Les apéros géants, l’aveu d’une conduite estivale à la marge du code de la route, le cannabis, la violence sexuelle… Autant de situations qui inquiètent le monde des adultes, adultes qui ont pu exprimer dans une enquête de l’AFEV sinon leur « peur », leur vision négative des jeunes (49% des Français !). Pour tenter de dissiper cette image trouble, Marie Choquet (chercheur à l’INSERM spécialiste des questions de santé à l’adolescence) a répondu aux questions de la journaliste Sandrine Blanchard pour le Monde Magazine, fin juillet (extraits).
De quand datent les premières études sur les comportements à risque des adolescents ?
Après 1968, le ministère de la santé a demandé un état des lieux de la consommation de drogues. Mais à l'époque, on ne pouvait pas poser de questions sur la drogue illicite. L'idée selon laquelle en parler risquait de susciter le comportement était assez forte ! Donc, on a posé des questions sur l'alcool et le tabac et sur la "connaissance" des drogues. On a mis en évidence qu'il existait un lien entre cette "connaissance" et la consommation d'alcool et de tabac. […]
La première étude nationale (avec un échantillon représentatif de 12 000 jeunes âgés de 11 à 19 ans) date seulement de 1993. Elle portait sur la consommation de tabac, d'alcool et de drogue, mais aussi sur la tentative de suicide, la dépression, la violence, les troubles de conduites alimentaires. Elle donnait une photographie de l'adolescent ordinaire. […]
En quarante ans de carrière, qu'avez-vous appris sur les adolescents ?
Il faut comprendre qu'à une époque on ne les étudiait pas, on ne les voyait pas, alors que maintenant on les observe à la loupe. De ce fait, on perçoit des problèmes qu'on ne percevait pas auparavant. Avec comme conséquence le sentiment qu'ils sont nouveaux et que tout s'aggrave.
Je reste persuadée, au regard des données disponibles, que si des comportements comme la consommation de cannabis et la tentative de suicide ont certes augmenté, d'autres ont diminué (comme le tabagisme ou la consommation régulière d'alcool). On ne peut pas dire que tout va plus mal et que la jeunesse est de pire en pire. Seulement voilà, on met seulement l'accent sur ce qui s'aggrave…
La question de la violence est un exemple intéressant. On ne dispose de données que depuis 1993. Mais la question a été ignorée jusqu'aux années 2000 et maintenant on ne parle plus que de ça. C'est déconcertant. Regardons du côté des violences sexuelles subies. En 1993, on avait mis en évidence le fait que 1 % des jeunes avaient subi un viol. C'était considéré comme impossible, trop élevé… Or, depuis, on a "découvert" cette réalité, et on a l'impression qu'il s'agit d'un phénomène nouveau…
Des choses ont néanmoins changé. Il y a une précocité dans certains types de comportements, pour la simple raison que tout est de plus en plus précoce. Est-ce signe que notre jeunesse va plus mal ? Non. Cela dépend de ce que l'on considère. Si l'on prend le cannabis, oui. Sa consommation a augmenté dans les années 1990 – on a laissé cela s'installer, car durant ces années-là aucune action spécifique n'a été menée – mais on est plutôt aujourd'hui dans une phase de plateau, voire de diminution.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que l'offre est quasiment sans limites et que la majorité des jeunes savent où s'en procurer. Pourquoi voulez-vous, dans ce contexte, qu'il y ait une diminution de la demande ? Actuellement, la mode est moins au tabac, dont la consommation baisse, qu'à l'alcool et au cannabis.
Pour aller + loin :
La consommation de produits psychoactifs des jeunes Français (exploitation régionale de l'enquête ESCAPAD)