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Je ne me souviens plus quel film m’a le premier introduit au charme cinématographique de Cary Grant. Il s’agissait sûrement d’un film vu à la télé avec ma mère quand j’étais ado, plus ou moins forcé de regarder parce que ma mère n’aura pas voulu rater ça. J’ai certainement soupiré un bon coup, avant de me laisser entraîner et de le trouver cool, finalement, ce vieil acteur. Peut-être était-ce La mort aux trousses. Peut-être était-ce La main au collet. Je ne saurais dire. Ce que je sais c’est que Cary Grant, depuis que je le connais, ne m’a jamais déçu et s’est tranquillement installé parmi mes acteurs préférés.
En même temps il faut bien avouer que depuis que je m’intéresse déraisonnablement au cinéma, j’ai toujours adoré ce genre dans lequel il s’est révélé le plus talentueux des comédiens, la screwball comedy. Ces comédies loufoques aux répliques fusant plus vite que l’Aston Martin de James Bond, Cary Grant en était le roi, de La dame du vendredi à Arsenic et vieilles dentelles en passant par L’impossible monsieur bébé, Grant a excellé dans le genre sous les yeux experts de Howard Hawks, Frank Capra, George Cukor et quelques autres.
Ces films, je me souviens les avoir dévorés, après avoir lu avec fascination la passionnante biographie de Howard Hawks par Todd McCarthy, ou en attrapant une rétrospective Cukor. Si Alfred Hitchcock a fait de Grant la grande star qu’il a été, et qu’il lui a offert des rôles plus troubles que ceux des comédies qui l’ont révélé, mes souvenirs les plus vifs de Cary Grant resteront toujours ceux de l’acteur comique. Ce n’est pas un hasard s’il apparaît au générique de la plupart de mes comédies américaines classiques préférées.
Combien de films avec Cary Grant suis-je allé voir au cinéma juste pour lui ? Il est probablement mon acteur préféré de l’âge d’or Hollywoodien, parce que Seuls les anges ont des ailes, parce que Indiscrétions, parce que Les enchaînés, parce que La mort aux trousses, parce que Charade. Parce que tellement d’autres encore où il est charisme, charme, humour, ambiguïté. On l’aime en un clin d’œil, un sourire, un geste. C’était ça, Cary Grant. Ca l’est toujours.
Le 28 juillet dernier est ressorti en copie neuve Elle et lui de Leo McCarey, un Cary Grant que je n’avais encore jamais eu l’occasion de voir. J’ai donc pris rendez-vous avec la salle rouge de la Filmothèque du Quartier Latin pour combler cette lacune et voir ce film dont j’avais entendu parler pour la première fois dans Nuit blanche à Seattle de Nora Ephron. Elle, c’est Deborah Kerr. Lui, c’est donc Cary Grant. Ils se trouvent à bord d’un paquebot reliant l’Amérique, au départ de l’Europe. Chacun a quelqu’un dans sa vie, mais au cours de cette traversée de l’Atlantique, ils vont tomber amoureux et se promettre de se retrouver six mois plus tard au sommet de l’Empire State Building.
Elle et lui est l'archétype du mélo amoureux. La rencontre, les piques, l’amour, la romance impossible, les promesses, la séparation, les retrouvailles dans les larmes… Le film suit un schéma depuis éprouvé mais qui ne l’était pas à l’époque, et offre une efficacité narrative qui rend le film émouvant sans que l’on s’y attende. Si le charme débonnaire de Cary Grant est présent, il s’inscrit dans un cadre qui le change grandement de chez Hawks, Hitchcock ou Cukor. Ici, les pleurs recherchés par le scénario ne sont pas de rire mais bien d’émotion, et vu le nombre de mouchoirs déployés à la fin du film, je dirais que le film a fait son effet, principalement (exclusivement ?) auprès du public féminin.
Le fan de Cary Grant que je suis se réjouit d’avoir découvert un nouveau film du comédien, mais Elle et lui m’apparaît tout de même comme un film mineur. Mais bon, oui, j’avoue, la dernière scène dans l’appartement de Deborah Kerr alors qu’elle est assise dans son canapé m’a fait sourire, car je sentais l’émotion poindre en moi, et je savais que Leo McCarey, à la manière d’un Douglas Sirk, avait atteint son objectif.
Il me reste des films à explorer dans la filmographie de Cary Grant. Des meilleurs qu’Elle et lui peut-être. J’espère simplement que je pourrai les voir sur grand écran, comme j’avais découvert Seuls les anges ont des ailes ou Charade. Et sinon tant pis, je retournerai voir ceux qui m’ont déjà charmé.