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Hebbadj, polygame de 15 ans, se noie en échappant à un contrôle de l'IGS

Publié le 09 août 2010 par H16

Pour les rédactions de presse, le problème du mois d’août est multiple : moins de journalistes, moins de pigistes, moins de correcteurs, moins de politiciens et donc moins d’ »actualité ». Rapidement, le farniente s’installe et bientôt, plus aucun sujet ne sera traité à fond avant Septembre. En France, on a poussé la logique à son comble : c’est farniente onze mois sur douze. Et en août, c’est arrêt total.

Pour nous en convaincre, il suffit simplement de jeter un oeil sur les gros titres du jour, par exemple en prenant les premières entrées fournies par Google.news.

Au passage, on écartera bien vite la terrible nouvelle d’un mort sur le championnat international de sauna, sans laquelle nos amis journalistes auraient eu bien du mal à remplir leur section « Insolite » et dont l’absurdité ne doit cependant pas faire oublier que le plus absurde reste à venir.

Si donc on oublie les saunas tueurs, on se retrouve pour la France avec des gros titres qui en brossent un portrait à gros aplats baveux et bien sombres : « Un adolescent se noie en fuyant la police, l’IGS saisie« , selon Libé qui repompe l’Agence Fausse Presse, « Hebbadj mis en examen pour viols et laissé libre » selon Ouest-France, et « Sécurité et déchéance de nationalité : le débat se durcit » pour Les Échos.

En gros, on ne se trompe pas beaucoup en résumant tout ces faits au thème commun « Police & Sécurité », ce qui, d’habitude, tient plus des faits divers que de l’actualité nationale de premier plan. Mais, comme je le soulignais, nous sommes en août, et il faut bien trouver matière à remplir quelques pages de ces journaux qui ne se vendent plus.

Polygames : tous barbus venus d'ailleurs ?

Et c’est là que la créativité journalistique française rentre en jeu.

Ainsi, pour le cas du fuyard noyé, rien que les titres donnent matière à réflexion : pour les brillants folliculaires de Libé relayant la Pravda Informative, comme noté ci-dessus, le titre permet d’apprendre qu’un gamin s’est fait courser par la police, en est mort, et que l’IGS a été saisie, montrant clairement qu’il y a eu un problème (pensez-donc, l’IGS intervient !). Pour le Parisien, le cas de l’IGS n’est pas mentionné dans le titre, mais on précise tout de même, avec « Un adolescent se noie après une course poursuite avec la police« , que la noyade a eu lieu après une course-poursuite ; l’éclairage change sensiblement.

La lecture des articles sous l’un et l’autre titre permettent de préciser ce qui n’était qu’une impression.

L’article Pravda-Info / Libération commence ainsi :

Un adolescent de 15 ans s’est noyé dans la nuit de samedi à dimanche à Mantes-la-Jolie (Yvelines) en sautant dans la Seine pour échapper à la police après une course-poursuite en voiture, un drame pour lequel la justice a saisi la police des polices.

Il est intéressant de constater l’importance, aux yeux du journaliste, de l’implication de l’IGS dans l’histoire. En réalité, à chaque fois que la police est impliquée de près ou de loin dans un homicide, ce service est saisi. Il n’y a donc absolument rien d’exceptionnel, mais cette mise en avant, dès l’introduction, permet d’amener le lecteur à se poser la question : la vilaine police n’aurait-elle pas encore dérapé (avec lourde insistance sur le encore) ?

Il suffit d’ailleurs de constater la différence de ton lorsqu’on lit l’article du Parisien : le premier paragraphe donne une autre ambiance :

Un jeune adolescent de 15 ans issu d’une cité sensible des Mureaux (Yvelines) s’est noyé dans la Seine dans la nuit de samedi à dimanche. Les faits, survenus peu après minuit à Mantes-la-Jolie, ont eu lieu lors d’une course poursuite avec les policiers

Au bout d’une cinquantaine de mots, l’IGS n’a toujours pas été saisie, mais on apprend que le noyé provenait d’une cité « sensible », adjectif dont l’absence de guillemet dans l’article permet de comprendre que nous sommes en territoire novlanguesque. Remplacez par « décorative », « printanière », voire « festive », et bizarrement, le sens n’est pas changé.

