Poussée par les laboratoires pharmaceutiques, Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé, a engagé le pays dans une politique sanitaire dispendieuse. Résultat : 2 milliards d’euros, dont une grosse partie dans les poches des labos, et des Français plus défiants que jamais face à des choix mal pensés, mal expliqués et finalement mal implémentés.
A combien se monte le bilan de la grippe H1N1, ou grippe A, en France? Plusieurs réponses s’imposent. Combien de malades avec une pathologie appelant une hospitalisation ? 1 334 personnes. De morts ? 312. D’argent ? 2 milliards.
6 millions de Français ont subi une vaccination, soit 9% de la population. Ailleurs, ce sont un quart des Américains et trois quarts des Canadiens qui sont passés par la case piquouse.
Cette litanie de chiffres cache mal cependant la question centrale sous-jacente au risque pandémique. Le gouvernement a-t-il fait les bons choix, et sur quels éléments a-t-il précisément élaboré sa stratégie ?
Telle fut la polémique qui agita la France, et pas seulement, tout au long de l’hiver dernier.
Les politiques de santé publique sont au cœur du contrat social, en ce qu’elles visent justement à protéger les citoyens. Aux élites décisionnaires, les politiques, de se renseigner aux meilleures sources, qu’elles soient académiques ou administratives, afin d’élaborer un choix qu’elles devront ensuite expliquer aux citoyens puis implémenter…pour in fine en assumer les lauriers ou le cas échéant les échecs…
C’est cette chaîne qui a failli dans l’affaire de la grippe A.
Pouvait-il en être autrement alors même que notre constitution intègre désormais le principe de précaution, prônant de facto le mythe du zéro risque? Alors que la mort rôdait, que l’incertitude grandissait, entretenue par des études « scientifiques » dont la partialité n’allait pas tarder à apparaître. Que le souvenir de la gestion calamiteuse de la canicule n’était pas si éloigné. Comment reprocher à Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et son administration d’acheter au prix fort une assurance tous risques avec de l’argent public ? Et sa traduction : stock incroyable de Tamiflu, l’antiviral hors de prix, ou encore les achats fermes de quantités industrielles de vaccins. Des commandes publiques qui dans les deux cas firent le miel des plus grands laboratoires pharmaceutiques.
Les différents rapports parlementaires, ceux issus du Conseil de l’Europe, comme ceux issus de notre Assemblée nationale ont tranché. Ils dénoncent à la fois une information tronquée visant à surestimer les risques de l’épidémie, pilotée qu’elle fut par les laboratoires. Mais, également, l’incapacité des pouvoirs publics à confronter ces informations avec d’autres, issues de sources moins en cheville avec les labos : « L’Assemblée parlementaire est alarmée par la façon dont la grippe pandémique H1N1 a été gérée non seulement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mais aussi par les autorités de santé compétentes tant au niveau de l’Union européenne qu’au niveau national. Elle s’inquiète notamment de certaines répercussions de décisions et d’avis ayant entraîné une confusion des priorités au sein des services de santé publique de toute l’Europe, du gaspillage de fonds publics importants et de l’existence de peurs injustifiées relatives aux risques de santé encourus par la population européenne. », note le rapport européen. Ce que confirme celui réalisé au Palais Bourbon : « Les chiffres dont on dispose pour la France montrent très bien jusqu’à quel point la pandémie H1N1 a pu être surévaluée, et quelles ont été les conséquences pour les budgets de santé publique. »
La Cour des comptes n’a pas été moins cruelle avec la ministre en s’attachant à mesurer exactement le coût de la campagne ratée contre H1N1. Pour les magistrats de la rue Cambon, la facture n’est pas de 700 millions, mais plus proche de 1,5 milliards d’euros.
Mais le coût le plus important est sans doute politique. En ne se précipitant pas pour consommer les millions de vaccins mis à leur disposition par la ministre, les Français ont adressé un message de défiance aux autorités sanitaires et à leurs patrons, les élus.
Face à cette perte de confiance, les milliards cramés, ou plutôt donnés aux labos, constituent finalement un coût dérisoire…
Emmanuel Lévy pour Marianne2
Merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré