[Critique DVD] Achille et la tortue

Par Gicquel

« Achille et la tortue » de Takeshi Kitano

Sortie cinéma : 10 mars 2010
En DVD le : 18 août 2010

3 out of 5 stars

Ca commence par une devinette:qui du coureur ou de la tortue arrivera le premier? Ainsi Takeshi Kitano nous prévient : ce qui suit est une fable, ou une légende à la façon dont les différents épisodes de la vie du héros sont annoncés.
Une manière peut-être de se dédouaner d’un parti pris artistique qui s’en prend avec une force… pleine de douceur et de mélancolie, à l’art contemporain, à son monde, et à ses marionnettes. Je ne sais pas dans quelle mesure le cinéaste, qui joue le personnage principal dans sa période vieillissante, règle ses comptes avec son propre univers, mais « l’art n’est qu’illusion » dit-il face à un bol de riz à la portée d’un homme affamé.


A cet instant de la réflexion, le héros Machisu n’a toujours pas réussi à assumer son rêve d’enfance : devenir un peintre connu et reconnu, malgré des premiers pas prometteurs, et les vifs encouragements de son entourage, à l’aisance réconfortante. Dans cette première partie, la facture classique du récit et de la mise en scène décontenance notre attente, tempérée par quelques situations que l’on qualifiera de burlesques.

Mais l’heure n’est pourtant pas à la rigolade quand s’abat sur la famille du jeune homme tous les malheurs du monde. Placide depuis le berceau, il le demeure dans cette nouvelle vie qu’il lui faut affronter seul et pauvre. Second volet des pérégrinations d’un enfant plus gâté du tout, en butte aux marchands du temple (dont un galeriste aussi puant qu’insignifiant que joue très bien Masatô Ibu ), et aux vicissitudes d’un art qu’il tient mordicus pour une respiration.
Machisu tel qu’en lui même, portrait au cordeau d’un artiste maudit que le cinéaste scrute au plus près ,pour y déceler chaque jour une faille nouvelle. Mais l’homme persévère dans son art de vivre, jusqu'à l'obsession, jusqu'à la folie.

L'artiste et son épouse (Kanako Higuchi ) contemplent une oeuvre incomprise. Leur fille (Eri Tokunaga ) n'arrive plus à suivre les frasques de ses parents.

  

Loin du « Basquiat » de Julian Schnabel , Kitano joue la sobriété des cadres, la sagesse des déplacements et se laisse lui-même enfermer dans cette spirale vaine et infernale. Le film n’aurait pas souffert à mon avis de quelques coupures sur les redites de l’impossible création, sur l’enfilade de concepts de plus en plus tortueux, à la recherche de sens, de messages, jusqu’à l’absurde.
Il en devient à l’image du personnage, pathétique et désespérant.