Où l’on apprend que l’Etat ne serait pas composé d’individus foncièrement cupides et méchants, mais plutôt globalement incompétents. Le rapport du Sénat sur la gestion de la grippe H1N1 est sans ambigüité : ça a merdé sévère.
Tout commence avec l’impensable : les communistes se sentent – subitement – près des sous du peuple et demandent une commission d’enquête au vu des dépenses pharaoniques entreprises pour pickouzer toute la population française de douteux vaccins en doses multiples et variables.
On peut être surpris : nos gentils néomarxistes ne sont pas des habitués de l’économie, eux qui demandent plus souvent qu’à leur tour que l’on pioche hardiment dans les poches du peuples pour les lui remplir dans un tourbillon logique que seuls des incultes peuvent se permettre.
Mais baste, ne boudons pas notre plaisir : ayant fait la demande et celle-ci étant relayée, nous nous retrouvons maintenant avec un de ces magnifiques rapports produits régulièrement par telle ou telle institution, rapport qui termine généralement sur une étagère après la bordée de bâillements rituels qu’il déclenche.
Cette fois-ci, et compte-tenu des montants impliqués, il n’aura pas fallu longtemps pour que la presse s’empare du sujet.
Vacuité traditionnelle de l’été qui manque de sujets de fonds, tendance générale à charger lourdement le gouvernement qui, il faut bien l’avouer, présente gentiment son arrière-train à tous les coups de pieds musclés, hypocrisie naturelle des journalistes qui jouent à la fois le jeu de la surenchère pendant La Pandémie De Folie puis l’outrage stupéfait lorsque la facture déboule, … Bref : tous les ingrédients sont présents pour qu’une nouvelle fois, on parle bruyamment d’argent, de collusion de l’Etat avec de gros industriels, et de l’incompétence générale de nos élites à gérer des problèmes (mais pas à les générer, notez bien).
On peut d’ores et déjà regretter que cette polémique va encore très probablement dégonfler rapidement dans les prochains jours et que la gabegie qui a présidé à la gestion de l’épidémie grippale sera bien vite oubliée par ces mêmes folliculaires friands de la nouvelle aujourd’hui.
Mais là encore, comme pour les communistes qui s’improvisent rigoureux en économie, on peut se laisser rêver de journalistes intéressés par les finances de l’état, une fois de temps en temps.
En attendant, nous aboutissons donc à la réaction résumée ainsi :
- surestimation constante du risque
- dramatisation infondée de sa communication
- stratégie sur-dimensionnée
- gaspillage de fonds publics
On croirait lire le bilan de la taxe carbone, des subventions à l’éolien, une bonne synthèse du réchauffement climatique ou des cultures OGM vus par les écolos, bref, l’ensemble des domaines où le Principe de Précaution aura été érigé en maître-étalon de tout raisonnement et de toute action proposée.
Et bien évidemment aussi, personne ne fera cette analyse : tout juste se contentera-t-on de noter que l’État s’est retrouvé pieds et poings liés par les méchants laboratoires pharmaceutiques (qui, comme chacun le sait, dissolvent des bébés citoyens et festifs dans des adjuvants et des excipients qsp 100 g par tube) et que ce pauvret s’était laissé compter des fariboles par le vilain OMS. On y va même d’un petit couplet sur l’inadmissibilité d’être à la merci des fournisseurs de vaccin pour des autorités chargées d’assurer une mission de service public d’une importance vitale.
Au passage, je trouve absolument inadmissible d’être à la merci d’un nombre limité de fournisseurs de pain et de légumes frais dans mon entourage, et j’ai constaté une certaine collusion de leur part puisque je trouve toujours les denrées à des prix proches les uns des autres ; il m’est devenu pour ainsi dire impossible de manger gratuitement. C’est intolérable et pourtant, manger est pour moi d’une importance vitale ! Il faudrait que nos amis sénateurs communistes engagent une réflexion à ce sujet et lancent une commission d’enquête, zut à la fin.
La pratique de l’État jacobino-foutraque français et l’expérience historique permettent cependant d’aller au-delà des petites phrases millimétriquement assassines des sénateurs.
Il n’est en effet pas nouveau que les gens de pouvoirs connaissent fort bien, réseaux et influences aidant, les patrons des grosses sociétés aux rangs desquelles on trouve évidemment les Big Pharma qui ont eu à fournir les dosettes magiques. Il n’y a pas non plus beaucoup à parier que l’ensemble de ces contrats ont été saupoudrés de juteuses commissions, retro-commissions et commissions cachées dont les journalistes découvriront l’existence, la gueule enfarinée et dans quelques années, commissions qui peuvent être en monnaie sonnante et trébuchante ou, encore plus probablement, en renvoi d’ascenseur législatif, politique ou fiscal dont nos zélites zélues ont le secret.
Il n’est pas non plus nouveau que ces mêmes politiciens s’occupent avant tout de leur carrière et que la gestion de la grippe H1N1 ne répondait absolument pas à un principe de santé publique mais exclusivement à un principe de damage control de leur propre carrière. Autrement dit, Principe de Précaution oblige, si la mère Roselyne, le gars Sarko ou les autres n’avaient rien fait ou trop peu fait dans cette « crise », le lynchage médiatique aurait été lancé sans vergogne. Ce qui veut dire que si un arrosage de la population au kärcher rempli de vaccin avait été jugé efficace, nous y aurions eu droit.
Il n’est pas non plus rigoureusement étonnant de découvrir que l’argent public est employé n’importe comment par n’importe qui et dans l’opacité la plus complète : c’est même une habitude naturelle de travail au sein de l’Etat Français pour qui tout n’est que flux, approximations, grandes masses monétaires et tralala approximatif. Un pays qui vomi de la dette à raison de 150 milliards d’euros pour cette année n’a plus a démontrer sa totale incompétence en matière de finance. On peut aller plus loin : si une commission était lancée sur n’importe quel sujet dans lequel les doigts boudinés et patauds de l’état se sont fourrés, on trouverait systématiquement gabegie, collusion, surestimation des risques, communication ridiculement surdimensionnée, et résultats médiocres. Exemple au hasard : le BTP, les LGV, les contrats d’armement, etc…
Bref : nos joyeux sénateurs, tout comme nos sympathiques députés, qu’on n’entendait d’ailleurs pas beaucoup lorsque la « crise » prenait son ampleur, sont bien avisés, pour des raisons de podium médiatique à pas cher, de se lancer à présent dans l’étude complète des mécanismes qui ont abouti à claquer des centaines de millions d’euros dans une loufoquerie inutile.
Car tout ceci était, finalement, parfaitement prévisible ; nous avions eu, précédemment, l’attaque du Canard Masqué, rapidement suivi, quelques années plus tard, de l’attaque du Cochon Masqué, parfaites répétitions du feu d’artifice final.
Il est fatiguant, parfois, d’avoir raison : la facture du Principe de Précaution, arme financièrement redoutable dans les mains de ceux qui ont le pouvoir, sera salée.