Si les recruteurs se plaignent du travers qu'ont certains candidats à embellir leur parcours ou à s'approprier les réussites des autres, il existe une autre catégorie de personnes dont il est difficile d'évaluer correctement le potentiel.
Ces candidats, bien que titulaires d'un bon parcours professionnel, ne l'affichent pas mais s'ingénient à le dissimuler ou à le dénier. La raison? Ils sont intimement convaincus qu'ils ont eu de la chance, que cela finira par être découvert, que le mérite de leurs résultats revient à d'autres, qu'ils n'ont pas le physique de l'emploi, que leurs origines sociales ou leur parcours d'autodidacte ne les destine pas à tel ou tel poste, etc.
Souvent issu de l'enfance et plus particulièrement des années d'école, ce complexe n'est pas facile à guérir. Il n'est donc pas rare de rencontrer en entretien de recrutement des personnes souffrant du syndrome de l'imposteur dont les symptômes sont les suivants: sentiment d'ursuper son poste, de ne pas être à la hauteur.
Souvent confronté à de telles situations, Pierre Denier (1) souligne le problème posé au recruteur dont la mission est de mettre le meilleur profil en face du poste proposé: "A l'occasion de nombreux entretiens, je constate que beaucoup de personnes sous-estiment leur parcours et refusent - parfois - de le valoriser, imaginant, à tort, qu'elles pourraient être accusées d'escroquerie. Valoriser n'est pas trahir, valoriser n'est pas mentir!"
Le syndrome de l'imposteur est une pathologie bien identifiée et qui a donné lieu à de nombreuses études (2). il s'agit d'un mécanisme autopunitif aux racines parfois profondes que seule une psychothérapie permet d'identifier.
Brigitte Roujol qui accompagne les cadres au moment de leur prise de fonction a souvent constaté que "la personne à faible estime de soi va être angoissée par le succès. Elle aura le sentiment que ce succès n'est pas mérité et que cela se saura bientôt, ce succès ne peut pas durer et plus dure sera la chute (3)". Un sentiment d'infériorité qui empêche d'avancer alors qu'en assumant ses défauts on finit par se donner les moyens d'en tirer parti!
Alors comment savoir si un candidat complexé est incompétent ou non?
Soit un salarié a effectivement atteint le seuil de Peter et son incompétence mériterait d’être démasquée au plus tôt pour qu'il laisse son poste à quelqu’un de véritablement compétent. Soit il souffre tout simplement du syndrome de l’imposteur. Une personne qui a une bonne estime d’elle-même va accepter les succès qu’elle estime mériter, sans se réjouir de manière disproportionnée, sans se griser ou sans s'en vanter.
Mais ce phénomène n'est-il pas aussi culturel?
Brigitte Roujol nuance son propos et observe que dans notre environnement privé et/ou professionnel "face à la réussite et aux félicitations, la culture européenne nous invite à la modestie, à l'opposée de la mentalité nord-américaine. Du coup, nous tendrions à limiter, généraliser, dévaloriser nos performances (4)".
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(1) Pierre Denier, Directeur commercial - Lippi Fencing Solutions www.lippi.fr
(2) J. Want et S. Kleitman - Imposter phenomenon and Self-handicapping
(3) Brigitte Roujol, coach www.coachingavenue.com
(4) Id.