A l'origine, l'évocation du mot Buffy faisait naître sur mon visage un sourire moqueur, sous-tendu par un dédaignement de cette série que je n'avais encore pas vue, mais dont les rares images sur lesquelles j'étais tombé ne m'inspiraient qu'indifférence.
Bien plus tard (en 2006), je fis l'effort de regarder un épisode en entier, mû par la curiosité que certaines critiques dithyrambiques que j'avais pu lire avaient fait naître en moi. La surprise fut de taille.
Dans la foulée, j'allais acheter une par une chacune des 7 saisons qui constituent cette série qui est devenue pour moi la meilleure qu'il m'ait été donné de voir.
Buffy (Sarah Michelle Gellar) est une lycéenne qui découvre un jour qu'elle fait partie d'une longue lignée d'élues chargées de combattre les forces du mal. Initiée et entraînée par son observateur (Anthony Stewart Head), elle traversera de nombreuses épreuves en compagnie de son groupe d'amis et fera l'expérience de drames traumatisants, qui s'inscriront in fine comme un véritable parcours initiatique au cours duquel elle perdra son innocence et ses illusions.
La grande force de cette série réside d'une part dans l'intelligence de son propos, mais également dans la force émotionnelle qu'elle dégage. Desservie par un titre ridicule (le nom Buffy ferait plutôt penser à un gentil toutou), et souvent nantie d'une réputation de "série pour ado" (expression condescendante et méprisante s'il en est), Buffy contre les vampires s'avère extrêmement fine dans sa description du monde adolescent et d'une sensibilité rare dans le monde des séries. En effet, l'acuité et la justesse de ton avec lesquels sont traités les sujets de chaque épisode inspirent véritablement le plus profond des respects.
Brassant des thèmes universels (la perte de l'être cher, la fin de l'amour, la mort, l'amitié, la communication, et j'en passe), Buffy touche à cet égard aussi bien les adultes que les adolescents, et pour cause: les problèmes auxquels sont confrontés les personnages de la série sont les mêmes que ceux qui peuvent toucher le monde adulte. D'autre part, le créateur de la série (Joss Whedon) traite toujours ses personnages comme des adultes, sans jamais les prendre de haut. A ce titre, il est le pendant télévisuel de John Hugues.
D'autre part, l'émotion dégagée tout au long de la série est véritablement surprenante, certaines scènes déclenchant sans prévenir les larmes chez le spectateur (j'ai pleuré à plusieurs reprises au cours des 7 saisons, ce que je n'aurais jamais cru possible...) A ce titre, l'épisode The body (saison 5), dans lequel Buffy est confrontée à la mort de sa mère, est l'un des plus forts et des plus marquants de la série.
Cependant, et même si la série devient de plus en plus sombre et dramatique au cours des saisons, Buffy possède également de purs moments de comédie, instants qui permettent à la série de respirer, et de contrebalancer les drames qui se jouent sous nos yeux. A ce titre, le personnage de Willow (Alyson Hannigan), incarnant la meilleure amie de Buffy, est à l'origine des scènes les plus drôles de la série. L'évolution de son personnage la fera basculer cependant vers le mal, lui conférant une densité et une ambivalence remarquables.
Joss Whedon utilise dans Buffy le genre fantastique pour illustrer son propos, ayant compris que ce genre permet paradoxalement de se rapprocher de l'essence de l'être humain, les protagonistes étant confrontés à des situations qui les dépassent et se révélant ainsi avec leurs forces et leurs faiblesses à travers des situations émotionnellement (et visuellement) fortes. La force des situations fantastiques, leur caractère exceptionnel et les enjeux qu'elles impliquent permettent ainsi de toucher le coeur et l'âme des protagonistes en les confrontant à des situations extrêmes.
Soulignons également 2 épisodes proprement remarquables dans leur forme et par le thème qu'ils abordent. Hush (saison 4), est un épisode presque totalement muet, dans lequel les personnages, privés de la parole, devront communiquer par d'autres moyens. Le thème de la communication est bien entendu au centre de l'histoire, soulignant ainsi l'idée selon laquelle la véritable communication est celle qui ne passe pas par les mots, ces derniers étant sans cesse souce de mauvaise interpétation, de mensonges, de sous-entendus. Brillant.
Once more, with feeling (saison 6) est quant à lui un épisode tourné sous la forme d'une comédie musicale, l'histoire se déroulant en chansons, les personnages déclamant leur texte en chantant, faisant ainsi passer certains sentiments avec beaucoup plus d'aisance que s'ils avaient dû les exprimer en parlant. Hommage aux musical et réflexion sur la persona, l'épisode est inoubliable et s'inscrit parmi les meilleurs de la série.
Impossible d'être exhaustif pour parler de Buffy en quelques lignes, la série renfermant des richesses trop innombrables et des émotions si inoubliables qu'on ne peut en faire le tour dans un simple article. Jamais je n'aurais imaginé un jour être touché par une série comme je l'ai été par Buffy. Pourtant, elle m'a profondément marqué, à plus de 33 ans...
Pour celles et ceux qui n'auraient pas encore franchi le pas, je ne peux que vous y encourager.