contre l'économie souterraine est de rétablir la loi de la République dans des quartiers où s'est imposée la loi du plus fort, la loi de l'argent et de la violence. C'est une exigence à l'égard de nos concitoyens qui vivent honnêtement et parfois avec peu de moyens dans ces quartiers. Chaque jour, ils sont témoins du sordide spectacle de trafics en tous genres. Chaque jour, ils sont victimes des actes d'intimidation ou même de violence de ceux qui souhaitent éloigner les regards indiscrets. Chaque jour, ils voient des individus sans travail qui se pavanent dans de grosses cylindrées, alors qu'eux ont eu des difficultés à payer leur voiture. » Ils datent du 13 janvier 2003. Ils sont de Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur.
Le 12 août, les six prévenu(e)s accusé(e)s d'avoir amalgamé à tort les traques de sans-papiers avec certaines pratiques de rafles sous l'Occupation seront fixés sur leur sort. Le jugement sera prononcé au tribunal de Pau. Il fait suite à la plainte pour outrage du préfet des Pyrénées Atlantiques. Le 30 avril dernier, le ministre Hortefeux a porté plainte, pour les mêmes motifs, contre 4 autres militants associatifs, responsables d'un communiqué de presse dressant le même parallèle. Leur procès est prévu le 16 septembre prochain, à Tours. Michel Rocard sera-t-il appelé à la barre ?
Ami sarkozyste, bonnes vacances.