Roulette américaine (match point ?)

Par Borokoff

A propos de Droit de passage de Wayne Kramer 2 out of 5 stars

Aux Etats-Unis, les destins croisés de plusieurs familles d’immigrants en quête d’une vie meilleure et à la recherche du fameux « American Dream ». En l’occurrence, une « green card », sésame pour avoir le droit de travailler aux USA…

Max Brogan (Harrison Ford) travaille comme agent pour les Services d’Immigration de Los Angeles. Chaque jour, il fait expulser des travailleurs immigrés et clandestins venus du Mexique, d’Asie ou d’ailleurs. Proche de la retraite, il se met en tête de sauver le fils d’une ouvrière mexicaine menacée d’expulsion. Son collègue Hamid a quant à lui eu pitié d’un adolescent coréen surpris en plein braquage, alors qu’il devait recevoir la nationalité américaine le lendemain…

Autant prévenir, Droit de passage est un film à double tranchant. Autant il verse dans les énormes clichés et la caricature, autant il aborde avec une rare franchise un sujet presque tabou (en tout cas rarement évoqué hormis The visitor de Thomas Mac Carthy ou Amerrika de Cherien Dabis) dans les productions américaines : l’immigration clandestine (ou non) aux Etats-Unis. A travers les histoires d’un musicien anglais juif, d’une actrice d’origine australienne, d’une jeune Bangladeshi, Droit de passage revient sur les rouages d’un système pour le moins aléatoire et injuste. Ou quand la chance vous tombe dessus… ou pas.

Le chanteur anglais parvient à obtenir par exemple une carte de « permanent resident » en se faisant passer pour un Juif fervent alors qu’il ne connait la religion que de très loin. L’actrice australienne, elle, aura moins de chance. Proche d’obtenir la « green card » (elle a accepté pour cela de coucher avec le responsable qui les alloue, alias Ray Liotta), elle se fait « griller » in extremis…

Là où d’un côté Droit de passage dénonce avec honnêteté les aberrations et les injustices d’un système aux allures de roulette russe, de l’autre il verse dans la caricature et l’improbable le plus total. L’épisode où une collégienne Bangladeshi est menacée d’expulsion et d’être séparée de sa famille parce qu’elle a soutenu publiquement la cause des auteurs des attentats du 11 septembre 2001 est un peu simpliste. L’adolescente verse certes dans la provocation mais n’est-ce pas surtout de la maladresse au regard de son très jeune âge ?

L’histoire du meurtre de Zahra, la sœur d’Hamid, est dans la même lignée. D’origine iranienne, la jeune femme a été exécutée par un membre de sa famille parce que ses mœurs étaient en contradiction avec leurs convictions religieuses et les valeurs familiales du père. « Crime d’honneur », la scène a été retournée suite aux plaintes du Conseil Irano-américain. A l’origine, Sean Penn devait y jouer le rôle d’un flic de l’immigration et Hamid être l’auteur du crime. Mais les producteurs ont coupé la scène et fait modifier le scénario pour que ce ne soit plus Hamid mais un autre membre de la famille qui tue Zahra…

Ce traitement primaire et sans nuances de la question de l’Immigration aux Etats-Unis vont de pair avec une autre scène aux dialogues invraisemblables dans le film. C’est lorsqu’Hamid, qui vient de tuer quatre jeunes Coréens dans un braquage, laisse s’échapper le cinquième larron parce que celui-ci doit recevoir la nationalité américaine le lendemain. C’est risible, mais surtout mélodramatique au possible. Et de mélo, Droit de passage en est truffé… A la solennelle scène de fin (pour la naturalisation américaine) répond le pathos avec lequel le réalisateur filme l’adieu, certes déchirant, de la jeune Bangladeshi à sa famille.

Lorsque Hamid tient en joue le jeune Coréen pendant le braquage, il a les larmes aux yeux et sort au jeune homme un couplet du style : « Demain, quand tu recevras la nationalité américaine, observe bien ces gens autour de toi, la gravité de leur expression, la fierté sur leur visage… »

C’est « too much ». Le bide retentissant qu’a fait Droit de passage aux Etats-Unis laisse entrevoir trois possibilités. Soit le sujet de l’immigration est perçu comme tabou de l’autre côté de l’Atlantique, soit il laisse tout simplement les Américains indifférents, soit Harrison Ford est définitivement passé du côté des acteurs « has been ». Aux côtés de Mel Gibson…

www.youtube.com/watch?v=LM52P9HAjvY