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Un peu de jour aux lèvres, de Mireille Fargier-Caruso (par Marie Séjourné)

Par Florence Trocmé

Fargier Caruso  Ce livre attire comme objet. Son espace est ouvert par une photographie, en couverture. Entre sable, mer & ciel : un tableau dont l’ocre jaune porte la ligne intense de bleu que longe l’azur teinté de rose à l’horizon. Son titre met l’espace représenté en rapport avec le corps de la pensée et le corps de l’écriture. Un entrouvert, où passe le jour, préfigure sur les lèvres énonciatrices l’ombre qu’elles tenteront de cerner, de cadrer, de limiter.  
L’espace intérieur du livre joue sur la coupure, la page de gauche dispensant de brefs énoncés en italique où le lexique de la représentation emprunte sur le mode conditionnel aux arts visuels, crée un contrepoint, un effet de sourdine, un accompagnement : 
Ce serait comme  des négatifs (12) 
Ce serait comme des négatifs   des images   des tirés à part (18) 
Ce serait comme des images  des tirés à part   des tableaux (30) 
Ce serait comme   un film qui revient (34) 
Ce serait comme  le film continu  d’un paysage (104). 
Tandis que la page de droite abandonne l’italique et reprend le dernier fragment pour incipit d’un texte qui devient parole sur les lèvres du jour : 
Ce serait comme  une aquarelle 
  Un frôlement 
  une échancrure 
  Ce qu’il faut de douceur (52) 
Ce qu’il faut de douceur pour ouvrir un corsage 
et dans les mains le souvenir comme on ouvre une lettre  
(…)(53) 
Cette respiration des signes porte la douleur d’un deuil qui inaugure le travail d’écriture : 
quelques pages ici pour être encore un peu avec lui 
garder avec précaution un peu de jour aux lèvres (15) 
Deuil dont la présence sera bordée par une mémoire qui pousse à rester en vie, gardant le souvenir de sensations précieuses, cherchant « une clé pour l’inhabitable » (11). Avec cette question initiale empruntée à Camus : «  Comment consacrer l’accord de l’amour et de la révolte ? » Et, au terme du parcours, cette réponse :  
dans le silence de ce lieu vacant tu te dis que vraiment 
  écrire c’est s’accompagner (153) 
Dans l’intervalle, le deuil se poursuit, le jour devient du désir l’anagramme: 
tu remets du rouge la couleur du désir sur ta bouche tu ne peux oublier 
la ferveur des fontaines la douceur d’un prénom dans la nuit (110) 
Cette présentation n’entre pas dans le détail d’un texte qui revient sur lui-même, disposant ses énoncés comme les pièces d’un mobile, qu’il déplace et réinstalle - montage qui emprunte au cinéma, au collage pictural ou musical. Avec, au retour du thème, un effet lancinant, hésitant… 
par Marie Séjourné 
 
Mireille Fargier-Caruso 
Un Peu de jour aux lèvres 
Paupières de terre, 2010
16 €


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