Revoir ses séries préférées est toujours un moment d’émotion. On a l’impression de faire partie des meubles, du fait d’avoir été le témoin privilégié de bribes de vie de personnages marquants. Revoir un film, c’est une chose. Cependant, je reste convaincu, comme je le disais dans l’article sur Evangelion, que la série provoque un sentiment d’attachement et de familiarité encore plus fort, c’est d’ailleurs sa raison d’être, qui fait qu’on est toujours fidèle au poste à chaque épisode. Haibane Renmei (Ailes Grises en français) possède un statut particulier puisqu’elle fait partie des séries de/avec la participation de Yoshitoshi ABe, dessinateur/mangaka mais aussi créateur de séries animées, auquel j’ai dédié un blog d’actu, L’atelier d’ABe. Si je suis son actualité et que je la partage, cela montre bien que ses oeuvres m’ont beaucoup touchées et me touchent toujours. Un tweet d’un compatriore animefan a achevé de me convaincre de faire ce que je prévoyais depuis longtemps : revoir la série. Diffusée au Japon à partir d’Octobre 2002, elle compte treize épisodes de 24 minutes. Après avoir revu la moitié, voici mes impressions tout à fait personnelles, à chaud.
Rakka est une fille à l’allure adolescente qui se réveille un jour dans un énorme cocon. Elle va « naître » dans un monde inconnu où elle vivra avec les Haibane, des fiilles à l’allure angélique, et deviendra l’une d’elles. Sans aucun souvenir de son passé, elle commencera à s’interroger en découvrant ce mur autour de la ville qu’elle n’a pas le droit de franchir… Durant les premiers épisodes, elle découvrira la vie de Haibane dans ce petit monde. La ville les aide en leur fournissant des vêtements, de la nourriture, et en entretenant l’énorme maison dans laquelle elles vivent (Old Home). En contrepartie, elles doivent travailler pour les humains. A la recherche de son futur métier, Rakka découvre celui d’Hikari (boulangerie), de Kana (horlogerie), de Nemu (bibliothèque), et de Reki (s’occuper des enfants). Cette première partie de la série qui se déroule paisiblement transmet au spectateur un sentiment rare : de la tendresse et de la chaleur. Voilà pourquoi je suis si enchanté par cette nouvelle vision, et pourquoi j’ai envie d’en parler.
Je suis né à la campagne. Au centre de la France, dans l’Allier. Pendant de nombreuses années, j’ai vu de la verdure, des arbres, des champs, des fleurs, des fruits, des animaux… J’ai vu de jolis paysages par ma fenêtre, j’ai vu la terre mouillée par la pluie, j’ai vu le lierre courir sur les murs, j’ai vu les gros volets en bois… Plusieurs années après, je me rends compte que cet environnement et cette qualité de vie m’ont fortement marqués et que j’en viens parfois à les regretter. Car en dehors de cette campagne, je visitais des villes modernes, je me retrouvais dans des établissements fonctionnels et sans vraie âme, je découvrais les internats, les appartements… Ces expériences ont toutes été fabuleuses à leur façon, mais je ne peux m’empêcher de ressentir un manque à chaque fois, un manque visuel, esthétique, sentimental. Les villes ne sont-elles pas moches de nos jours ? J’habite à Lyon, et il est vrai qu’en plus de profiter de quelques arbres en face de chez moi, je peux me rendre dans le très beau quartier du vieux Lyon, qui fait partie de ces endroits précieux où le temps s’arrête. Mais ce n’est pas le cas partout. Je ne déteste pas les bâtiments modernes. Au contraire, j’aime l’architecture qui a une personnalité, ce qu’on peut bien sûr trouver dans des constructions récentes comme les immeubles en façade transparente, car j’aime aussi les designs minimalistes et géométriques. Cependant, je ne peux pas voir les bâtiments fait pour empiler des habitants ou des services sans qu’on prenne le temps de se demander s’ils ont une identité. S’il y a bien une raison pour laquelle j’aimerai retourner dans le temps, c’est pour me retrouver dans des décors de films comme Le parfum ou Le seigneur des anneaux… ou dans Haibane Renmei ?
