"Extracteur" confirmé dans sa profession - celle d’aller dérober des secrets à l’intérieur de l’esprit d’hommes et de femmes quand ceux-ci sont endormis -, Dom Cobb (Leonardo DiCaprio) aspire, plus que tout, à retrouver ses deux enfants abandonnés, dans sa fuite, sur le sol américain… Pour rentrer en homme libre dans sa famille, Cobb se voit contraint d’accepter une dernière mission, mais quelle mission ! Celle-ci consiste à pratiquer une "inception" sur un homme d’affaire (Cillian Murphy) afin que ce dernier démantèle volontairement son empire… Ce qui serait tout profit pour son concurrent (Ken Watanabe) à la base du projet d’"inception". Mais au fait… Qu’est-ce qu’une "inception" ?
Alors ? Comment allez-vous ? Vous survivez au raz-de-marée "Inception" ? La palme d’Or des Box-Office mondiaux, le nouveau film du beau DiCaprio, le Benedictus de la presse spécialisée,… Au-delà de ces paraphrases alambiqués, "Inception" reste, et de loin (!), une œuvre signée Christopher Nolan… Et en disant cela : tout est dit ! Difficile finalement d’expliquer réellement le succès (espéré ?) de ce thriller policé. Arguer simplement que ce long-métrage fait des entrées grâce à l’apparition, en haut de l’affiche, des mots "Leonardo" et "DiCaprio", paraît selon moi poussif... A presque 36 ans, il a déjà tourné avec les meilleurs (Ridley Scott, Martin Scorsese, Steven Spielberg, Woody Allen, James Cameron) ; on le sait depuis plusieurs années déjà, il essaie par tous les moyens d’effacer l’image tenace de beau petit héros poupon et sans reproche qu’il traîne depuis "Titanic" ; et pourtant, ça fait déjà quelques films que Leo' s’enferme dans un registre à contre-courant, certes, mais qui en devient presque prévisible : celui de l’homme blessé, tiraillé par les fantômes du passé & qui n’est jamais à l’abri de déraper dans la semoule…
D’"Aviator" (2005) à "Shutter Island" (2010), en passant par "Les Infiltrés" et "Blood Diamond", notre ami ne s’est pas vautré dans le melting-pot et s’est tenu le plus souvent à un type de personnage précis… Son rôle dans l’"Inception" de Christopher Nolan n’échappe pas à cette veine ! Malheureusement ! La surprise réelle de ce film n’est donc pas provoquée par la présence de Leonardo… Mais au fait, y’a-t-il réellement des "surprises" dans cet "Inception" ? Les cinéphiles qui suivent depuis quelques années maintenant la carrière de Christopher Nolan, n'en trouveront en fait pas réellement. Pourquoi ? Car "Inception" est bien une réalisation à la Nolan : ça se sent, ça se voit, ça s’entend (Merci Hans Zimmer !) même & on en frissonne du début jusqu’à la fin. Avis aux amateurs…
C’est véritablement avec son tortueux "Memento" (2000) que notre ami s’est fait connaître et a imposé son style au monde entier : remonter un film à l’envers, débuter par la fin de l’intrigue et terminer par son origine, tout en garantissant une sacrée dose de suspense et de surprises, il fallait oser ! Depuis, la "méthode" Nolan a donné les succès que l’on sait : "Insomnia" (2002), "Batman Begins" (2005), "Le Prestige" (2006), "The Dark Knight" (2008) et maintenant "Inception". Chambouler le spectateur, l’entraîner dans les dédales d’une intrigue touffue, élaborée comme un vaste labyrinthe diaboliquement bien conçu et truffé de faux-semblants ! Depuis quelques années déjà, à la barre de la mise en scène tout en injectant son savoir-faire dans l’écriture du scénario et dans la production, Christopher Nolan se présente comme un sacré métronome des plus cartésiens qui, à la différence par exemple d’un Bryan Singer sur "Valkyrie", n’oublie jamais de soigner la psychologie de ses personnages ainsi que la teneur humaine et dramatique de son intrigue.
"Inception" répond bien entendu à ses différents canaux. Dans sa première partie, ce film met habilement en place ses protagonistes tout en s’offrant le luxe, bien louable, de répondre à nos questions les plus pressées (Qu’est-ce que l’"inception" ? Comment peut-on pénétrer l’esprit d'un individu ? Comment peut-on glisser dans un esprit des informations ou, au contraire, les dérober ?...). Vient ensuite, la seconde phase qui s’établit réellement comme un château de carte - aux niveaux multiples - construit avec minutie et un impressionnant savoir-faire… Bien qu’il est susceptible, à tout moment, de se dérober sous nos pieds !
