Sarkozy, un exemple d’échec de l’intégration

Publié le 06 août 2010 par Letombe


"Il faut le reconnaître et je me dois de le dire, nous subissons les conséquences de cinquante années d’immigration insuffisamment régulée, qui ont abouti à un échec de l’intégration" : Nicolas Sarkozy, Discours sur le thème de la lutte contre l’insécurité, préfecture de l’Isère, 30 juillet 2010. Commençons par noter que l’actuel chef de l’Etat, ministre de l’Intérieur en 2002, est en charge de cette question depuis huit ans. Ça ne l’empêche pas d’enfourcher sempiternellement le même canasson. Rappellons ensuite que cette sortie sur l’immigration se situe dans un discours portant officiellement, suivant les termes même du site de la présidence de la République, "sur le thème de la lutte contre l’insécurité". L’insécurité, ce sont donc les immigrés, on ne saurait le dire plus clairement. Mais ce n’est pas la première fois que le méprisable hôte de l’Elysée pratique cet amalgame nauséabond : comme nous le citions dans un billet de novembre 2007, Villers-le-Bel : qui sème la haine..., le candidat à la présidentielle avait déclaré : "qui ne voit qu’il y a un lien évident entre la politique d’immigration non maîtrisée depuis 30 ou 40 ans et l’explosion sociale dans nos quartiers ? Ça crève les yeux qu’il y a une liaison entre les deux". La différence avec la déclaration du 30 juillet dernier, c’est le nombre d’années "d’immigration insuffisamment régulée" ou "non maîtrisée" : trente ou quarante ans fin 2007, cinquante en 2010. C’est fou comme le temps passe vite en Sarkozie ! Il y a cinquante ans, nous étions en 1960. Mais Sarkozy devrait remonter bien avant !

Une date s’impose : 1924. "Né en 1890, Aron Benedict Mallah avait abandonné sa confession juive après son arrivée en France en 1905 et servit comme médecin militaire pour la France lors de la Première Guerre mondiale, raconte L’Express. Il voulait devenir Français et son dossier administratif de naturalisation retrouvé par l’hebdomadaire (Le Nouvel Observateur, NdA), et jamais publié jusqu’ici, comporte une lettre du préfet de police de Paris en 1924 ajournant sa demande. On y lit : "Bien que les renseignements recueillis sur M. Mallah ne soient pas défavorables, j’estime qu’en l’absence de titres sérieux à la faveur sollicitée, il convient d’ajourner l’examen de sa demande et celle de sa femme". Las, le ministère de la Justice passera outre l’avis du préfet et accordera la nationalité française à Aron Mallah. Si la régulation de l’immigration avait alors été suffisante, on la lui aurait refusée, et ce n’eut pas été dommage : il est le grand-père maternel de... Sarkozy ! Et voilà comment, faute de régulation suffisante - le président a raison ! -, on signe l’échec de l’intégration**. Comment ne pas en effet constater aujourd’hui que Sarkozy n’a absolument pas intégré les valeurs de la France, qui sont par exemple résumées, comme nous le rappellions hier, dans l’article premier de la Constitution : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion." Or le président - et son âme damnée Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur condamné par la justice pour injure raciste ! - se pique désormais de déchoir de leur nationalité les Français d’origine étrangère coupables de certains crimes, ce qui reviendrait à créer une catégorie de sous-Français, ceux qui sont d’origine étrangère, contredisant ainsi l’égalité de tous les citoyens devant la loi, fondement de la République. Si la France de 1924 avait été, osons le mot, sans tabou ni angélisme, moins laxiste, jamais Mallah n’aurait été naturalisé - laxisme qui a perduré avec la naturalisation de Pal Sarközy de Nagi Bocsza, le père du chef de l’Etat - et nous n’aurions pas aujourd’hui un président dont la fonction est d’être le garant de la Constitution, et qui propose néanmoins de la violer !

