Autopsie d'une Imposture - Gérard Bouladou ( II )

Par Woland

Ce qui reste comme "L'Affaire Ranucci" aura donc fait un grand nombre de victimes : Marie-Dolores/b tout d'abord, morte à huit ans d'une quinzaine de coups de couteau ; bses parents ; son jeune frère qui mènera une vie chaotique et, plus tard, tuera à son tour (son employeur) ; Ranucci dont le profil psy aurait dû être beaucoup plus fouillé ; sa mère qui s'évertua à prouver son innocence (mais peut-on l'en blâmer en conscience ?) ; les gendarmes et policiers qui menèrent l'enquête et sur lesquels Perrault et ses séides ont tout fait pour jeter un discrédit qu'ils ne méritaient pas, le premier tout d'abord dans "Le Pull-Over rouge" puis, plus récemment dans "L'Ombre du Pull-Over rouge" (dans ce dernier procès, M. Perrault a d'ailleurs été condamné pour diffamation)

Seuls "gagnants" - on ose à peine l'écrire mais c'est indubitable - de l'affaire : les partisans de l'abolition de la peine de mort et Patrick Henry. Il est vrai que ce dernier eut l'intelligence de manifester quelque remords lors de son procès, chose que Ranucci, replié sur lui-même et dans l'univers qu'il s'était créé - à l'aube de son exécution, il écrivait à sa mère en lui détaillant les dommages et intérêts que lui verserait la présidence de la République et la vie merveilleuse qui serait la leur quand ils iraient vivre en Amérique latine - n'a pas faite.

Enfant élevé par une mère qui fuyait un mari extrêmement violent, le jeune Ranucci n'avait jamais mené et ne mena jamais une vie sociale dans les normes. Cela certes ne suffit pas à faire un assassin mais démontre toujours une fêlure dans la personnalité, fêlure qui, en fonction de critères qui nous demeurent malheureusement mystérieux, est susceptible de dégénérer ou au contraire, de se stabiliser, voire de se cicatriser. Il n'est tout de même pas normal qu'un jeune homme de vingt-deux ans, pas trop mal de sa personne et pas trop sot, n'envisage comme seul avenir, après avoir échappé à la guillotine, que de s'expatrier en Amérique du Sud pour y vivre avec sa mère !

Tout cet aspect de la personnalité de Ranucci n'a malheureusement pas été suffisamment étudié, ni par les psychiatres, ni par ceux-là mêmes qui prétendaient le défendre (des avocats qui, le 26 juin 1974, bien qu'ayant été convoqués à l'audition de leur client par L.R.A.R., ne se déplacèrent même pas !)

Et cela, quand on lit "Autopsie d'une Imposture", vous laisse vraiment un goût amer dans la bouche. Même si l'on est - comme moi - partisan du rétablissement de la peine de mort dans des cas bien précis tels que l'assassinat d'enfants.

Christian Ranucci, le drame qui fut le sien et dans lequel il a entraîné tant de personnes ont été instrumentalisés aux seules fins de discréditer l'institution judiciaire et le gouvernement (de droite, à l'époque) français et de préparer le terrain pour l'abolition définitive de la peine de mort. En ce sens, Ranucci aurait pu s'appeler Paul Durand que, pour entre autres Gilles Perrault, c'eût été du pareil au même : Ranucci n'a été qu'un moyen.

Le premier livre consacré par M. Perrault à l'affaire Ranucci s'intitule, nul ne le niera, "Le Pull-Over rouge", ce qui permet d'obtenir l'excellente couverture où l'on voit le pull-over en question passer sous la lame de la Veuve. M. Perrault présente ce vêtement comme la pièce décisive ayant prouvé l'implication de Ranucci dans l'assassinat (ce qui est faux) et il s'empresse d'ajouter (ce qui est vrai) que le pull-over était trop grand pour le jeune homme.

Or, il faut savoir que la pièce décisive qui emporta la conviction du juge d'instruction, c'est le couteau, taché de sang*, retrouvé par les gendarmes, sur les indications précises de l'inculpé, enterré à la sortie de la champignonnière près de laquelle fut tuée Marie-Dolores. Le fameux pull-over rouge, lui, fut mis sous scellé tout simplement parce qu'on l'avait retrouvé dans la champignonnière et qu'il pouvait faire partie des indices. Mais il n'a jamais servi de preuve accablante.

Pourquoi prétendre le contraire ? Pourquoi également affirmer que Ranucci déclara, avant de monter à l'échafaud : "Réhabilitez-moi !" alors que, en fait, ses dernières paroles furent un "Négatif !" adressé à l'aumônier ? Et ce ne sont là que quelques unes des "erreurs" présentées comme vérités d'Evangile qui composent "Le Pull-Over Rouge."

Pareille accumulation ne peut que nuire à la thèse défendue, à savoir "Christian Ranucci était innocent et on l'a assassiné en toute légalité."

Je conseillerai donc de lire aussi "Autopsie d'une Imposture" dont le mérite indubitable est de ne pas se prononcer pour ou contre le bien-fondé de la peine de mort et qui s'attache avant tout à resituer l'affaire dans son contexte.

  • : il se trouve que Christian Ranucci et Marie-Dolores Rambla étaient du même groupe sanguin, le groupe A. Ranucci eut donc beau jeu de soutenir, quand il se rétracta, qu'il s'était blessé et que les taches découvertes sur un pantalon saisi dans sa voiture provenaient d'une blessure qu'il s'était faite. Mais le médecin qui l'examina le 6 juin ne trouva aucune trace de cette supposée blessure.