Ron, ron et pas Papon

Chaque fois que j’ai lu sur un monument ou une plaque commémorative la mention « assassiné par les Nazis », j’ai perçu le souci de leurs auteurs d’opérer une distinction entre Nazis et Allemands. Ces rédacteurs avaient sans doute à cœur d’éviter de faire porter sur l’ensemble des Allemands la responsabilité des crimes commis par les suppôts d’Hitler et de ne pas compromettre une possible réconciliation ultérieure des deux grands peuples séparés par le Rhin. Il n’empêche que de telles inscriptions masquent une réalité historique.

Bien sûr, les Allemands qui n’ont pas connu cette époque sont innocents des crimes commis alors. Je ne vois guère que la chrétienté pour s’être obstinée, à travers les siècles, à faire sévir le concept d’une responsabilité trans-générationnelle. Mais si les Allemands sujets du Troisième Reich ne sont pas, pour la plupart, personnellement coupables de massacres à l’échelle d’un continent, il convient de ne pas oublier, comme on le fait trop souvent, surtout par nos gouvernants confrontés à des rapprochements qu’ils récusent, qu’Hitler a été porté au pouvoir par des élections avec toutes les apparences de la démocratie.

Le point où je veux en venir, c’est que les peuples ont les gouvernants qu’ils méritent et se retrouvent avec des dirigeants à leur image. Nous avons porté à la tête de notre pays un personnage indigne, avide, inculte, vulgaire, vindicatif. Il vient de nous faire savoir que son état de santé était normal. A-t-il subi un examen psychiatrique, comme on serait en droit de l’attendre pour tout chef d’Etat susceptible de déclencher l’apocalypse nucléaire ?

On n’abandonne pas la démocratie brutalement, mais plutôt par une succession de glissements légers. Ainsi quand on constate que l’ordre en France est entre les mains d’un ministre condamné pour injure raciale, quand un Président, Français de deuxième génération, ose opérer une distinction entre les Français, en contradiction absolue avec la Constitution qu’il doit faire respecter et respecter lui le premier, il y a réellement quelque chose de pourri en ce royaume. Et sa cohorte de courtisans, grands manipulateurs, qui diffusent des résultats de sondages approbateurs, dont on ignore tout de la réalisation : date, taille, composition de l’échantillon sondé, mode d’enquête, libellé des questions !

Y a-t-il encore une opposition dans ce pays ? A-t-elle dans ses placards tant de cadavres qu’elle craigne qu’on les ouvre ? Qu’est donc cette terreur de se trouver englué dans une polémique d’où le gouvernement sortirait champion de l’ordre et de la sécurité, et l’opposition protectrice des malfrats et assassins de policiers ?

Il peut être parfois malaisé de distinguer le bien du mal. Mais il est aussi des circonstances où le doute n’est pas permis. Quelles qu’en soient les conséquences, il faut alors se dresser contre l’immonde quand il en est encore temps. A défaut, on s’expose au sort d’un Papon.