The Prodigy @ Milton Keynes: bouillon de culture et claque dans ta face

Publié le 08 août 2010 par Www.streetblogger.fr

3h de voiture jusqu’à Dunkerque, un auto-stoppeur négociant en voiture de luxe qui écrit des lettres à la Française des Jeux quand les cagnottes du Loto sont différentes de celles annoncées, 2h de ferry, re-3h de voiture dans le mauvais sens pour atteindre Milton Keynes et 15 ronds-points plus tard pour contourner toute la ville et nous voilà arrivé au National Bowl où Prodigy devait donner son plus gros concert jamais donné en Angleterre. Pour faire passer le prix de la place à 65 €, la production du concert  avait décidé de le changer en festival.  Invités de Prodigy sur la scène principale, que des groupes qui ont grandit en les écoutant mais qui n’arriveront jamais à leur cheville. Dans l’ordre Does It Often You, Chase & Status, Enter Shikari et Pendulum.

Mais avant il faut finir le chemin de croix, donc mon compagnon d’aventure et moi-même arpentons les sentiers du parc dans lequel se trouve le National Bowl pendant encore un quart d’heure. Passé la vérification des tickets on entre dans l’arène en passant par une entrée symbolisée par une toile noire avec une fourmi orange sous laquelle des brumisateurs nous purifient une dernière fois avant d’entrer en guerre. « Purifier » voilà un mot qui n’avait pas sa place pour les 65 000 english imbibés qui prenaient place dans cet amphithéâtre en plein air qu’est le National Bowl. Lorsqu’on entre sur le gazon déjà jonché de bouteilles de bière en plastique vides à 17h à peine, on aperçoit à l’horizon une marée humaine massée sur les pentes qui enserrent la scène principale. On se croirait dans les scènes de batailles de Braveheart ou Gladiator. Sincèrement ça fout le frisson. On se pose donc tranquillement pour voir Enter Shikari monter sur scène. Et quinze minutes plus tard on repart parce qu’on trouve ça tout pourri. Alors dans notre errance entre les carcasses de bouteilles, les mecs avec les cheveux fraichement teint en vert ou rouge fluo, les gens venus en famille avec leur gosse de 10 ans, on trouve derrière les pentes du National Bowl, une deuxième scène.

Environ deux cent badauds sont aspirés par le dj sur scène. Il faut dire qu’il ne ressemble pas au commun des dj’s qu’on a l’habitude de voir. Lui c’est genre une calvitie, des petites lunettes, t-shirt qui enrobe sa bedaine rentré dans le jean et surtout aucun MacBook, ni de Serato à l’horizon.  Alors ce gars qui pourrait être ton père ou le mien, se met derrière ses platines, sort un vinyl (oui un vinyl !) et nous fait la leçon à tous en nous présentant les premiers morceaux Dub de King Jammy datant des années 70. Le tout mélangé à du Dubstep que lui à fait découvrir son fils. Et entre chaque morceau le papy passe devant sa table pour danser, enfin se déhancher, enfin s’échauffer les articulations tout en animant le morceau. Il continue sur des classiques de Jungle de General Levy qui ravissent la foule qui semble très bien connaître les morceaux. Au bout de quelques minutes je capte que le nom de ce dj est David Rodigan, nom que j’ai déjà vu passer sur certains morceaux. En rentrant chez moi je découvrirais que le jeune homme à 59 ans bien tassés et qu’il est une légende parmi les disc-jokeys d’outre-Manche.

Après une discussion foot avec un jeune hooligan repenti qui gueule comme un porc sur  « One Love » d’un certain Bob Marley, on retourne sur la scène principale pour voir le prochain groupe (et dernier avant Prodigy) qui n’est nul autre que Pendulum. Si vous ne connaissez pas ce groupe, sachez qu’il a fait ses armes dans les tréfonds de l’underground de la Drum’N’Bass avant de gagner en notoriété notamment en remixant les têtes d’affiche de la journée. Le tout dernier album de ces Australiens, intitulé « Immersion »,  s’est classé directement premier dans les charts anglais. Par contre c’est une sombre daube qui fait illusion le temps des trois premières pistes. Même adoubé par la présence de Liam Howlett sur l’album, on ne peut prendre ce groupe comme les successeurs de Prodigy. Ce n’est pas ce que les réactions de la foule laisse penser en tout cas. Des dizaines de milliers de personnes bougent et reprennent les paroles du groupe pendant ce live qui oscille grossièrement entre D&B et Metal de supermarché. On passe donc notre temps comme on peu, placés contre les barrières à l’extrême-gauche de la scène. D’ici on peut observer que la partie réservée au public juste devant la scène est strictement VIP. Surprenant. Bref de notre poste, on est aux premières loges pour voir tous les petits jeunes à mèches et gros bidons bourrés et recouverts de poussière se faire sortir par les ogres aux points d’acier de la sécurité lorsqu’ils sont un peu trop virulents.  Seule distraction de ce concert qui nous ne parle pas.

Par contre les milliers d’Anglais présents eux sont au taquet. La plupart reprend les paroles en chœur, j’ai presque peur de ne pas avoir le courage de tenir jusqu’au bout. Il faut avouer quelque chose, les Anglais écoutent vraiment de la daube assez souvent. Leur Pop est surement la plus meurtrière qui existe en ce bas monde. C’est aussi surement cela qui fait la force de leurs courants musicaux underground qui se dressent en réaction à cette daube calibrée pour la BBC et autre E4.  En attendant, pas possible d’aller passer le temps vers la deuxième scène, un groupe de Metal y joue et comme vous devinerez ce n’est pas non plus la came de mon compère et moi-même. Quand c’est comme ça on se bouche les oreilles et on attend que ça passe.

