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Vulgarisation technique et politique énergétique : quel(s) lien(s) ?

Publié le 09 août 2010 par Scienceblog

ans le journal Le Monde daté du 30 juillet 2010 (page 12), on peut lire un article très intéressant sur l'avenir des gaz de schistes (" Les gaz de schistes seront-ils la grande énergie du futur ? "). Comme d'hab, je ne vais pas vous faire un résumé lénifiant de l'article. Tout au plus vous encouragerai-je à consulter quelques liens : http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHATS/acheter.cgi?offre=ARCHIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1131246, http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_naturel et http://www.neb.gc.ca/clf-nsi/rnrgynfmtn/nrgyrprt/ntrlgs/prmrndrstndngshlgs2009/prmrndrstndngshlgs2009nrgbrf-fra.html.

Il apparaît clairement que la stratégie énergétique d'un pays ou d'un ensemble de pays tel l'Europe par exemple définit les choix technologiques, mais également de consommation énergétique. À leur tour, les choix technologiques ne peuvent être induits que par un équilibre coût - réalisabilité - popularité (dont, aujourd'hui, le risque environnemental fait partie). Si c'est réalisable, mais trop cher et salissant, ça ne va pas. Si c'est très propre, mais cher et pas réalisable (ou trop difficilement) non plus. En fait, il y a un couple facilité de mise en œuvre / coût : plus la technologie est " facile ", moins elle est chère. Mais la popularité d'un technologie aide à la baisse des coûts : plus on pourra mettre en œuvre de dispositifs techniques, moins le coût à l'unité est élevé, donc moins c'est cher globalement. Et c'est là que les bienfaits de la vulgarisation interviennent ...

La vulgarisation technique participe à la mise en place de technologies potentiellement plus coûteuses en facilitant leur acceptation par le public (politique et économique compris) en en faisant comprendre les intérêts à moyen ou long terme. Je m'explique : si vous voulez qu'une technologie soit facilement acceptée par un public, quel qu'il soit, alors il faut faire la démonstration de son intérêt, c'est à dire plus propre, plus jolie, plus bio, etc pour reprendre les poncifs actuels. La structure de l'article du Monde ne laisse d'ailleurs aucun doute : d'abord on présente le sujet en entier sur une page, puis on décrit (on vulgarise) les techniques employées (avec des flous concernant notamment l'utilisation de " produits chimiques " ; ce pourrait être du mollard de phacochère, un solvant spécifique, on n'en saurait pas plus), pour enfin dévoiler les risques environnementaux.

Alors que jusqu'à présent, on ouvrait la bouche en poussant des ah et en s'arrêtant là, aujourd'hui, la donne est moins simple. On questionne les différents risques, comme si le " principe de précaution " devenait l'affaire du citoyen. Et là, effectivement, il semble bien que la technologie soit polluante. Cet aspect est assez nouveau dans les pages des journaux il faut bien dire, et on apprend alors dans une rubrique " éclairages " qu'on utilise " des produits gélifiants destinés à maintenir le sable en suspension dans l'eau [...], des antibactériens et des acides pour dissoudre certaines matières. " Et, effectivement, le journaliste décrit par le menu un procédé potentiellement sale. Fini l'époque à laquelle on proposait une technologie propre, et si elle ne l'était pas, on n'y regardait pas à deux fois.

Résumé : une nouvelle technologie a besoin de vulgarisation pour être plus et mieux acceptée par des dirigeants, donc on utilise les pages d'un journal à niveau de lecture relativement élevé. Problème : c'est un procédé polluant. Question : est-ce que ça va empêcher cette technologie d'être développée. Réponse : non.

Depuis les débuts de cette nouvelle technique, les États-Unis visent de près l'indépendance énergétique, et n'achètent pratiquement plus de gaz chez gazprom, le leader mondial et russe de distribution de gaz. L'enjeu économique et politique est beaucoup trop important pour que cette " vulgarisation négative " ait un quelconque effet, ou alors beaucoup trop tard. Il faudra voir à long terme les effets polluants de cette nouvelle technique d'extraction gazière, mais on peut être pessimiste : eau polluée, terrais pollués ... Bref, je ne vous fais pas de dessin.

Nous connaissons d'autres séquences du même type dans lesquelles la vulgarisation est utilisée dans deux phases, la première positive et la seconde négative. La plus connue, et dont le débat politico-économique fait rage actuellement, c'est celui des éco-carburants. Première phase : les éco-carburants sont notre avenir puisqu'ils nous promettent une indépendance énergétique, tout au moins dans les pays où il pousse quelque chose facilement. Super !! Deuxième phase : les éco-carburants produisent des plantes qui affaiblissent le sol, sont produits avec des OGM, et les terrains utilisés devraient plutôt être utilisés pour assurer l'alimentation et l'autosuffisance, plutôt que de se diriger vers la production d'énergies nouvelles. Bref, c'est pas bon.

On imagine que la vulgarisation telle qu'elle est produite depuis bientôt deux siècles a des des effets globalement positifs. Est-ce vraiment le cas ? Et si ce n'était qu'une arme politique comme une autre ? Et si ce savoir proposé à nos oreilles n'était qu'un leurre ? Et si cette vulgarisation n'apportait, en dépit des bonnes volontés, aucun sens critique au public ?

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