Jennifer Belle, auteur du roman The Seven Years Bitch qui vient de sortir, a mis en place une campagne d’auto promotion pour le moins originale ! Marquée par le phénomène des pleureuses en Chine (et accessoirement ailleurs) pendant les funérailles, elle a décidé d’embaucher des actrices pour s’esclaffer bruyamment, dans les lieux publics new-yorkais, en lisant son livre.
Pour y remédier, elle passe une petite annonce : “Femme de 25 à 75 ans, vous serez payée 8$ de l’heure pour lire dans le métro. Petite particularité, vous devez avoir un rire “communicatif” !” Pour être choisies, les candidates écrivaient soit une lettre de motivation en décrivant leur rire (bon courage) ou en réalisant une vidéo qu’elles postaient sur Youtube afin de donner un aperçu de leur rire !
Précisons avant de résumer cette campagne, que l’éditeur n’avait pas prévu de budget pour la promotion du bouquin, d’où cette initiative. Sur les 600 candidatures reçues, 150 ont été retenues pour une audition. Elles se sont ensuite dispersées en équipes de deux dans la ville. Chacune leur tour, elles se prenaient en photo en situation et faisaient état des commentaires et réactions des badauds par sms à l’auteur. Le quartier était ciblé, Manhattan, et les horaires également, de 8h à 10h le matin et de 17h à 19h le soir, afin de profiter d’un maximum de passage et donc de visibilité !
Une organisation quasi militaire qui a porté ses fruits ! Les réactions enthousiastes des voyageurs ou des passants ont été légion. L’auteur a également jugé pertinent d’informer un journaliste du New York Times (Corey Killgannon) de son opération. Ce dernier a tellement été séduit qu’il a assisté au casting et en a profité pour filmer tout ça !
En fouillant un peu, voici le “reportage” en question :
Ce qui est assez drôle, c’est que le journaliste n’a pas été réellement séduit par le bouquin, mais plutôt par la campagne et son extension. Il voyait ça comme une façon de faire sourire New York, je cite : “I love this, New Yorkers laughing. You’re going to make all of New York happy.”. Pour une fois, le terme de marketing viral est approprié. Même s’il ne s’agit pas de web, Jennifer Belle a réinventé, à sa façon, le bouche à oreille. Pour être précis, on pourrait même parler de marketing communicatif ! Et ça a plutôt l’air de bien marché ! En témoigne l’avis d’une étudiante en fac de 22 ans, rencontrée durant l’opération : “C’est une façon artistique de promouvoir quelque chose, c’est original”. Elle ajoute d’ailleurs qu’elle achètera probablement le roman !
Je disais dans les paragraphes précédent que l’éditeur n’avait pas accordé de budget pour la promotion de cet ouvrage, mais qu’en est-il du coût de cette opération ? Il a tout d’abord fallu débourser 65$ pour la publication de l’annonce, ensuite 50$ pour louer un studio (afin de faire passer les auditions), 110$ pour le montage d’une vidéo promo (réalisé durant les fameuses auditions), 500$ pour que l’auteur achète ses livres et les distribue aux actrices, et enfin 320$ pour payer ces dernières. Ceci nous fait un total de 1045$, somme conséquente pour un particulier mais tout à fait insignifiante pour une campagne marketing ! Ces chiffres nous apprennent par ailleurs que 40 actrices ont été employés, si on se base sur une durée de travail d’une heure par personne, soit 320/8 !
J’évoquais dans le titre, les termes corruption ou génie, il est temps de répondre à la question posée. Si je trouve cette initiative géniale, c’est en partie parce que cela vient de l’auteur, et qu’elle a mis toute sa force créative dans ce projet. L’imagination et l’efficacité étaient au rendez-vous. Mais reste une question, si l’éditeur avait décidé de couvrir la sortie du livre avec une campagne digne de ce nom, Jennifer Belle aurait-elle pris l’initiative de faire quelque chose de son côté ? Quand je parlais de corruption, ce n’était bien sûr pas au sens propre du terme, mais plutôt dans le sens où c’est le bouche à oreille qui est corrompu, manipulé. Même si nous savons que c’est une des meilleurs techniques de vente, du point de vue de l’éthique, cela me gêne un peu.
Là où cela aurait pu devenir encore plus génial, c’est si l’auteur avait utilisé son propre réseau pour l’opé. Outre les amis (je vous met au défi de regrouper 40 amies avec un rire communicatif !!), l’utilisation de son réseau de fans aurait pu être une très bonne idée. En effet, au lieu de passer une annonce dans un journal, une page fan facebook aurait pu être de bon aloi. Utiliser sa communauté en la sollicitant, c’est primordial ! D’autant plus qu’une action originale comme celle là aurait pu déchaîner les passions !
Outre la main d’œuvre à profusion, la page facebook permet également de contrôler sa communication. On peut choisir de ne diffuser l’information qu’aux adhérents et, en cas de fuite, pouvoir retrouvé le responsable plus rapidement ! Je fais cette remarque, puisque, en dehors des très bonnes retombées directes et des invitations dans les médias que l’auteur a reçu, plusieurs auteurs ont copié sa façon de faire. Certains me diront que si c’est une bonne idée, c’est normal qu’elle soit reprise, c’est vrai ! Mais si l’on peut protéger un maximum “son bébé”, c’est encore mieux !
Une citation qui résume assez bien l’ambiguïté de ma façon de penser ici :
“I know,” I said. “I paid her to do it.”
My neighbor laughed. “No you didn’t.”
“I did,” I said. But she didn’t believe me.
Pour conclure, je dirai donc qu’il s’agit d’une très bonne initiative, si l’on met “l’éthique” de côté. Même si je sais que ce genre de pratique est vieille comme le monde, je pense que l’appel aux fans aurait permis de faire un bon compromis. Les résultats sont plus que positifs puisque le buzz s’est créé et des copies plus ou moins réussies ont vu le jour !
Les tweets qui mentionnent Payer des actrices pour lire son livre, “corruption” ou génie ? -- Topsy.com: August 5, 2010 at 12:09