Avec son édition datée du 22 juillet, Courrier International offrait à ses lecteurs le nouvel album de Prince. Le nain de Minneapolis en avait décidé ainsi, le CD ne serait pas vendu par les disquaires mais distribué gratuitement par un organe de presse de son choix ; pour la France c’est Courrier International qui rafla la mise, en Grande-Bretagne le Daily Mirror, en Allemagne Rolling Stone etc. Depuis plusieurs années Prince s’est émancipé des majors de l’industrie discographique et après avoir proposé son travail en téléchargement sur Internet, c’est ce nouveau moyen qu’il a choisi. Une manière de faire parler de lui, gros barouf dans les médias, tirages des magazines explosés, disque gratuit pour les lecteurs, tout le monde semble y trouver son compte à première vue.
Abonné de longue date au Courrier, je me régalais d’avance de trouver dans ma boîte aux lettres mon journal préféré avec un CD d’un artiste que j’ai apprécié à une époque. Aussi quand j’ai pris possession de l’objet et que j’ai constaté qu’il n’y avait pas la rondelle espérée j’ai hurlé mon désespoir dans l’escalier de mon immeuble tout en regagnant mon pigeonnier. Un coup de fil rageur au standard du journal m’apprend que seul l’achat en kiosque donne droit au cadeau. « Si je comprends bien, les cadeaux sont pour les lecteurs éventuels et bernique pour les abonnés qui font vivre le journal et qui sont déjà ferrés ? » « Heu ! Je n’ai pas dit ça … » « Non, mais traduit en français limpide, c’est ce que j’ai compris ! ». La discussion avec une standardiste ne pouvant rien donner, j’ai balancé un email très énervé à la rédaction, menaçant de rompre mon abonnement et pire encore si une idée de représailles me venait à l’esprit. Dans l’heure qui suivit, une réponse m’informait que c’était la conséquence du contrat qui les liait à l’artiste mais qu’ils m’envoyaient illico le CD. Qui arriva dans ma boîte 48h plus tard. Non mais !
Première impression, le packaging est du genre économique, pochette carton sans aucun livret et le CD glissé à l’intérieur, tout nu. Au dos, les titres des morceaux (quand même !) et le nom de Maceo Parker cité parmi les « souffleurs ». Venons en à la musique proprement dite. Si Prince a été l’artiste des années 80 avec d’énormes disques (Purple Rain en 1984, Around The World In A Day en 1985 et son chef d’œuvre Sign’ O The Times en 1987) depuis, sa production quoique pléthorique et flirtant récemment avec le jazz n’est plus aussi indispensable. Ce disque en est à nouveau la preuve, musique élégante d’un musicien de talent, mais tous ces titres sonnent comme du déjà entendu, la guitare rythmique typique du Prince, ses vocaux quasi féminins souvent, un disque d’ambiance pour soirées câlines. Pourtant il y a du funk dans Sticky Like Glue, un bon rythme sur Act Of God, ça s’écoute avec plaisir (Walk In Sand) mais on peut très bien vivre sans. Un disque qu’il faut faire tourner en boucle pour que lentement les pépites apparaissent, un boulot d’orpailleur donc, qui n’enrichit pas mais offre quelques satisfactions. Les lecteurs du Courrier qui ne connaissant pas l’artiste le découvriront grâce à ce cadeau seront comblés, pour les autres tout dépendra de votre degré de dévotion accordé au Kid de Minneapolis ! Neuf titres plus un morceau caché (Lay Down) numéroté 77, donc chiant à aller chercher, mais c’est le fait du Prince, ne pas faire comme tout le monde.
Prince filmé à Montreux en 2009 pour ce Little Red Corvette tiré de l’album 1999 paru en 1982.