J'avais une vision purement technologique de la qualité d'exposition m’imaginant que l'exposition matricielle du niveau d'un Canon 5D MK II serait quasi parfaite. Mais aussi évolué soient ils, les posemètres mesurant en lumière réfléchie ne savent pas ce qu'ils voient. Que ce soit en photographie ou avec le zébra d’une caméra, ils voient mais ne ressentent pas.
Pour eux le monde est en gris et la base des algorithmes d’analyse a pour référence la réflexion d’un ton moyen, neutre, a mi chemin entre le noir et le blanc : le (fameux) gris neutre a 18 %. Ils excellent quand la scène photographiée à une répartition homogène des tons. L’exposition calculée est une moyenne ; le rendu est donc moyen. Lisse.Plat. Consensuel. Il plait par son absence de déséquilibre. Tout y est. Tout est montré. Obscénité.
Et pour peu qu’il y est des zones blanches et/ou noires, celles ci seront rendu plus gris pour le blanc, moins noir pour le noir. On s’habitue aux mensonges.
Bien que j’étais déjà revenu à une mesure avec prépondérance centrale pour avoir à minima une exposition plus modelée (mais sur les posemètres intégrés, la zone de mesure dépend de la focale utilisée) en approfondissant l ‘étalonnage des caméra RAW, je me suis dis que l’achat d’un posemètre/spotmeter à main devenait une nécessité. Un besoin.
Mes premiers essais en mesure incidente furent une révélation.
Je ne pensais pas que ce type de mesure (on mesure la lumière tombant sur l’objet à photographier et non la lumière réfléchie par cet objet) pouvait être aussi radical dans l'esthétisme.
La matière a un velouté, une présence, une attente troublante. Une texture aux confins de la réalité. Une offrande au regard. Ce regard qui ne se pose plus, mais caresse. La lumière est chair. C’est la lumière du sens. De la sensation. De l’émotion.
Certaines photos ressemblent aux tableaux de l'Ecole Hollandaise du 17ème siècle. Cette école de l’ombre et de la lumière se poursuit dans la mesure en lumière incidente, car on y découvre (par ce type de mesure et la précision du posemètre) l’incroyable versatilité de la lumière : un léger décalage dans l’endroit de la mesure, et on se retrouve sur/sous exposé. Il faut percevoir la lumière pour la mesurer.
Pas de miracle donc, la mesure en lumière incidente reste un outil qu’il faut maîtriser par un lent apprentissage, une grande modestie. Le pinceau ne fait pas le peintre.
L’étrange beauté n’est pas dans la moyenne mais dans la singularité. La mesure en lumière réfléchie (excepté faite celle réalisée sur un gris à 18%) ne peut offrir qu’un rendu mécanique, une sensation abandonnée de toutes singularités, de toutes altérités. Une émotion sans déraison.
Mais voila, la lumière est création. Et de l’exposition à l'étalonnage on se doit d’être à la hauteur de cette ambition. S’engager. Prendre parti. Combattre. Redevenir peintre.
Nos aubes vous oublieront.