Plus sérieusement, l’éternelle gesticulation sarkoziste sur ses thèmes chéris de l’insécurité et de l’immigration, amalgamés d’une façon objectivement xénophobe, était déjà soulignée et expliquée par Emmanuel Todd, cité dans un billet de décembre 2009 : "Dans sa tribune au Monde, Sarkozy se gargarise du mot "peuple", il parle du peuple, au peuple. Mais ce qu’il propose aux Français parce qu’il n’arrive pas à résoudre les problèmes économiques du pays, c’est la haine de l’autre. (...) Si vous êtes au pouvoir et que vous n’arrivez à rien sur le plan économique, la recherche de boucs émissaires à tout prix devient comme une seconde nature. Comme un réflexe conditionné. Mais quand on est confronté à un pouvoir qui active les tensions entre les catégories de citoyens français, on est quand même forcé de penser à la recherche de boucs émissaires telle qu’elle a été pratiquée avant-guerre. (...) Il ne faut pas faire de confusion, mais on est quand même contraint de faire des comparaisons avec les extrêmes droites d’avant-guerre. Il y a toutes sortes de comportements qui sont nouveaux mais qui renvoient au passé. L’Etat se mettant à ce point au service du capital, c’est le fascisme. L’anti-intellectualisme, la haine du système d’enseignement, la chasse au nombre de profs, c’est aussi dans l’histoire du fascisme. De même que la capacité à dire tout et son contraire, cette caractéristique du sarkozysme. Il ne s’agit pas du tout de dire que c’est la même chose. Il y a de grandes différences. Mais on est en train d’entrer dans un système social et politique nouveau, qui correspond à une dérive vers la droite du système, dont certains traits rappellent la montée au pouvoir de l’extrême droite en Europe. L’habileté du sarkozysme est de fonctionner sur deux pôles : d’un côté la haine, le ressentiment ; de l’autre la mise en scène d’actes en faveur du culte musulman ou les nominations de Rachida Dati ou de Rama Yade au gouvernement. La réalité, c’est que dans tous les cas la thématique ethnique est utilisée pour faire oublier les thématiques de classe." 

Au passif de l’agité de l’Elysée, rappellons enfin cette sortie, datant encore de la campagne présidentielle, que nous éreintions dans le billet Sarkozy officiellement lepénisé, sur le droit opposable au logement : "Je ne souhaite pas non plus que tous les étrangers en situation régulière y aient droit". Déclaration que nous commentions ainsi : "Sarkozy propose donc le plus naturellement du monde d’opérer une discrimination entre étrangers et Français. La préférence nationale des Mégret, Le Pen et Villiers, nous y sommes. Ce qui n’est d’ailleurs pas une vraie surprise : on se souvient que le ministre avait déjà emprunté un slogan à l’extrême droite." Tirant sur la pelote, nous voilà ainsi rendu - synonyme de vomi ! - à la phrase que nous placions en exergue de l’avant-propos de notre ouvrage, Sarkozy, la grande manipulation, dénonciation d’une imposture : "Si certains n’aiment pas la France, qu’ils ne se gênent pas pour la quitter !" "Qu’elle participe d’une tentative de récupération des électeurs proches de l’extrême droite en reprenant son discours type, c’est l’évidence même, expliquions-nous. Historiquement, ce mot d’ordre s’inspire de celui des faucons américains à l’époque de la guerre du Vietnam : «  America, love it or leave it  ». En France, Jean-Marie Le Pen avait déjà lancé le slogan : «  La France, aimez-la ou quittez-la » et Philippe de Villiers préféré : «  la France, tu l’aimes ou tu la quittes  ». Voilà donc Sarkozy qui s’inscrit dans cette belle mouvance." Et pourquoi donc fait-il cela ? Réponse dans un autre billet, Le péché originel de Sarkozy, compilant les extraits de deux livres différents livrant l’explication de la bouche même de l’intéressé : "Pour nous, l’élection de 2007 se jouera sur les électeurs de Le Pen. On les prend, on gagne. On les prend pas, on perd", rapporte Bruno Le Maire, ancien directeur de cabinet à Matignon de Dominique de Villepin et aujourd’hui député UMP de l’Eure* (Des hommes d’Etat, chronique au quotidien de trois années dans la coulisse du pouvoir, Hachette). "Je vous dis une chose. Si on n’avait pas l’identité nationale, on serait derrière Ségolène. On est sur le premier tour, mes amis. Si je suis à 30%, c’est qu’on a les électeurs de Le Pen. Si les électeurs de Le Pen me quittent, on plonge", cite à son tour, superbe confirmation, Yasmina Reza (L’aube le soir ou la nuit, Flammarion)." Racoler l’extrême droite pour se faire réélire, donc, mais aussi agiter le chiffon rouge du couple insécurité-immigration pour créer un écran de fumée et faire oublier karachigate et bettencourtgate. Il nous faut donc à la fois protester contre l’insupportable dérive xénophobe et interdire, par l’ampleur de nos protestations, que soient étouffées ces affaires d’Etat. Sans oublier de nous opposer à l’antisociale réforme des retraites : du pain sur la planche en perspective pour la rentrée !

par Olivier Bonnet

Plume de presse

*Et aujourd’hui ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche

**Les confrères Bruno Roger-Petit et Philippe Boggio ont développé une argumentation similaire.