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Fès,
carrefour des cultures, capitales des musiques du monde.
Pour la seizième année, l’ancienne capitale impériale devient le carrefour des musiques d’un monde en voie de disparition en Occident, celui des musiques dites sacrées. Loin de correspondre à une étiquette élitiste et guindée, cet adjectif qui peut sembler quelque peu solennel, désigne une musique ancrée dans les moments quotidiens de la vie comme dans les grandes occasions de réjouissances mais surtout dans ce qui réunit les Hommes quelle que soit leur culture, leur croyance. Pour preuve, cette prestation de Hariprasad Chaurasia, le maître indien du bansuri
(flûte indienne en bambou), qui vint célébrer le petit matin au travers de ragas dont il restitue avec un son et un jeu d’une finesse inouïe les vibrations et l’énergie éclosant à ce moment de la journée. Les joueurs de tambours Koréens sont venus avec forces percussions (notamment des gongs évoquant tour à tour le tonnerre, le vent, la pluie ou les nuages) chasser les démons en bousculant le ciel et ses habitants parfois mal intentionnés... another way to rock'n'roll! Dans cette performance très physique et percutante, ils nous ont également emmené dans des danses tourbillonnantes accompagnés de serpentins tout aussi étourdissants.L'ensemble Baghdad-Jerusalem, composé notamment d'un violoniste
juif d’origine irakienne est venu rappeler les liens qui unissent les
musiques traditionnelles arabes et juives avec des chants d’humeur si festive qu’une
partie du publique, indépendamment de ses appartenances religieuses et
ethniques (nombreuses ici à Fès !) s’est mis à danser dans un mouvement on ne peut plus
spontané. A son tour, Jordi Savall, qui fut découvert par le grand publique par la
bande original qu’il signa pour le film « Tous Les Matins Du Monde »,
a démontré grâce à son orchestre multiculturel (musiciens classiques européens, arabes et juifs chacun appartenant à une tradition historico-musicale spécifique) les racines qui unissent les
pratiques musicales des mondes arabes, juifs et européens. En hommage à
Jérusalem, ville des trois religions du Livre, c'est petit cours d'histoire commune et surtout une véritable ode à la paix
qu'il a lancée grâce à sa musique si emprunte d'humanité.
Les programmateurs du festival ne craignent pas pour autant de confronter la tradition et le sacré avec la musique dans ce qu'elle a de plus contemporain et populaire, à savoir la musique électronique. Il est loin le temps où les dynasties de musiciens de cour divulguaient leur art dans les alcôves des palais et le Sizero Tabla Experience (composé notamment du tabliste électronique Talvin Singh et du sitar-hero Niladri Kumar) offrit un bel exemple de chevauchement des époques et des sons. En plus de toutes ces remarquables musiques, les "Rencontres de Fès" ont pour but de jeter un éclairage littéraire et intellectuel sur cet évènement et de réfléchir cette année sur le thème du voyage initiatique avec des intervenants passionnants tels que Émile Shoufani par exemple.
Pour clôturer un festival de musique "sacrée", quoi de mieux que la vitalité et la profondeur du gospel? Les Blind Boys Of Alabama (qui chantaient sur le superbe ‘There Will Be A Light’ de Ben Harper, celui-ci s'étant décommandé du festival de Fès pour cause de chute en skateboard…) se sont acquittés de cette tâche avec une ferveur qui a conquis même les plus jeunes venus en masse pour s'éclater sur cette musique qui n'a d'autre but que la libre expression de chacun par la danse et le chant collectif... Voilà autant de une programmation fascinante puisant dans des traditions éparpillées aux quatre coins de la planète. Toute au long de cette semaine, elle a constitué, autant que la ville de Fès elle-même, des passerelles et des opportunités uniques pour échanger une certaine forme de spiritualité dans un monde enclin au cloisonnement et à une quête matérialiste effrénée.