Pourquoi c'est top d'être à Paris l'été ?
Le seul plaisir, l'unique privilège du travailleur aoûtien parisien est de profiter de la capitale désertée d'une bonne partie de la population, offrant ainsi un effet d'optique façon loupe assez saisissant sur les irréductibles Gaulois qui y séjournent encore.
Le touriste afflue en masse, en groupe coordonné de nationalité, et vient combler le trou béant laissé par le vacancier aoûtien. Parisiens résistants et touristes conquérants se mêlent dans une faune hétéroclite et truculente.
Cette modification palpable du coeur même de la vie parisienne, offre au travailleur du mois d'août des petits plaisirs bien mérités, que le plagiste du même mois, celui qui se dore l'entre-doigt-de-pied pendant que vous réparez la machine à café, celui qui feuillette nonchalamment Voici (genre "mais qu'est-ce que ce drôle de magazine fait dans mon sac?") entre deux pâtés de sable, ne connaîtra jamais. Mouah ah ah - rire satanique d'aoutienne travailleuse vengeresse.
Sans l'ombre d'une pensée émue pour son collègue, que loin de trouver courageux, il juge couillon ("fallait poser tes vacances avant mon gars"), le vacancier d'août, se croira sans doute plein d'une pitié louable à ne pas - trop - se renseigner sur l'été de son collègue travailleur, qu'il estime d'avance "pourri", pour ne pas creuser encore le fossé qu'il juge déjà béant entre leurs deux mois d'août respectifs. Le hâle narquois et la chemise bien retroussée pour dévoiler un avant-bras sculpté à coups de beach-volley et de brasse coulée bretonne, il lui montrera tout de même, pour le fun, deux-trois photos de "Loulou, Pitchoune et la boite à out's" devant sa nouvelle résidence secondaire, lieu de tous ses plaisirs aoûtiens à lui.
(Je crois qu'à ce stade, on a clairement évoqué tous les avantages de NE PAS être à Paris l'été).
J'en reviens à mon effet loupe sur la masse parisienne aoûtienne, effet intriguant s'il en est pour le non-initié. Alors l'effet loupe, c'est très simple : la foule parisienne étant diminuée au 9/10ème, le mois d'août vous offre désormais tout le loisir d'observer le 1/10ème restant tranquillement, dixième qui est finalement tout aussi représentatif de la faune parisienne (à l'exception des touristes, qui restent ... des touristes).
Vous observez donc pendant 2-3 semaines le Parisien dans toute sa splendeur :
* les râleuses (qui demandent pour la 3ème fois de refaire leurs pâtes au saumon, parce que, bon sang de bonsoir, on voudrait du saumon frais d'élevage nous, pas du saumon fumé en boîte. Et de bavasser pendant l'attente sur la déliquescence du service en France, c'était mieux avant, de mon temps-c'était-pas-comme-ça, la ritournelle du râleur),
* les Vélib'istes qui n'aiment rien tant que remonter les rues à sens unique, rouler sur les trottoirs, griller les feux, parce qu'on est tellement mieux protéger à vélo sans casque,
* les petites mamies endimanchées qui vont prendre une omelette parées de tous leurs joyaux, un turban et même pourquoi pas un manteau en zibeline, en plein août (??)
* les garçons de café à l'humour ravageur (" un café allongé ... Ca va être dur de boire ça allongée non ?" mouarf mouarf)
* les joggeuses et joggeurs du Parc Monceau, qui tel Claude François, " yogguent" dès potron-minet, et même toute la journée (mais ces gens ne travaillent donc jamais ?)
... j'en passe et des meilleurs à dessein, je ne vais quand même pas tout révéler de nos petits secrets parisiens aux plagistes du mois d'août, sinon que nous resterait-il à nous, couillons courageux du mois d'août ?
Quant au touriste, en bonne Française frondeuse envers l'envahisseur, je n'aurai qu'une seule image pour illustrer sa présence : vu aujourd'hui, deux touristes en train de se prendre en photo devant des toilettes publiques, ces excroissances urbaines très moches, mini-bunkers odorants des temps modernes, sans doute confondus avec une oeuvre de Le Corbusier. (Je me refuse à croire qu'on puisse sciemment prendre en photos des toilettes publiques, naïve que je suis).
Je ne suis pas sûre d'avoir convaincue quiconque des vertus de l'été à Paris, moi la première.
D'autres arguments sont les bienvenus ...