Le supplice est fini. Zane Lowe, DJ star de BBC Radio 1 prend les platines pour nous faire patienter. Là encore on pourra encore s’étonner de la versatilité de l’audience anglaise qui réagit comme un seul homme aussi bien sur de l’Electro incertaine comme Benny Benassi ou Enur mais aussi du TC remixé façon médecine de brousse par Caspa, où le très lourd « Mad » des Magnetic Man. Après la fin de son set, tout le monde est sur le pied de guerre à attendre le vrai début des hostilités. Les jeunes raveurs à côté de moi se font des rails de coke sur des flyers froissés, un peu plus bas j’aperçois une version baraquée de Edgar Davids (l’ex-joueur de foot hollandais connu pour ses lunettes) avec sa femme et son fils d’à peine 14 ans que j’avais déjà croisé dans l’après-midi en train de travailler à ramasser tous les goblets de bière vides qui pullulaient sur l’herbe du National Bowl. Des jeunes à mèche, des balourds éméchés, c’est en gros le panorama assez hétérogène qu’on peut faire de la population qui ronronne d’impatience en attendant Prodigy. Impossible pour mon compadre et moi-même de descendre dans la fosse. En bas c’est déjà le bordel, les bouteilles de bières en plastique vol à une fréquence tellement rapide qu’on a l’impression qu’elles sont soulevées par des jets d’air chaud. La douche à la bière non merci, puis le voyage du début de journée commence à peser, on ne joue pas à domicile, donc évitons la douche à la bière pour puer le houblon mélangé aux glaires sur le chemin du retour.

La scène s’éclaire, les sirènes hurlent, l’alerte du bombardement imminent retentit et le groupe fait son apparition sous les hurlements de la foule. Pas de « Wall of Death » pour décor comme habituellement en tournée mais des ambulances sur scène. Une est en suspension tandis qu’une autre est garée à gauche de la vigie de Liam Howlett, général en chef maestro des opérations. Comme au Zénith, et pour le reste de la tournée, le groupe ouvre sur « World’s on fire ». La puissance du son et du jeu de lumière prend toute la foule qui s’agite dans un seul élan à la manière d’un épileptique. Les petits cokés d’à côté trouvent que nous ne sommes pas assez virulents, mais après un « Breathe » bien allongé et un « Omen » sans fausse note, je pense qu’on nous étions proches de leur niveau et ce sans l’apport d’aucune drogue dure. Par contre en étant placé sur les coteaux du site à au moins deux cent mètres de la scène il manque quelque chose. Les invectives de Keith Flint et de Maxim sont presque impossibles à palper. Si le dernier donne de la voix, Flint comme à son habitude s’occupe de courir de part et d’autres de la scène pour exciter les premiers rangs. « Colours » est corrigé, certains éléments ayant été changés d’ordre par rapport à la version studio. La guitare électrique notamment a été revue pour jouer un air assez différent de l’original. Suivent « Poison » et surtout « Thunder ». Surprise là encore le morceau est revisité. Cette fois-ci c’est dans une verve Dubstep-Rock que le morceau part et au-lieu de lâcher les chevaux, Liam Howlett les retient en gardant la fracas d’une charge de cavalerie. « Warrior’s Dance » est entrecoupé d’un solo de clavier géré de main de maître par Howlett encore une fois.

Petite retombée lorsque le groupe ressort « Weather Experience » des cartons. Tiré de leur premier album Experience sorti en 1992, ce morceau très lent et planant est accompagné d’un jeu de lumière assez énorme, comme durant tout le concert d’ailleurs. Beaucoup du jeune public dont moi ne connaît pas trop ce morceau sorti quand j’avais six ans ! On embraye d’une vitesse sur « Mindfields » et son ambiance entre Breakbeat et Jungle avant de passé la sixième en mode supersonique sur le frénétique et classique « Voodoo People ». On reprend des allures de gens venus assister à un concert philarmonique quand Liam Howlett s’éclate sur la reprise d’ « Omen » puis on termine tranquillement sur « Invaders Must Die », le Hip-Hop industriel de « Diesel Power » puis le classique d’entre les classiques « Smack My Bitch Up » véritable talisman du groupe.  Le groupe déserte la scène mais on sait bien qu’ils vont vite revenir, le public en hurle d’ailleurs comme pour demander sa dose.

On ressort vite le clairon et la fanfare pour la calvacade avec un « Take Me to The Hospital »  des plus classiques.  On saute mais les articulations se font fragiles et la fatigue se fait salement ressentir. L’intro de dingue de « Everybody In The Place » nous fait encore planer (toujours pas de coke dans le zen je vous rassure) mais le rythme ultra-sacadé nous empêche toute embardée. Le cœur n’y est plus. On se laisse tout de même amener vers le massif «No Good » et sa mélodie de virage de stade de foot reconnaissable entre mille. Allez une dernière série de saut en ignorant faim, douleur et fatigue. Je vous laisse découvrir ce que valaient les trois derniers titres (Charly, Their Law et Out of Space) sur Youtube.

Nous on rentre dans le sud de Londres pour dormir. Encore 90 km de voiture. On a pris une claque en matière de concert mais aussi d’immersion dans la culture anglaise en live. J’aurai pu titrer cet article « Chaos et harmonie » mais je pense que pour le coup « Bouillon de culture et claque dans ta face » était plus éloquent. Les sujets de la Reine sont une sacrée bande de dingues sur scène et en dehors. Prodigy a encore une fois fait exploser la scène et assit sa réputation de meilleur groupe live de ces vingt dernières années. Rien à redire. Rendez-vous à la fête de l’Huma pour leur prochain live en France. Cette fois-ci on jouera à domicile.