Ayant découvert le jeu vidéo il y a plus de 20 ans, joué dans les guildes des MMO les plus hardcore, dans les grandes compétitions de Counter-Strike, et apprécié les plus profonds des RPG aux nombreuses pages de texte, je ne pensais pas que ce syndrôme me prendrait un jour, et pourtant, c'est un fait : comme la plupart des joueurs vieillissants, je m'approche de plus en plus de ce qu'on appelle un "Casual Gamer", ou plutôt, un genre de gamer différent et nouveau...
Descente en enfer
Les symptômes étaient au début très légers : plus grande sensibilité à la frustration, réduction du temps des sessions de jeu, le curseur qui passe petit à petit du mode "Difficile" à "Normal" voir "Facile" dans certains cas. Et puis, c'est la débandade : la faible durée de vie des jeux actuels est devenue un bon point lors de mes achats car elle signifiait que je pourrai aller au bout de ces titres sans y passer des mois, j'ai de plus en plus délaissé mon fidèle PC pour me tourner vers des jeux console plus orientés action, les complexes titres et de stratégie et gestion qui avaient bercé mon adolescence ont laissé place à des jeux plus rapides à prendre en main, l'iPhone a remplacé la PSP... En étais-ce fini de moi ? Etais-je devenu ce casual gamer dont de nombreux journalistes de la presse spécialisée s'est moquée durant des années, nouvelle cible de Nintendo et Apple ?
L'émergence des "Gamers Actifs"
Peut-être, mais il semble que cela soit finalement dans l'ordre des choses. Les joueurs de ma génération qui ont découvert le jeu avec les toutes premières consoles (et que l'on peut donc considérer comme étant la "seconde" génération de gamers "maison") ont maintenant entre 25 et 35 ans, sont installés, indépendants, et disposent d'une manne financière plus importante que par le passé, mais manquent d'un précieux élément : le temps. Travail et vie familiale réduisent inexorablement le temps que l'on peut dédier au jeu, à moins d'être un triste sir sacrifiant sa vie de couple ou sa carrière à une passion qui devient alors moins saine. Ainsi, le temps a fait son ouvre, et nous autres "jeunes actifs" sommes les représentants d'une nouvelle génération de gamers : des joueurs qui ont joué beaucoup, disposent d'une culture vidéoludique avancée, mais manquent de temps pour s'adonner à leur loisir préféré comme par le passé.
Cette génération de gamers, tout aussi loin des traditionnels "casuals" que des excessifs "hardcore", tendra au fil du temps à devenir la moyenne du public des jeux vidéo alors que nos enfants et les leurs qui sont nés avec une console dans les mains grandiront et subiront eux-aussi la même transformations. Cette nouvelle tendance, que l'on appellera ici les "Gamers Actifs", recherche une expérience profonde et immersive mais facile à consommer petit à petit et laissant de côté les éléments rébarbatifs qui jonchent encore le gameplay de nombreux jeux.
Réaction et adaptation
Comment s'adapte l'industrie du jeu vidéo à cette nouvelle tendance ? Comme d'habitude : par de nouveaux formats. On a ainsi pu voir un premier essai d'adaptation avec l'arrivée des jeux épisodiques qui, qu'elles aient ou non trouvé le succès, proposent une expérience complète séparée en plusieurs morceaux, chacun ayant un début et une fin et permettant ainsi aux gamers limités par le temps de tout de même apprécier un titre. Mais le changement le plus significatif est à mon avis arrivé dans le monde des MMORPG. Ces jeux, destinés à un public adulte (PC, nécessitant pour beaucoup l'accès à une carte de crédit) pour la plupart, forment probablement la catégorie nécessitant le plus de temps pour être réellement appréciée. Afin de s'adapter à son public, on a pu voir le célèbre World of Warcraft changer la vitesse de progression des personnages de bas niveau et devenir au fil du temps de plus en plus accessibles aux joueurs moins acharnés. All Points Bulletin propose un autre exemple d'adaptation à cette population de joueurs en mettant à disposition, en plus du traditionnel abonnement, un modèle permettant de ne payer que le temps de jeu consommé, laissant ainsi les joueurs "occasionnels" la possibilité de jouer sans toutefois ressentir le besoin de "rentabiliser son abonnement" en jouant beaucoup. La Corée du Sud a vu, quand à elle, l'émergence du genre "casual MMO" centré sur l'action et les courtes sessions de jeu, dont le MMO gratuit Dragonica est un représentant qui est arrivé jusqu'à chez nous.
Conclusion
Au fur et à mesure que "tout le monde" se met à jouer sur de nombreux formats différents, le traditionnel clivage "casual" contre "hardcore" gamer ne fait plus aucun sens car le public des jeux s'enrichit petit à petit de nombreux autres groupes et niches de joueurs qui demandent chacun une expérience de jeu adaptée à leurs besoins. Au milieu des discussions technologiques sur les motion controllers ou la montée des jeux en téléchargement, le grand défi de l'industrie du jeu vidéo pourrait bien être sa capacité à s'adapter à ces changements générationnels afin de fournir à chacun une expérience adaptée, sous peine de voir d'autres médias et divertissements prendre la place que le jeu vidéo a chèrement gagné : celle de leader de l'industrie du divertissement.