Sortie du livre « Châtiments »: L’Univers des tragédies silencieuses

Publié le 06 août 2010 par Deestar
L'histoire de Mama Moussa DIAW, médecin de profession, auteur du livre « Châtiments », distribué au Sénégal par la librairie Athéna et édité par la maison internationale « Les Éditions Phoenix » (www.EditionsPhoenix.com), est fortement marquée par les tragiques événements raciaux d’avril 1989, entre le Sénégal et la Mauritanie. Des évènements qui l’ont conduit dans les camps de réfugiés, où il a vécu l’extrême pauvreté, l’assistance humanitaire, etc. qu’il a relatés dans son premier roman ''Les Otages''. Ce n’est pas un hasard si, dans son nouvel ouvrage « Châtiments », il nous décrit la rencontre de deux destins pour nous plonger dans un univers de tragédies silencieuses. L’univers des talibés, enfants de la rue, guettés par les dangers de la mendicité, va à la rencontre de la drogue, du tourisme sexuel et de ses corollaires avec, comme fil conducteur, les violences faites aux enfants. Quel lien y a-t-il entre Marcel, cinquantenaire, ouvrier Français et Seydou, huit ans, fils de marabout vivant au Sénégal? Comment une certaine forme de tourisme constitue-t-elle le terreau idéal pour la pédophilie ? Quels sont les acteurs et les complices des violences psychiques et physiques commises sur les enfants ? Telles sont les questions redoutables auxquelles nous renvoie « Châtiments ». Un livre à lire absolument. Vous venez de sortir un livre intitulé « Châtiments », aux Éditions Phoenix, livre distribué au Sénégal par la Librairie Athéna, au 33, rue Jules Ferry. Peut-on se faire une idée des « sévices » voire des « crimes » qui ont valu à votr Mama Moussa Diaw :
Je crois qu’après avoir dénoncé les crimes contre la communauté négro-mauritanienne dans mon précédent ouvrage « Les otages», les défenseurs des Droits de l’Homme, les victimes d’injustice et tous ceux qui me connaissent s’attendent à me retrouver dans le même registre. Globalement, ils n’ont pas tort. Je suis un homme épris de justice, engagé, prêt à dénoncer certains maux de notre société que nous essayons d’ignorer, parce qu’ils nous semblent lointains, sans incidence directe sur notre quotidien.

Ainsi, dans ce nouveau livre, « Châtiments », j’essaie de visiter une variante de la violation des Droits de l’Homme qui est le phénomène des enfants de la rue. C’est un sujet auquel nous sommes confrontés chaque jour et, que nous banalisons pratiquement, car, il se passe rarement un jour sans que la presse n’en fasse mention dans ses livraisons. Combien de fois des violences sur les enfants avec des châtiments corporels, des abus et sévices en tout genre, sont-ils dénoncées ?
Il y a quelques jours, c’est le Représentant-Résident de l’Unicef qui est monté au créneau pour dénoncer ce phénomène qui véhicule une image négative du Sénégal. D’ailleurs ce livre est dédié à l’Unicef et, à toutes les personnes physiques ou morales qui œuvrent pour le bien-être des enfants en général et, pour le respect de leurs droits, en particulier.

Mais, y a-t-il un mérite à dénoncer un drame qui est presque devenu un fait divers ? Donc, je suis allé plus en profondeur en mettant à profit mon histoire, mon expérience de médecin, pour mieux toucher l’opinion, sur des dangers beaucoup plus grands qui menacent les enfants de la rue et, j’ai essayé de mouler tout cela dans une fiction presque cinématographique.

Quels sont les liens entre la société et les enfants de la rue, quelle est la place de ces derniers dans celle-là, comment la perçoivent-ils ? Quel est l’univers de ces enfants, comment passent-ils de leur espace familial à cette misère, comment s’adaptent-ils ? Comment faire pour guider le lecteur à découvrir cet univers qu’il ignore et, qui détermine la vie de l’enfant de la rue ? Qu’est ce qui se passe dans cet environnement ? Comment s’organise la formation (si formation il y a) ? Où va l’argent qu’il récolte ? À qui profite-t-il ? Quels liens peuvent exister entre le tourisme, dans toutes ses formes et les enfants de la rue, entre la drogue, la prostitution et certaines maladies graves et les enfants de la rue, etc… ?

C’est à ce genre de questions que j’essaie de répondre dans « Châtiments » pour contribuer, un tant soit peu, à trouver des solutions à ce mal qu’est le phénomène des enfants de la rue.
Faites-vous une différence entre les enfants de la rue et les enfants dans la rue ? Ensuite, quelles peuvent être les conséquences psychiques et corporelles de tels « Châtiments » sur l’enfant ? M.M Diaw :
Les enfants de la rue vivent une situation de danger permanent imposée par les adultes.C L’enfant dans la rue, lui, n’y est que de passage (pour aller à l’école, faire une commission, etc.) pendant un temps bien limité. Le comportement est différent car, quand l’un évite les véhicules l’autre va vers eux, quand l’un évite les passants et les inconnus, l’autre va vers eux ; d’où une situation d’exposition très différente mais jamais nulle. Certains enfants de la rue y élisent même domicile, ce qui veut dire que la rue constitue leur tout, donc leur vie.
Cependant, dans la rue, tous les enfants ont besoin d’être accompagnés, guidés, protégés, compris et priorisés.

