L'ex-garde des Sceaux fustige sur Rue89 la volonté de Sarkozy de déchoir de leur nationalité les délinquants d'origine étrangère.
Elisabeth Guigou avait bataillé sous le gouvernement Jospin pour que les criminels français d'origine étrangère ne puissent plus perdre leur nationalité après une condamnation à au moins cinq ans de prison. Et pour que les immigrés de deuxième génération nés en France deviennent automatiquement français. Une double victoire acquise le 16 mars 1998 avec la promulgation de la loi relative à la nationalité, qui allait désormais porter son nom.
L'ex-ministre socialiste voit aujourd'hui ces deux mesures remises en cause par la volonté de Nicolas Sarkozy, exécutée par un ancien du PS, Eric Besson. Le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale a annoncé ce mardi préparer pour septembre deux amendements en ce sens. Dans un entretien accordé à Rue89, l'ancienne garde des Sceaux explique pourquoi il " serait gravissime de revenir en arrière ".
" Il y a de très grands risques
que la loi soit inconstitutionnelle "
Que pensez-vous de la volonté de Nicolas Sarkozy de pouvoir retirer la nationalité française " à toute personne qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique " ?
Eric Besson a précisé sur Europe 1 qu'il suffisait " de revenir à l'Etat de droit qui prévalait jusqu'à 1998 ". Avez-vous l'impression que votre loi a été inutile ?
Quand le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale affirme qu'en 1998 " ce n'était pas anticonstitutionnel ", donc il n'y a pas de raison que ce le soit aujourd'hui, n'a-t-il pas raison ?
" Ou le Président s'est trompé,
ou Mme Morano se trompe "
Un autre amendement ne rendra plus automatique l'acquisition de la nationalité française pour certains mineurs immigrés de la deuxième génération, pourtant nés en France. S'agit-il de la fin du droit du sol ?
" Cette même loi de 1998, que j'ai fait voter, avait pour objectif principal de revenir au droit du sol, qui est un droit bicentenaire en France. [...] Je pense que ce serait gravissime de revenir en arrière. " (Ecouter la réponse intégrale)
Selon Nadine Morano sur LeMonde.fr, Nicolas Sarkozy aurait, lors du Conseil des ministres de ce mardi, expliqué que vous aviez " renforcé " la déchéance de nationalité, en l'étendant " aux personnes qui font des actes de terrorisme ". Qu'avez-vous à répondre ?
" Ce sont des motifs électoraux
et je trouve ça indigne "
Quand Brice Hortefeux déclare au Parisien que " des déchéances de nationalité doivent pouvoir être prononcées aussi en cas d'excision, de traite d'êtres humains ", craignez-vous une course à l'horreur ?
Eric Besson votait votre en loi en 1998, Nicolas Sarkozy se disait contre la double peine dans un livre en 2006... Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ?
" Je pense que le président de la République a besoin à la fois de détourner l'attention sur les affaires qui embarrassent le pouvoir, de masquer l'échec de sa politique de sécurité [...] et de rattraper un électorat de droite qui de plus en plus dérive vers l'extrême droite. Tous ces motifs se conjuguent pour que le Président Sarkozy [...] ait changé de pied. " (Ecouter la réponse intégrale)
Nicolas Sarkozy marche une nouvelle fois sur les plates-bandes frontistes, mais les dirigeants du FN, en l'occurrence Marine Le Pen, semblent cette fois moins gênés. Elle se félicite même du succès de ses idées...
Forcément ! Je pense que c'est un mauvais calcul de la part du pouvoir et de la majorité actuelle, parce que les électeurs qui peuvent être séduits par les idées du Front national préfèreront toujours voter pour l'original plutôt que pour la copie. [...] Donc on piétine des principes fondamentaux de la République et des principes constitutionnels pour rien ! " (Ecouter la réponse intégrale)
" Ca devrait faire partie des dispositions
que les socialistes abrogeront "
Pensez-vous que l'Assemblée nationale, et plus encore le Sénat, puissent avoir les moyens de retoquer ces deux amendements ?
" Je ne sais pas, nous verrons. En tout cas, nous nous battrons. Et puis nous irons, s'il le faut, devant le Conseil constitutionnel. " (Ecouter la réponse intégrale)
Si ce n'est pas le cas et si les socialistes reviennent au pouvoir, abrogerez-vous ces deux amendements ?
" Moi, je le souhaite. Je ne peux parler qu'en mon nom, évidemment. Mais je suppose que le Parti socialiste les combattra. Ca devrait faire partie, en effet, des quelques dispositions [...] que nous abrogerons. " (Ecouter la réponse intégrale)
Le programme du Parti socialiste sur la sécurité avance-t-il ?
Photo : Elisabeth Guigou lors de la quinzième université d'été du PS à La Rochelle, le 29 août 2008 (Audrey Cerdan/Rue89)
Par Julien Martin | Rue89 |
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