L’un des cinq héros cubains mis en danger

Publié le 04 août 2010 par Laurelen
Pour la troisième fois depuis son incarcération, le cubain Gerardo Hernandez Nordelo – l’un des cinq antiterroristes emprisonnés aux Etats-Unis – a été mis, depuis le 21 juillet, en cellule de confinement (appelée “la caja”, la caisse, à cause de sa dimension étroite). Ni l’administration carcérale, ni le Département d’Etat n’ont avancé d’explication, malgré les demandes répétées des autorités cubaines. Cette réclusion aggravée survient alors que se prépare le procès en appel des « Cinq », a révélé mercredi à La Havane Ricardo Alarcón, président de l’Assemblée nationale de Cuba. La nouvelle violation du droit que représente cette mesure d’isolement, et le danger qu’elle fait courir au prisonnier, dont la santé s’est affaiblie ces derniers mois, soulève une vague d’indignation et de protestation en France et au-delà.

Depuis les débuts du procès injuste fait à cinq Cubains antiterroristes, à chaque procédure de recours entamée par leurs avocats – parmi lesquels, une fille de l’ancien président Carter – répondent des mesures de coercition sans motif vérifiable. « En ce moment, il (G. Nordelo – Ndlr) devrait être en train de préparer, avec ses avocats, l´argumentation de sa demande d´habeas corpus et le gouvernement nord-américain le sait très bien », a précisé le président du parlement cubain. « Pourtant, il ne peut ni contacter ses avocats, ni avoir aucun type de courrier, ni même de conversations téléphoniques et, en plus, sa santé est en danger. Le gouvernement des États-Unis est pleinement responsable de la situation ».

« Il s’agit d’une nouvelle manœuvre du Parquet nord-américain – la décision n’émane pas des autorités de la prison » relève l’association France-Cuba, qui dénonce « une atteinte scandaleuse et intolérable aux droits de la défense et au droit de Gerardo à une justice impartiale ».


Il faut se reporter une quinzaine d’années en arrière, quand après 1995, la République de Cuba a fait le choix d’une politique touristique offensive pour assurer son développement après la fin du soutien soviétique et pour contourner les effets du blocus américain. Un choix insupportable pour les ennemis de Cuba, qui ont multiplié les attentats. Ceux de 1997 ont été perpétrés par Luis Posada Carriles, déjà auteur, en 1976, de l’explosion en plein vol d’un avion de la Cubana de aviacion qui a causé la mort de tous les passagers et de l’équipage. De 1959 à 1997, la liste des attentats n’a cessé de s’allonger (voir ci-dessous), tels ceux commis contre différents hôtels de la Havane pendant un Festival mondial de la Jeunesse et toutes sortes d’attaques contre des infrastructures cubaines. Plus de 600 tentatives d’assassinat ont été fomentées contre Fidel Castro. Un journaliste du Monde diplomatique a enquêté sur les milieux contre révolutionnaires cubains de Miami. Dans l’essai collectif Washington contre Cuba, un demi siècle de terrorisme (éd° Le Temps des Cerises, 2005), il raconte sa rencontre avec Andrés Nazario Sargén, fondateur en 1962 du groupe Alpha 66 : « Au milieu de la salle, posée sur une grande table, trônait une immense carte en relief de Cuba, elle devait faire environ six mètres sur trois. Partout, en particulier sur les zones côtières, de petits drapeaux de couleurs différentes étaient plantés. “C’est pour distinguer la nature de l’opération : sabotage, attaque contre des caserne, destruction de centres de production, liquidation d’agents castristes, etc. ” Les drapeaux étaient si nombreux que par comparaison, le débarquement en Normandie du 6 juin 1944 ressemblait à un pique-nique. » (voir “ Miami, nid de terroristes ”)

