Dans son édition du 6 août, Le Monde consacrait un article reprenant le fil de l’offensive sécuritaire menée depuis l’Elysée par Nicolas Sarkozy et Claude Guéant. Le quotidien relève qu’aucun ministre n’a osé faire un clash et reprend les propos anonymes d’une source proche du Président qui considère que Bernard Kouchner “a manqué une occasion en or de claquer la porte“.
Donné partant pour le prochain remaniement en octobre, Bernard Kouchner a dans un entretien accordé au Parisien le 31 juillet que les jeux n’étaient pas faits : “Cela fait trois ans et demi qu’on m’annonce sur le départ et je suis encore là. Je ne vais pas me rouler par terre de désespoir en lisant ceci ou cela dans la presse. Je ne suis pas propriétaire de mon poste, ce n’est pas un siège qui m’appartient. Je suis à la disposition du président de la République et du Premier ministre. Je note cependant que la politique étrangère de la France est écoutée, que beaucoup de réformes ont été entreprises, beaucoup de travail accompli. De nombreux pays nous consultent sans arrêt. Parfois, je me dis que ça me ferait du bien de souffler, c’est un poste passionnant mais éprouvant. Quoi qu’il en soit, si l’on fait la moyenne de la longévité de mes prédécesseurs au Quai d’Orsay, je me situe déjà dans une fourchette haute. Cela dit, je ne suis pas encore viré et, si je reste, j’en serai ravi, on verra bien“.
Rester, coûte que coûte donc, fusse au prix de quelques accrocs avec sa morale. Quand Michel Rocard s’emporte, dénonce avec virulence les dernières mesures annoncées par Nicolas Sarkozy sur la sécurité, allant jusqu’à estimer que le projet de condamner les parents d’enfants délinquants est comparable au régime de “Vichy” et aux “Nazis”, Bernard Kouchner se tait.
Le très atlantiste ministre des affaires étrangères devrait pourtant prêter l’oreille aux critiques venues d’outre-atlantique. Le New York Times dans un éditorial du 6 août titrait : “Xénophobie : chasser les non-Français “.
Le quotidien new-yorkais épingle la stratégie risquée du président Français marquée comme souvent par l’inculture et l’incohérence.
Inculture quand “Nicolas Sarkozy, qui aime être appelé Sarko l’Américain, attise dangereusement les passions anti-immigrés pour des calculs politiques à court terme” et joue avec la déchéance de nationalité, ce qui serait impossible aux Etats-Unis où la citoyenneté américaine, qu’elle soit de naissance ou acquise, est protégée par le 14e amendement.
Incohérence quand le NYT relève que Nicolas Sarkozy a épousé une Italienne naturalisée française, Carla Bruni, et a pour père un immigrant hongrois, Pal, qui a également acquis la citoyenneté française.
Ministre de ce même Sarkozy, Bernard Kouchner qui un temps a incarné de façon active le droit et le devoir d’ingérence n’ignore pas que la grandeur de la France est liée aux idées qu’elle porte. Son silence est d’autant plus coupable quand ce sont des droits fondamentaux qui sont remis en cause. Pâlot ministre qui laisse le soin à des journalistes américains de rappeler que la France est “un pays qui a longtemps défendu avec orgueil le principe d’égalité devant la loi de tous les citoyens français“?
Homme cultivé, Bernard Kouchner a encore quelques semaines pour méditer la citation de Thomas Jefferson : “Chaque homme de culture a deux patries: la sienne et la France“. Il n’est jamais trop tard pour tenter de sauver son honneur en trouvant bon gré, mal gré, une porte à claquer.
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