Oui, car si j’ai raconté ma vie et apporté ma touche de « c’était mieux avant » pendant tout un paragraphe, c’était bien pour retomber sur mes pattes. Si je suis tant ému par les épisodes que je revois, c’est aussi car ils me permettent de m’évader de mon appartement l’espace de quelques minutes. Il n’est pas facile de dater l’époque à laquelle se déroule la série, vu que ce n’est pas précisé ; ce qui est sûr, c’est qu’on baigne dans le temps où se balader en ville était encore possible sans être agressés par des publicités, des voitures, des enseignes criardes, des centres commerciaux, et tout autre avatar du monde moderne, qu’on ne rejette pas forcément mais qui n’embellissent que rarement les paysages. Après sa naissance dans le monde de Guri, Rakka visite les alentours et la ville, pour le plus grand plaisir de nos yeux qui profitent de décors soignés et rafraîchissants. Ca sent bon l’air frais, les balades en vélo l’été et les fins d’après-midi doucement fraîches de l’Automne. De même, l’immense maison qui sert d’abri aux Haibane possède tout le mystère qui appartient aux vieux bâtiments, comme j’en parlais dans le précédent article sur les lieux abandonnés. Ici, le béton et le plastique sont loin, on mange autour d’une table en pierre, les grandes portes grincent, les pièces abandonnées sentent le vieux, et on tourne et retourne une plaquette en bois pour annoncer ses absences. C’est une sorte de paradis perdu, de cocon enveloppant, ce qui est renforcé par la présence du mur infranchissable autour du village, comme si les spectateurs, comme les Haibane, étaient un moment coupés du monde extérieur pour respirer et se ressourcer.
Les valeurs de la série sont également assez traditionnelles mais dans un sens défendable et non passéiste. Ainsi, le travail est important pour les Haibane, qui doivent remercier la ville et la fédération Haibane de veiller sur eux. A l’échelle de ce petit monde, cela n’a rien à voir avec le monde moderne dans lequel le travailleur ne voit pas forcément ou se situe l’utilité de sa tâche et où il est souvent en manque de reconnaissance. Ici, les Haibane ne travaillent pas sans ressentir un minimum d’amour pour leur domaine : l’exemple de Kana et de la joie qu’elle montre à réparer une horloge est frappant. Certes, le fonctionnement de la Charcoal Feather Federation est un peu opaque : les Haibane ne peuvent communiquer avec ses membres autrement qu’avec des mouvements codifiés des ailes et des mains ; aucune parole n’est autorisée. Reste que de ces scènes de travail ressort une bonne ambiance ainsi que quelques rires, même s’il est sûr qu’elles travaillent dur.
C’est un peu la même chose entre les filles elles-mêmes : discussions tranquilles, souriantes, sorties en ville, balades en vélo, repas en groupe… La vie en communauté, en somme. Une vision bien éloignée de l’individualisme actuel, ce qui la rend très agréable. Une vision qui, aussi, rappelle la joie d’un repas en famille. Haibane Renmei est vraiment l’anime du bonheur pour ceux qui, comme moi, rêvent d’une vie avec plus de chaleur, de rencontres, mais aussi de temps pour soi, à regarder la pluie tomber en buvant un chocolat chaud blotti dans une couverture. Evidemment, le rythme de ce premier arc est plutôt tranquille ; je ne dirai pas lent, simplement tranquille, il n’y a pas d’enchaînements de plans longs mais plutôt des péripéties de tous les jours, que vous saurez apprécier si mon article vous parle un minimum… Ensuite, sans vouloir trop en dire, les choses changent ; raison de plus pour profiter de ces six premiers épisodes radieux.
Ne sachant pas d’où elle vient, qui elle est, et ce qui se trouve derrière le mur, Rakka va peu à peu se poser des questions qui vont la hanter. C’est alors un autre Haibane Renmei qui commence. En attendant de voir la suite, j’espère avoir éveillé votre curiosité pour la série, si vous ne l’avez pas encore vue. J’en reparlerai d’un point de vue plus technique à la fin, en attendant, voici quelques captures d’écran supplémentaires pour le plaisir des yeux.
A la prochaine !