Bref : les rédactions s’ennuient. Elles pompent mollement du fil A·F·P, et remontent en première page des faits qui alimenteront le débat qu’elles ont absolument tout fait pour envenimer en collant d’appétissants micros joufflus devant les babines baveuses de politiciens aux irrésistibles réflexes pavloviens de logorrhée déclarative ridicule.

Et avec ce genre de procédés, il y a fort à parier que le sujet ne sera pas clos ce mois-ci (ou le suivant) : tout semble fait, encore une fois, pour que la réflexion passe au second plan, et que l’émotion pilote l’ensemble des articles qui seront pondus et des décisions qui seront prises.

Pour le cas Hebbadj, c’est exactement la même chose : on se noie dans les déclarations effervescentes de bêtise d’un Hortefeux dont la langue est manifestement un organe qu’il ne contrôle pas, et la cornucopia de titres plus ou moins farfelus concernant l’épicier (oui oui, c’est d’Hebbadj qu’il s’agit) : il a été arrêté pour viol et violences, pardon pour viol aggravé, pardon mis en examen, pardon laissé libre, pardon en garde à vue prolongée. A s’en tenir aux titres, il a vraiment un gros mauvais karma des familles.

This image makes no sense.

Ici aussi, tant le mois d’août que la structure même politicien/journaliste font qu’on est en pleine combustion spontanée auto-entretenue : d’un côté, cette andouille prognathe à la langue trop pendue (une performance) adore dégoiser des bêtises sur le sujet dès qu’un micro passe à portée, déclarant même « comme un cas de société plus qu’un fait divers » le dossier de Lies Hebbadj, ce qui donne une vraie idée de l’envergure du ministre. Et de l’autre, la troupe des joyeux journalistes franchouilles s’empresse de relater cette palpitante opinion alors que la moindre des politesses en société consiste à ne pas claironner que son voisin de table est pris de flatulences.

Ainsi, notre mois d’août pourra ainsi se remplir sans problème : à force d’insister sur le fait que des « violences policières » déclenchèrent, il y a peu, des émeutes en banlieue, on devrait bien pouvoir arriver à embraser un chouilla les Mureaux, non ? Au besoin, on insistera sur les forces de polices déployées dans la cité pour prévenir les incidents. Et puis, en incitant Brice, avec moult interviews et force « points-presse »  fréquents, à exciter tout le monde avec les premières idioties qui lui passent par ce qui lui tient lieu de cerveau, on devrait là encore arriver à produire autant de papier qu’en Juillet ou en Juin, non ?

On se gausse, mais ces héroïques efforts parviennent parfaitement à repousser l’attention du lecteur : les problèmes de la criiiise, les marchés qui montent et qui descendent nerveusement à mesure que les volumes s’effondrent, et, plus récemment, les chiffres apocalyptiques en termes d’emploi, on n’en parle pas. Du tout.

Hebbadj, polygame de 15 ans, se noie en échappant à un contrôle de l’IGS

Or, le cas de cet ado qui décroche un joli Darwin Award n’intéresse en réalité qu’une toute petite partie des Français : ce n’est qu’un n-ième avatar de cette faillite globale de l’éducation et de la socialisation des jeunes générations actuelles.

Or, le cas Lies Hebbadj concerne essentiellement une poignée de personnes, et pourrait être résolu de façon extrêmement rapide (comme, d’ailleurs, les problèmes d’immigration en général) : supprimer toute forme d’allocation élimine mécaniquement le besoin de produire du moutard pour l’apport financier qu’il représente, tout comme interrompt tout aussi mécaniquement l’envie d’aller glander dans un pays lointain. Accessoirement, ce genre de mesure rendrait immédiatement les milliards ponctionnés à l’économie marchande, tout en assainissant quelque peu les désastreux comptes sociaux, ce qui amoindrirait les effets de cette criiiiise dont on ne parle toujours pas.

Mais comme je le disais plus haut, ce constat ne pourra être fait : l’émotion, pilote sous amphétamine d’une course folle vers un finish resplendissant de paillettes et de ridicule, n’autorise en rien le moindre recul ou la mise en perspective de ces faits divers. En revanche, elle se trouve fort bien dotée pour masquer l’indigence absolue des mesures prises pour résoudre les problèmes qui touchent les 65 millions de Français.

Et nous ne sommes que le 9 août…

Crédit Photo : Flickr, Luc Legay


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