Christophe Nolan - qui a le don de ne jamais s’embrouiller dans cet exercice périlleux - s’amuse alors à mêler allégrement réalité(s), fantasmes et supercheries. Le spectateur ne reste jamais trop longtemps livré à lui-même dans l’immensité complexe de ce nouveau chef d’œuvre d’anticipation. En témoigne notamment la structure première - et finalement assez classique ! - que Nolan utilise comme ossature. Nous y retrouvons une équipe improbable de spécialistes devant relever un défi impossible. S’y adjoint la figure récurrente du "saboteur" qui émerge toujours aux moments cruciaux pour endiguer la bonne progression de l’opération. C’est ici que l’on peut compter sur l’actrice française Marion Cotillard jouant au double jeu de la femme meurtrie, la tristesse à fleur de peau, sorte d’apparition spectrale se transforment sans état d’âme en une meurtrière fatale.
Complètent le tableau une armée de sous-fifres surarmés… Bref, la majorité des ingrédients nécessaires à un bon polar noir et tendu sont ici réunis et se complètent avec une (très !) solide dose d’effets spéciaux (… à couper le souffle & qu’il serait vraiment dommage de ne pas déguster sur écran XXL) qui nous transporte dans des mondes à la fois fantasmagoriques et réalistes. Mélange des genres, de deux genres en fait - le polar et l’anticipation -, avec une classe et une habilité qui forcent le respect, "Inception" - comme déjà anticipé ci-dessus - brasse également quelques (grands) thèmes sociaux et affectifs : les secrets de familles inavouables, les conflits de générations père/fils, les déboires et tragédies amoureuses, l’idée - Au combien développée par "Matrix" ! - que notre réalité n’est peut-être finalement pas "LA" bonne réalité !
On peut compter également, pour donner du relief à cette aventure épique, sur une savoureuse galerie de personnages assez spécifiques : ceux-ci, s’émancipant dans des domaines bien précis, insufflent, chacun à leur tour, une nouvelle part d’émotion au récit… Ellen "Juno" Page réussit sans grande peine à se glisser dans la peau de la novice surdouée qui a le don de flairer les embrouilles et de s’y fourrer. Joseph Gordon-Levitt lui emboîte le pas dans le rôle de l’homme de main sans peur alors que Tom Hardy joue un très convainquant funambule de la métamorphose et constitue, par la même occasion, le véritable apport comique au ton très solennel qui se rapporte bien à la filmographie de Nolan.
Sublimé par l’œil de Clint Eastwood et d’Edward Zwick, respectivement dans les "Lettres d’Iwo Jima" et dans "Le Dernier Samouraï", Ken Watanabe campe pour sa part le boss tiré à quatre épingles qui constitue en même temps une force menaçante pour l’équilibre de l’équipe composée par Dom Cobb, le personnage campé par Leonardo DiCaprio. Héros complexe, instable et rongé, en proie à de profondes souffrances, Cobb devra trouver sa rédemption en pouvant simultanément surmonter les dangers qu’impose sa mission ainsi que son propre combat intérieur...
Même dans la composition de son casting, dans les "Gueules" choisies, "Inception" reste bien une œuvre made in Christopher Nolan. On retrouve d’ailleurs un Cillian Murphy et un Michael Caine que Nolan a déjà eu l’occasion de diriger dans ses deux "Batman". N’oublions pas également Ken Watanabe vu également dans "Batman Begins". Oui, notre réalisateur aime apparemment tourner en famille. Il est aussi le genre de metteur en scène qui aime choyer les Come-back’s sur grand écran : alors que David Bowie faisait un retour remarqué dans les salles obscures à l’occasion du "Prestige" & qu'Eric Roberts reprenait le chemin des (grands) studios avec "The Dark Knight", ici, pour "Inception", c’est au tour de Tom Berenger de revenir sur les devants de la scène.
Smart et bouillonnant de tallent, le reste de la distribution privilégie - une fois n’est pas coutume dans un film de Nolan - de "jeunes" acteurs (ou de ceux que le public a rarement l’occasion de voir dans de "grandes" distributions) talentueux à l’image de Page, Gordon-Levitt, Hardy, ou encore Dileep Rao ("Avatar", "Jusqu’en Enfer"). Alors ce film ? Beaucoup de bruit pour rien ? Certainement pas, non ! Il vaut tout le bien que l’on a écrit à son sujet… avec également quelques éléments de "moins bon" : inévitablement, certains risqueraient de sombrer dans l’incompréhension passagère en empruntant les multiples niveaux que Christopher Nolan nous a concoctés dans son vibrant thriller. Un film qui marque, qui peut faire mal (aux méninges !)… Et oui… "Inception", c’est finalement bien du Nolan comme on l’aime : (quasi-)irréprochable !
La bande-annonce…