Il y a quelque chose qui me frappe, dans l'attaque de Nicolas Sarkozy contre les Roms, c'est qu'elle dénote une ignorance crasse. L'incident qui a provoqué son ire, si j'ai bien compris, c'est celui de Saint-Aignan. Or, à Saint-Aignan, les désordres ont été le fait de Gitans. Les Gitans appartiennent certes à la communauté Rom, mais, sans vouloir être offensant, et puisque Sarkozy attaque sur ce terrain là, ils sont certainement "Français" depuis bien plus longtemps que Nicolas Sarkozy.
Or, à ce que j'ai compris, ceux qui vont payer les pots cassés, cela va être les Roms européens, notamment de Roumanie et de Bulgarie, qui ne sont pour rien dans cette histoire.
Cette histoire est ridicule à plus d'un titre : si 50 Bretons cassent un MacDonald quelque part en Bretagne, vais-je dire que les Bretons génèrent des désordres ?
Je suis, pour ma part, très fier d'appartenir à un regroupement de partis européens, l'ADLE, qui compte précisément une euro-députée hongroise rom : Mme Viktória Mohácsi.
Il est bien possible qu'il y ait des heurts entre Roms nomades et populations sédentaires, particulièrement dans les campagnes mais c'est oublier que cette rivalité est plusieurs fois séculaire. Longtemps, sous l'Ancien Régime, les Roms furent accueillis avec faveur par les seigneurs, parfois par les villes, en raison de leurs talents de danseurs, de dresseurs, d'acrobates et de musiciens. Protection relative, toutefois : Louis XIV donna l'ordre d'envoyer tous les "Bohémiens" aux galères, de raser leurs femmes et de placer leurs enfants placés dans des hospices. Oui, Louis XIV, ce "grand roi" que l'on continue à célébrer dans nos manuels alors qu'il fut l'un des pires fléaux qui frappa notre pays.
L'histoire des Roms, c'est aussi une résistance acharnée à la volonté politique de vouloir à tout prix les sédentariser. Nos États modernes ne sont absolument pas conçus pour favoriser l'itinérance.
Mais peut-être le sang "hongrois" de Nicolas Sarkozy le conduit-il à voir dans les Roms l'une des principales causes de nos maux, tout comme le parti d'extrême-droite Jobbik en Hongrie ?
Je l'avais déjà dit, mais sans en faire un billet spécifique : en fait, je n'ai pas du tout, mais alors vraiment pas du tout aimé la stigmatisation de la population Rom par Nicolas Sarkozy. Ce n'est pas un thème caractéristique de la droite, mais de l'extrême-droite, et encore ; en France, le FN ne s'est jamais particulièrement intéressé aux Roms à ma connaissance. Sarkozy a donc fait pire.
C'est d'un minable consommé.
Bien sûr, pas question de sombrer dans l'angélisme : j'ai déjà eu maille à partir avec des Roms à un feu rouge ; ils voulaient m'imposer le "nettoyage" de ma vitre contre "rétribution" et avait entouré à cinq mon automobile. Agaçant. Depuis, je ne supporte pas que l'on s'approche de ma vitre. Mais combien de fois aussi, je suis demeuré interdit et émerveillé par les interprétations des musiciens roms, eux qui enchantent les couloirs et les rues de la capitale ? Qui songe que les fameux Zingaro sont une grande famille de Roms dont le nom est célèbre à travers le monde entier ?
J'ai bien aimé la réaction de Manuel Valls après l'annonce des premières mesures de Sarkozy :
Les gens du voyage travaillent pour la plupart et sont des compatriotes. On est en train, une nouvelle fois, de réveiller cette peur qui existe et qui est ancestrale à l'égard des gens du voyage, c'est tout à fait insupportable, ces problèmes doivent échapper à la caricature.
Bien dit et pas mieux.