Nous avons très largement examiné la draconienne Directive Sur Le Temps de Travail de l'UE par le passé (voir ici, ici, ici, ici, ici et ici, par exemple), en lançant l'avertissement qu'elle n'allait pas disparaitre d'elle-même. Elle est de retour à la une après qu'une nouvelle étude ait mis en évidence l'impact négatif qu'elle a sur le Service National de Santé NHS au Royaume Uni.
L'étude auprès de 500 chirurgiens de haut rang pour l'Ecole Royale des Chirurgiens avertit que les règles de cette directive étaient en train de créer une génération de « pointeurs » dotés d'une « éthique du travail paresseuse » qui ne ressentent plus de responsabilité personnelle pour leur patient. Parmi les docteurs qui ont respecté les 48 heures, 56% ont dit qu'ils l'ont fait aux dépens de la santé des patients.
Et aujourd'hui nous apprenons par une analyse plus poussée de la part de la même école que des milliers d'autres patients attendent maintenant plus de 18 semaines leur intervention du fait des règles de l'UE. En fait, les temps d'attente avaient baissé depuis les années 90, mais les règles de la Directive Sur Le Temps de Travail pour les médecins juniors, mises en application en août dernier, ont inversé la tendance. La proportion de patients du NHS qui doivent attendre plus longtemps que le délai visé de 18 semaines a presque doublé de 1,5% il y a 18 mois à presque 3% en mars de cette année.
Comme l'a formulé le président de l'Ecole Royale des Chirurgiens, John Black, « dire que la Directive de l'UE Sur Le Temps de Travail est un échec spectaculaire serait massivement en dessous de la vérité. »
Au total, elle coûte à l'économie du Royaume Uni entre 3,5 et 3,9 milliards de Livres Sterling chaque année (en ces temps d'austérité), ce qui en fait la loi de l'UE la plus chère dans les livres de statuts du Royaume Uni. Ça en fait aussi un des exemples les plus clairs de règlementation de l'UE qui continue de générer des coûts écrasants d'année en année mais que personne ne remet en cause. C'est aussi un camouflet pour ceux qui prétendent que le droit social de l'UE est effectivement mort.
La combinaison des règles sur le temps d'astreinte, le repos compensatoire et les 48 heures a depuis des années imposé de lourds fardeaux aux secteurs public et aux entreprises dans toute l'Europe (en Suède, en Allemagne et aux Pays Bas par exemple) sans avantages suffisants en retour. Tenter de planifier centralement comment la semaine de travail devrait s'organiser dans 27 pays différents (avec des systèmes de soins de santés et des modèles de marché du travail différents, etc.) ne pouvait qu'entrainer des problèmes.
Très peu de gouvernements Européens ont un affection particulière pour la Directive de l'UE Sur Le Temps De Travail (le Parlement Européen, ça, c'est une autre histoire). Au moins 15 États membres sont en train de recourir à la clause de retrait pour les 48 heures pour contourner les règles d'astreintes et de repos. Mais à cause de la difficulté qu'il y a à changer les lois de l'UE une fois qu'elle font l'objet d'un accord, la Directive reste en place malgré les coûts et malgré les preuves de son échec.
La question est désormais : que va faire le gouvernement de coalition du Royaume Uni à propos de cet échec spectaculaire ? Nous avons déjà précédemment avancé l'argument que Royaume Uni devrait chercher à obtenir un retrait total de la politique de droit social de l'UE, selon la ligne suivie par les Conservateurs quand ils étaient dans l'opposition.
Il y a un éventail de raisons pour lesquelles ça serait raisonnable. Bien que nous n'allons pas toutes les réitérer ici, ça serait, par exemple, cohérent avec la promesse de la coalition de réduire les coûts et de ramener la prise de décision plus près des communautés, des entreprises et des familles. Ça serait aussi la seule manière de s'assurer que le Royaume Uni (et d'autres pays) ne perdent pas leur droit de retrait pour les 48 heures qui est victime d'attaques constantes du Parlement Européen et de groupements d'intérêts étroits à Bruxelles.
La perte de cette dérogation coûterait au Royaume Uni entre 9,2 milliards et 11,9 milliards de Livrs Sterling, un montant ridicule quelle que soit la période, mais particulièrement par les temps qui courent.
En 2007 –ce qui peut nous sembler un siècle maintenant- David Cameron a dit :
« Ça sera une priorité de premier rang pour le prochain gouvernement Conservateur de restaurer le contrôle national sur le droit social. »
Le manifeste électoral conservateur avait ensuite atténué un tant soit peu cette rhétorique :
« Nous voulons restaurer le contrôle national sur ces parties du droit social qui se sont avérés causer le plus de dégâts à nos entreprises et services publics. Par exemple l'application de la Directive Sur Le Temps de Travail de l'UE au Service National de Santé NHS. »
Ils ont finalement laissé tomber cette promesse de l'accord de coalition qui dit simplement :
« Nous examinerons le bilan des compétences existantes de l'UE et travaillerons, en particulier, à limiter l'applications de la Directive Sur Le Temps de Travail de l'UE au Royaume Uni. »
Quelle évolution.
Un porte parole du Ministère de la Santé était cité récemment dans le Telegraph, déclarant :
« Au sujet de la Directive Sur Le Temps de Travail de l'UE, le ministre de la santé apportera son soutien au ministre de l'entreprise dans ses négociations futures sur ses révisions, en particulier la préservation de la clause de retrait. »
Pas exactement la déclaration la plus ferme, mais mieux que rien. Ayant laissé tomber sa promesse sur le rapatriement de cette compétence, le gouvernement de coalition doit faire de la renégociation de la Directive Sur Le Temps de Travail une priorité absolue ; ça économiserait des tonnes d'argent et serait cohérent avec la promesse de la coalition de se débarrasser des lois dont nous ne voulons pas. De ne même pas arriver à s'attaquer à ça, le domaine le plus évident de renégociation avec l'UE, laisserait un goût très amer.
Et il y a des alliés à trouver dans toute l'Union Européenne, c'est juste une question d'aller au charbon.
Un article du blog d'Open Europe.