Maintenant, si on revient sur l’impact psychique et corporel des châtiments, vous comprendrez aisément que le premier choc pour cet enfant en général, c’est la séparation avec ses parents (dans le cas du talibé), surtout avec sa mère. En effet cette séparation - que j’appelle premier châtiment – intervient vers 4 ou 5 ans, au moment où le garçon est en compétition œdipienne avec son père. Il est violemment arraché à l’amour de sa mère et, jeté dans un univers malsain, hostile, pour des raisons qu’il n’est même pas en mesure de comprendre. C’est ce que je décris à travers l’histoire de Seydou, le personnage principal du livre.

Comment l’enfant va réagir face à la violence physique, aux premières brimades, aux châtiments corporels ? Dans ce roman, j’ai essayé, autant que possible, de suivre la chronologie des évènements pour faire entrer le lecteur dans la peau de l’enfant de la rue, le petit talibé, afin de l’amener à vivre certaines formes de violences comme les pires formes de travail, les châtiments corporels, les punitions, les privations, etc… Je suis allé encore plus loin, en l’invitant à découvrir d’autres formes de violences exercées sur les enfants et pour lesquelles, peut être, il ne se serait jamais senti concerné, interpellé. Maintenant il faudra décortiquer avec lui, une à une, les conséquences de toutes ces violences sur l’organisme de cet enfant, sur son psychisme, son avenir pour qu’il puisse, à son niveau, dire ce qu’il peut faire, décider de ce qu’il va faire, etc…
Votre livre nous plonge dans l’univers de l’enfant de la rue. Pourtant le Sénégal a ratifié pas mal de conventions relatives à la protection des enfants, mais le mal persiste. Que peut-on faire de plus et de mieux dans la prise en charge des enfa M.M Diaw :
Ce qu’il faut faire, c’est l’objet de ce roman : inciter les gens à prendre conscience, à se sentir concernés et à s’engager. Bien sûr nous n’irons pas jusqu’à La grève des « battù », comme dirait l’écrivain Aminata Sow Fall, mais trouver des esquisses de solutions. L’erreur qu’il ne faut pas faire, c’est d’essayer de s’ériger en donneur de leçons. Les déterminants du phénomène des enfants de la rue sont nombreux et variés, donc, les solutions doivent prendre en compte, toutes ces spécificités, depuis les ménages jusqu’aux plus hauts sommets de l’État.

En dehors de la pauvreté, principale cause de mendicité en général, celle des enfants (talibés) servait uniquement à leur subsistance et, entrait dans le quotidien de leur formation. Certains parents tiennent toujours à perpétuer ce genre de liens avec les familles maraboutiques, en oubliant que le contexte a totalement changé notamment dans les grandes villes.

Mais, de plus en plus, d’autres raisons purement esclavagistes sont apparues. En effet, certains maîtres coraniques n’hésitent pas à utiliser ces talibés comme moyens de s’enrichir. Ce sont ces enfants que vous rencontrez dans les coins de rue, aux carrefours, un peu agressifs parce qu’ils doivent verser quotidiennement entre 500 et 1000 F CFA. C’est contre ce genre d’exploitation qu’il faut lutter dans l’immédiat par tous les moyens, car, ces enfants sont tout le temps en danger sans jamais bénéficier de ce pourquoi on les a fait venir de si loin : recevoir une formation religieuse !
D’ailleurs, il y a de jeunes marabouts qui vont jusqu’en Guinée chercher des talibés pour les mettre dans le circuit de la mendicité.

Ceci n’est qu’une partie du problème, car, il y a le cas où ce sont les parents eux-mêmes qui obligent leurs enfants à mendier. Il y a même des situations où, c’est carrément une location d’enfants (des jumeaux par exemple) qui se fait. Je ne parle même pas de ceux qui font venir leurs nièces ou neveux de leur village pour en faire des mendiants, à l’insu de leurs parents naïfs, etc…. Il y a tout ce que vous pouvez imaginer et tout ce que vous n’osez pas imaginer.

Donc, l’État doit prendre ses responsabilités pour revoir la situation des enfants de la rue, les identifier et, ainsi, remonter vers tous ceux qui les exploitent de façon si inhumaine. Il y a une loi qui interdit la mendicité des enfants, alors qu’est-ce qu’on attend pour l’appliquer ?! L’État pourra toujours compter sur toutes ces ONG qui se battent contre ce mal de la société, dont la lutte est à harmoniser et, à bien répartir selon les régions et leurs potentiels.

Enfin, les parents doivent avoir pitié des marabouts parce qu’on ne peut pas envoyer son enfant étudier pendant des années sans débourser le plus petit franc, si ce n’est pas démissionner, c’est quoi ?