A moi, à moi ! (Kabîr)

Par Arbrealettres


En vain l’on a obtenu une naissance humaine:
Nombreux sont ceux qui ont droit sur ce corps !
Le père et la mère disent : « C’est notre enfant »,
C’est pour leur propre avantage qu’ils l’ont nourri.

L’épouse dit : « C’est mon mari ! »
Et, telle une tigresse, elle s’apprête à le dévorer…
Femme et enfants le fixent avidement,
Comme des chacals, la gueule ouverte!

Corbeaux et vautours attendent sa mort,
Cochons et chiens guettent son cadavre…
Le feu dit : « C’est moi qui dévorerai son corps »,
L’eau dit : « C’est moi qui éteindrai le feu! »

La terre dit : « C’est à moi qu’il reviendra »,
Le vent dit : « C’est moi qui disperserai ses cendres… »
Cette maison que tu appelles ta maison, pauvre sot,
C’est l’étau qui te serre à la gorge!
Tu as considéré ce corps comme tien,
Et tu t’es égaré dans l’attachement aux biens sensibles,
O insensé!

Nombreux sont les ayants droit de ce corps,
toute ta vie, tu en pâtis,
Et tu ne reprends pas tes esprits, fou que tu es,
et tu cries : « A moi, à moi ! »

(Kabîr)