Magazine Culture
Pablo Pineda est acteur. Trisomique. Premier européen à obtenir un diplôme universitaire. Mais avant tout, il est un être humain. Voilà l’essentiel d’une œuvre sacrément culottée qui ose soulever au cinéma, des sujets plutôt tabous : la sexualité des personnes handicapées, l’hypocrisie d’une société odieuse et de surface qui ne s’écarte jamais des normes pré établies, la difficulté- au quotidien- de vivre sa différence. Alors qu’il aurait été facile de sombrer dans le scabreux et/ou le voyeurisme, les deux cinéastes (visiblement très engagés dans la cause) distillent pudeur et sincérité au propos, douceur et légèreté dans la mise en scène, et vice versa. Ici, l’accusation se fait subtile, jamais agressive (ce que l’on aurait compris), toujours posée avec équilibre et bon sens, dans un jeu de contrastes tour à tour révoltant, tendre, compréhensible, plein de tristesse. Et même si les personnages sont esquissés d’un trait compatissant par les deux réalisateurs, leurs faiblesses et lâchetés face à la bienséance sociale ne sont aucunement passées sous silence : l’héroïne doute par peur du regard d’autrui, les autres condamnent par jalousie (les collègues), possessivité (les mères) ou incompréhension (le reste du monde), et, même le frère- dans une séquence très cruelle- rappelle Pablo à la raison ("Aucune fille normale ne pourra tomber amoureuse de toi"). Le film est étonnant de lumière, d’humour et de générosité, alors que le sujet ne s’y prête guère ; mais reste pourtant d’un bout à l’autre lucide sur cette part d’obscurité qu’elle cache derrière un discours optimiste, se voulant tout à la fois accusateur et plein d’espoir, hurlant une apologie du refus des normes, en soufflant tout de même à l’oreille qu’il est toujours plus sage et/ou facile de rester dans le rang. Paradoxal donc, dans sa franche insolence.