Poursuite de ma série sur les élections 2010. Après la Tchéquie, la Hopngrie et les Pays-Bas, la Grande Bretagne. Les élections y ont eu lieu le 6 mai dernier.
Ces élections ont été très médiatisées en France, ce qui d'une certaine façon est assez rassurant : on ne s'intéresse pas seulement aux élections américaines, même si celles-ci suscitent l'intérêt médiatique. Les élections des grands pays européens intéressent pareillement, ce qui est une bonne chose et témoigne de l'ouverture d'esprit des Français sur leur environnement international ( à mon sens plus grand qu'il y a vingt ans).
1/ Voici les résultats, selon ce qu'en dit La Croix (article cité supra) :
- Le Parti conservateur de David Cameron a remporté les élections législatives de jeudi 6 mai avec 306 députés (36,1 % des suffrages), une centaine de plus qu’en 2005. Mais il lui manque 20 sièges pour obtenir la majorité absolue, qui est de 326 élus à la Chambre des communes, chambre basse du Parlement.
- Avec 258 élus (29 % des voix), le Parti travailliste du premier ministre sortant Gordon Brown essuie son pire score depuis 1983 et perd 90 députés.
- Les libéraux-démocrates ont obtenu 57 sièges (23 % des suffrages), soit cinq de moins que dans la chambre sortante.
- Les écologistes (Green) entrent aux Communes avec 1 élu.
- L’extrême droite échoue à entrer aux Communes, le candidat le mieux placé du British National Party ayant été battu à Barking (district londonien).
2/ Les partis régionaux se maintiennent
- En Irlande du Nord, le Parti unioniste démocrate (DUP), protestant, obtient 8 sièges avec 0,6 % des suffrages britanniques, le parti catholique Sinn Féin 5 sièges (0,6 %), le Parti nationaliste nord-irlandais (SDLP) 3 sièges (0,4 %) et l’Alliance Party, parti nord-irlandais non confessionnel, 1 siège. Une candidate indépendante, Sylvia Hermon, est élue avec 1,1 % des suffrages.
- En Écosse, le Parti national écossais (SNP) obtient 6 sièges (1,7 %).
- Au pays de Galles, les nationalistes du Plaid Cymru ont 3 élus (0,6 %)
3/ Qu'en retenir ? Tout d'abord, qu'il n'y a pas de véritable vainqueur et que les sondages auront suivis les errements d'une opinion incertaine.
- Certes, Cameron (et les conservateurs) gagnent et devancent les travaillistes (une première depuis longtemps) ; toutefois, par rapport au triomphe espéré au début d'année et face à l'épuisement d'un Labour au pouvoir depuis treize ans, avec une crise incroyable depuis deux ans et un leader sans charme, les espérances sont déçues. Il n'y a pas de "moment conservateur" et les électeurs ont refusé une nouvelle révolution conservatrice et plus ou moins idéologique.
- le Labour a perdu, mais pas tant que ça et a même espéré, un moment, pouvoir constituer un gouvernement avec les Lib Dems : ce gouvernement aurait été idéologiquement plus naturel, même si électoralement il aurait allié le 2ème et le 3ème, ce qui n'est pas très sain. La relative victoire des tories relativise la défaite des travaillistes : ce n'est pas l'épuisement de la gauche que l'on croyait.
- les Lib Dem ont percé médiatiquement, mais pas dans les urnes. Si le nombre de sièges n'est pas au rendez-vous, cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait pas eu "percée". D'ailleurs, ils accèdent au gouvernement, ce qui est la preuve d'une légitimité politique nouvelle. Bref, il y a eu essai, mais on ne sait pas encore s'il a été transformé.
- les petits partis se maintiennent et l'extrême droite ne confirme absolument pas ses résultats obtenus aux élections européennes : en cela, la GB s'écarte de ce qu'on peut observer ailleurs en Europe. Signalons enfin l'élection, pour la première fois, d'un député vert.... remarquable de la part d'un électorat réputé voter utile : symboliquement, l'écologie apparaît comme une politique "nécessaire". De même, à la différence de ce qu'on peut observer ailleurs en Europe, il n'y a pas eu de radicalisation régionaliste.
4/ Du point de vue du système politique, ce "hung parliement" débouche nécessairement sur un gouvernement de coalition : en cela, il suit un modèle européen que l'on retrouve ailleurs. C'est une grande première pour l'Angleterre et remet en cause le système électoral. D'ailleurs, une des conditions de la coalition avec les Lib Dems consiste justement à rénover ce système (uninominal à un tour).
5/ Enfin, l'alliance des Tories et LibDem paraît "contre nature" et peut fragiliser les deux parties : les Lib Dems qui s'épuiseraient au contact des réalités et perdraient leur légitimité "alternative" sur laquelle ils ont bâti leur percée : les tories déchirés entre une aile droite radicale et des pragmatiques décidés à se recentrer. En cela, on pense à la coalition existante en Allemagne, où les chrétiens démocrates ont toutes les peines du monde à gouverner avec les libéraux, théoriquement plus proches d'eux que les socialistes...
6/ Signalons enfin quelque chose d'étonnant : les Lib Dems ont dit tranquillement leur message européen, sans que cela ne rebute l'électorat : bref, le fameux euroscepticisme britannique ne va plus aussi forcément de soi, et il y a la possibilité d'une évolution dans les urnes à terme. De l'extérieur, l'Europe paraît ne pas avoir si mal défendu ses membres que ça, y compris ceux de la zone euro. La sterling n'est peut-être plus aussi inévitable que cela....
En conclusion, ailleurs qu'on voit dans le reste de l'Europe des victoires nettes et souvent radicales, la Grande Bretagne semble aller à contre courant. Mais la nécessaire coalition qui s'ensuit ramène, paradoxalement, la GB dans le modèle européen : un signe supplémentaire de cette européanisation lente du royaume, que nous avons déjà signalé par ailleurs.
Réf :
- les élections britanniques depuis 1945 : ici
- analyse des résultats des élections : ici et ici.et ici
- le nouveau gouvernement britannique (ici et ici) et son programme ici.
O. Kempf