En juin nous avons exploré l’hypothèse de la quintessence comme explication possible de l’effet “énergie sombre”. Je conseille de prendre connaissance de ce billet avant de continuer sur celui-ci, mais pour faire très court le problème posé est le décalage entre ce que prédit la constante cosmologique (proposée par Einstein pour intégrer l’effet “sombre” dans la relativité générale) et la réalité observée.
Une autre hypothèse est actuellement en phase de test, celle d’une cinquième force fondamentale (en plus des quatre forces connues que sont la gravité, l’électromagnétisme et les forces nucléaires forte et faible) issue de la théorie des cordes qui serait active en fonction inverse de la densité locale de l’univers. Plus précisément, cette force serait transmise par des particules dont la masse dépendrait de la densité locale, d’ou le surnom de “particule caméléon” ou de “force caméléon”. Dans notre environnement local relativement dense (0,5 gramme par cm3) la masse de cette particule serait un milliard de fois moindre que celle d’un électron et sa portée de l’ordre du millimètre, alors que dans l’environnement intergalactique très peu dense (10 EXP-29 g/cm3) cette particule aurait une masse plus faible de l’ordre de 22 ordres de grandeur et donc une portée immense de plusieurs millions d’années-lumières.
Cette force agirait comme une pression répulsive (anti-gravitationelle) ayant “démarré” voici 5 milliards d’années au moment ou la densité globale de l’univers devint suffisamment basse pour qu’elle puisse s’exprimer. Elle serait donc la cause (le conditionnel s’impose) de la vitesse observée d’expansion de l’univers, vitesse nettement plus élevée – et en accélération - que ce que prédit la constante cosmologique, et de ce fait une définition de cette fameuse énergie sombre. L’accélération s’expliquerait en effet de manière fort simple: l’expansion de l’univers réduit sa densité, ce qui renforce la force caméléon, ce qui augmente la vitesse d’expansion.
Comment détecter cette force? La théorie prédit que les photons soumis à de forts champs magnétiques peuvent se transformer en particule caméléon, et vice-versa. Si cette fluctuation existe elle doit être mesurable au niveau de la force du champs électromagnétique. Certaines expériences astrophysiques montrent une très faible “perte” sur des émissions lointaines qui vont dans le sens de cette hypothèse, mais on est loin d’une démonstration probante.
Une autre manière de détecter cette particule est de mesurer la polarisation de la lumière en provenance de galaxies lointaine, une lumière composée de photons oscillant entre l’état photon et l’état caméléon devant modifier la polarisation “naturelle” due à la poussière interstellaire. De nouveau les mesures semblent aller dans le sens d’une polarisation accrue supportant cette hypothèse de force caméléon.
Cette variation du champ électromagnétique due à l’oscillation photon-caméléon pourrait aussi expliquer les différences dans la datation de l’age de l’univers, qui varie ente 13,1 et 14,3 milliards d’années selon la méthode employée.
Une expérience de détection spécifique de la force caméléon est prévue pour 2012 par la sonde française Microscope qui mesurera très précisément l’accélération en chute libre de certains objets. De subtiles variations de ces accélérations hors du cadre gravitationnel pourraient renforcer l’hypothèse caméléon. D’autres expériences sont en cours ou en préparation, mais selon l’astrophysicien anglais Douglas Shaw il faudra sans doute encore une dizaine d’années avant d’avoir assez de données pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.
Billet en accès libre sur Ze Rhubarbe Blog