Un billet inspiré une fois encore d'un article en provenance des États-Unis, intitulé "I Tweet, Therefore I am" - Je tweet donc je suis - signé Peggy Orenstein (30 Juillet - New-York Times).
L'auteur - et écrivain - dans un article savoureux - et typiquement américain - décris comment, alors qu'elle en est venue à utiliser tardivement mais régulièrement Twitter, elle se pose des questions sur la nature de notre personnalité depuis qu'elle est exposée "en ligne". Ce qui nous constitue et ce que nous construisons/montrons de notre personnalité aux yeux de "tous" sur le Web.
Elle décris une scène estivale d'un samedi matin, où elle est dans son jardin avec sa petite fille, toutes deux allongées sur une couverture, riant, mangeant des abricots et écoutant la lecture d'un classique de la littérature enfantine. Il s'agit d'un bon moment, un moment qu'elle semble considérer comme rare, et elle a soudain envie de "tweeter" pour en rendre compte ("I realized excitedly, the perfect opportunity for a tweet"), alors que, dit-elle, elle devrait être pleinement présente, toute à cet instant.
Elle choisira finalement de restituer ce moment sous la forme du tweet (140 caractères) suivant: “Listening to E.B. White’s ‘Trumpet of the Swan’ with Daisy. Slow and sweet.”( En train d'écouter"Trumpet of the Swan" avec Daisy. Doux et délicieux. <Littéralement en fait: lent/calme et doux). Elle constate qu'il s'agit plus dans sa façon de le restituer d'une composition, que de ce qu'elle ressent vraiment. D'où son interrogation: "Je me demandais alors ce qui, de mon fluxTwitter ou de moi façonnait l'autre?"
Elle cite ensuite des études qui tendent à démontrer notamment que le fait d'être présent sur les réseaux sociaux illustre la phrase: Your psychology becomes a performance. Et d'ajouter: "quand nos amis deviennent des fans, qu'advient-il de notre identité?", pour s'interroger sur cette - dit-elle - auto-promotion constante.
Serions-nous donc aujourd'hui dans nos présences digitales dans une représentation par trop appuyée? Une construction qui nous éloignerait de ce que nous sommes "vraiment"?
Évidemment, je ne suis pas psychologue, donc, ce qui suit n'engage que moi. Il faudrait aller lire par ici pour, petit à petit, mieux cerner le sujet (si j'ose dire!).
Juste, une première chose. L'auteur de l'article du New-York Times est écrivain. Et ce n'est pas rien. Il me semble qu'elle accomplit exactement là en écrivant son tweet œuvre littéraire plutôt que sentiment ou simple ressenti. C'est son talent et son métier que de composer et mettre en scène.
Ensuite, nous ne sommes heureusement pas tous en ligne en train de rendre compte de nos moindres faits et gestes. Bien-sûr, on peut régulièrement lire "suis dans le train", "ou "suis place untel, quel bel endroit". Et puis, on peut aussi vouloir rendre compte - pourquoi? - de moments plus complexes, de sentiments plus fins, d'impressions plus ténues. On peut aussi, par exemple, utiliser une photo pour restituer un moment particulier. Ce faisant, il s'agit également d'une forme de composition.
Mais, je pense que ces compositions font partie de nous-même, en ligne ou pas. Il ne s'agit pas, avant tout forcément d'auto-promotion. Certains peuvent, et doivent, se construire des personnages parce qu'ils sont en représentation, pour une raison ou pour une autre. Mais, en ligne, seule la composition la plus vraie, la plus proche de ce que vous êtes, "fonctionne".
Et cette construction, où qu'elle se fasse, contribue justement à façonner ce que nous sommes. Par l'expression d'imaginaires, par les choix.
Il s'agit aussi d'interactions. La différence entre vie "réelle" et exposition en ligne, c'est que le nombre de personnes y est plus important et pas nécessairement familier (mais, dans la vie , nous ne sommes justement pas tout le temps, et pas souvent, dans le cercle protégé des familiers).
Ce qui implique, à l'évidence, beaucoup de conséquences, mais pas, je pense, en premier lieu, cette performance psychologique à tout prix.
Si vous avez un avis sur ces questions ou une lecture à suggérer, n'hésitez pas!
Photo: Renata Osinska - copyright PhotoXpress.com.
- L'article du NYT: I Tweet Therefore I am
- Le billet d'un blogueur américain: Deric Bownds' MindBlog: I Tweet Therefore I am