Gerardo Hernández Nordelo, Ramón Labañino Salazar, Antonio Guerrero Rodríguez, Fernando González Llort et René González Sehweret, « Les Cinq », sont des agents de l’Intelligence cubaine qui ont tout quitté pour infiltrer en Floride les organisations de tueurs (Omega 7, Alpha 66, Brothers to the Rescue, les sbires d’Orlando Bosch ou de Luis Posada Carriles…) qui complotent depuis cinquante ans contre leur pays. Ces agressions ont fait plus de 3000 morts, les auteurs sont fichés par les services américains eux-mêmes comme terroristes… et libres d’agresser Cuba depuis les Etats-Unis sans qu’aucun des grands médias si jaloux des droits de l’homme s’en émeuve jamais. Après les attentas de 1997 orchestrés par Luis Posada Carriles depuis le Salvador, cinq jeunes Cubains ont été envoyés pour infiltrer ces mouvements et apporter les preuves de leurs menées terroristes. Ils ont réussi à déjouer près de cent soixante dix (170) attentats contre Cuba, en alertant à temps les autorités de La Havane. En juin 1998, le FBI – informé par le gouvernement cubain de l’existence d’une importante documentation sur les agissements de 40 de ces fascistes – envoya une délégation à La Havane et reçut un dossier exhaustif, complété aujourd’hui par des documents déclassifiés. Et au lieu de s’en prendre aux criminels, le FBI pista les informateurs, arrêta les Cinq en septembre 1998 et orchestra une parodie de procès, dont le premier acte (2001) eut lieu après trois ans d’incarcération au secret. Vingt-six chefs d’accusation ont été retenus contre eux, dont 24 sont des délits techniques, d’importance mineure et deux retiennent le chef de « conspiration en vue d’espionner». D’anciens hauts gradés de l’armée et des services de sécurité ont témoigné lors du procès, montrant que le rôle des accusés n’était pas de recueillir des informations militaires ou secrètes, mettant en danger la sécurité des Etats-Unis, mais de « savoir si réellement nous étions en train de préparer une action contre eux » a déclaré un instructeur au Collège de Renseignement des Etats-Unis. Le jury n’en a tenu aucun compte (voir l’encadré).



Cette affaire est une épine dans le pied du gouvernement américain parce qu’elle révèle 1– la grande impunité dont jouissent les groupuscules terroristes anti cubains qui opèrent depuis la Floride ; 2– et que la lutte contre le terrorisme n’est pas une priorité du gouvernement américain, malgré toutes les déclarations, à grand renfort médiatique, qui affirment le contraire. «…soutenir que Cuba est un Etat terroriste affecte notre crédibilité là où nous en avons le plus besoin, c’est-à-dire dans la lutte contre les vrais terroristes » écrivait dans un éditorial du Boston Sentinel, en 2003, le diplomate américain et professeur d’université Wayne Smith, ex-responsable de la section des Intérêts Nord Américains à La Havane, de 1979 à 1982, sous la présidence de Jimmy Carter.

Le 19 novembre 2009 s’est tenu à Holguín (Cuba) le Colloque international Libertad a la verdad (Liberté pour la Vérité), auquel ont répondu 184 délégués représentant 42 pays. La France y était représentée par Mgr Jacques Gaillot, évêque de Partenia. Le propos de cette rencontre était de renforcer les efforts de la communauté internationale en faveur de la libération des cinq Cubains incarcérés depuis plus de onze ans dans les prisons nord-américaines.

Plus récemment, l’auteur-compositeur et chanteur cubain Silvio Rodriguez, en tournée aux Etats-Unis, a déclaré le 21 juillet que les Cinq de Miami sont pour le peuple cubain « des héros [qui] devraient être libres ». Sa déclaration a été complètement dénaturée par une journaliste de CNN, dont la manipulation est décortiquée dans une vidéo. « Les cinq Cubains enfermés dans des prisons aux Etats-Unis (…) ne seraient plus incarcérés aujourd’hui si CNN et les grands médias internationaux leur avaient accordé ne serait-ce qu’une part infime de l’espace d’information qu’ils ont offert chaque jour aux mercenaires et collaborateurs cubains de l’Empire et si, comme pour ces derniers, ils leur avaient reconnus le statut (…) de “ prisonniers politiques ” » conclut la vidéo.

L’attitude des pouvoirs états-uniens tranche, et pas à leur avantage, avec celle des autorités cubaines, qui ont décidé au début du mois de juillet de libérer dans les prochains mois 52 prisonniers politiques jugés en 2003, dont cinq immédiatement. Cet élargissement est le résultat des contacts établis par le gouvernement cubain avec l’archevêque de La Havane, Jaime Ortega, et le président de la Conférence des Evêques catholiques de Cuba, Dionisio Garcia Ibáñez.

(synthèse PD)

liberasyon.re