Etc. … et j'en oublie !

Publié le 05 août 2010 par Ruminances

Posté par Rémi Begouen le 5 août 2010

Un facétieux et cher ami m’a donné, fin juin, un petit livre : ‘Les A-Côtés’, signé de Jean- Claude Carrière et reparu chez Pocket en 2005 (6 Euros). L’ami s’appelle Lediazec, Rodolphe pour les intimes, et ce beau cadeau eut lieu au moment de nous séparer à Nantes, après le fabuleux pique-nique réunissant, à l’initiative de Christophe Certain, des gastronomes plus ou moins (fils de) pieds-noirs et certains ‘ruminants’ (voir le bel article de B-Mode, du 27 juin 2010 : ‘Des gueules, des tronches, des fioles’ !).

J’ai repris récemment lecture des ‘chroniques radiophoniques’ qui constituent ce livre étonnant, dans sa diversité, sa gaieté, son intelligence. Par exemple, p.48, sous le titre ‘Géographie secrète’, ceci (légèrement raccourci) : ‘Les Français parlent souvent d’histoire et plus rarement de géographie. (…) Il est 7 heures 53 à Paris, le jour commence. L’Europe de l’Est et le Moyen-Orient en sont à la fin de matinée. En Inde, c’est l’après-midi, au Japon le soir. C’est pour cela que l’on donne, dans cette émission, les résultats de la bourse de Tokyo. En revanche tout le continent américain est entièrement plongé dans la nuit. Les places financières comme les bureaux et les gares. Presque tout le monde dort. (…) L’actualité s’avance sur la terre avec la lumière du soleil.’

Je vais ressortir cela à une chère amie, prof d’histoire-géo, à qui j’ai toujours dit que cette appellation est aberrante, puisque la géographie précède l’histoire (cf. ‘l’Espace-Temps’ d’Einstein !) et que sa discipline devrait donc s’appeler ‘géographie-hist’.

Ces chroniques m’ont surtout rappelé celles que j’ai faites, avec deux amis poètes (et parfois quelques invité(e)s) il y a une bonne quinzaine d’années sur une radio locale, ‘Micro-Climat’ (qui fut bouffée par ‘Europe 2’ !!). Deux ou trois fois la semaine, notre émission d’une dizaine de minutes s’appelait ‘Etc. et j’en oublie !’ et était dédiée à la poésie, avec des musiques plus ou moins appropriées. On préparait cela souvent chez moi, avec du vin rouge, mon vieil électrophone, et un enregistrement sur K7… avant celui de la radio, le lendemain. C’était divers, comme résultat. Il me souvient (le concept de poésie étant ‘etc.’) d’une mise en ondes époustouflante d’un texte d’Alphonse Allais.

Et aussi du ratage d’une autre, où j’avais embauché une charmante dame, qui ne connaissait pas le poème érotique prévu, mais qui devait simplement dire, sur un signe, des ‘Ha-ha-ha-ha…Haaa – îî…ha-ha-ha !’ entre deux strophes : elle le faisait de façon si intense que nous, les hommes, entre fous rires et vertiges, sommes devenus incapables d’aller au bout de l’aventure d’une diction correcte !

… Entre ces deux exemples, nous avons interprétés parfois des poèmes du trio, celui de l’un par un autre, toujours. Et le plus souvent des poèmes pêchés au petit bonheur. Du plus célèbre (Baudelaire) au plus inconnu (anonyme, même). Et puis vint Norbert. C’était un nomade chanteur de rue, s’accompagnant d’une orgue de barbarie, dont le répertoire allait de Lili Marlène à Brassens, en passant par Trenet, Piaf, Mouloudji, Dimey, etc. Sa particularité était sa voix très gutturale, avec fort accent germanique (qu’il était), en plus de son costume de clown triste. A chacun de ses passages à Saint-Nazaire, nous devenions plus amis. C’est ainsi qu’il fut invité à faire l’une de nos émissions. Le problème fut que son orgue ne passait pas dans l’entrée du studio radio, zut. On opta rapidement (nous étions seuls, les responsables nous ayant confié les clefs) pour la seule solution : desceller le calfeutrage anti-bruit de la fenêtre donnant sur la rue, l’ouvrir, y faire passer l’orgue, puisque le studio était au rez-de-chaussée, puis enregistrer et recalfeutrer après sortie de l’orgue.

L’émission eut bien lieu, très belle. Mais par la suite, patatras : notre bricole à la fenêtre était un désastre… et cela mit fin à cette aventure poétique inoubliable, comme le titre : ‘Etc. et j’en oublie !’

Car on croit oublier la poésie, mais on n’oublie que des poèmes : il en reste le goût, c’est l’essentiel. De même pour les prosaïques émissions de J.C. Carrière, qui semble papillonner, mais en fait, très poétiquement à sa façon, va à l’essentiel : la lucidité !