Jamais notre terre n’a été si proche d’être en capacité d’éradiquer les armes de destruction massives nucléaires.
Jamais cette espérance, portée dès le 8 août 1945 par Albert Camus dans son éditorial du journal Combat,au lendemain de l’explosion honteuse de la bombe d’Hiroshima, n’a été autant à portée concrète de nos espoirs.
Et pourtant, la France, entre autre, est un des rares pays à poursuivre l’œuvre de mort en investissant massivement dans les recherches meurtrières et refusant de signer l’accord international du traité de non prolifération nucléaire.
France, terre d’invention des droits de l’homme, lieu d’une lutte, certes minoritaire mais au combien réfléchie par nombre de tes écrivains, artistes et scientifiques contre la honte et la souillure du nazisme, de la xénophobie, de l’antisémitisme, base d’un vaste projet visant à assujettir une partie de l’humanité à des règles inhumaines et barbares, comment peux-tu aujourd’hui accepter sans réagir que ces vieux démons ressuscitent en ton sein ?
Poètes, écrivains, scientifiques, philosophes, pouvons-nous par notre silence cautionner l’horreur si violemment exprimée à Hiroshima et Nagasaki, en la présence sur notre territoire d’un stock d’armes capables de multiplier le meurtre et le crime, voire même de compromettre toute vie terrestre en cas d’utilisation de cette force obscure ?
Quel argument pourrait justifier, à l’heure où de tous bords on nous serine que la crise économique nécessite des coupes drastiques dans les budgets de l’état et qu’on invite les plus miséreux d’entre nous à renoncer à la qualité de l’enseignement public, à celle des soins et de la prévention, à l’hypothèse d’une retraite bien méritée, que le seul budget de la recherche nucléaire militaire et de l’armement augmente ?
Ne serait-ce pas une honteuse acceptation que de cautionner cette barbarie de notre silence ?
A l’heure où, plus que jamais, nos concitoyens ont besoin de culture pour apprendre à se forger une juste idée de leur place et de leur rôle dans la société, notre place est à proclamer et raviver la mémoire de tous ces hommes et femmes qui, depuis 65 ans n’ont cessé de clamer l’urgence de construire une culture de paix.
Mon appel ne se veut pas langage univoque. Mon souhait serait que chacun en ce pays, avec ses propres mots, s’approprie cette histoire, non pour en faire une simple commémoration, mais pour tirer les leçons et permettre ainsi de construire un avenir autrement plus radieux pour nos enfants et petits-enfants.
C’est pourquoi j’ai soutenu et contribué à cette initiative du 7 août prochain, organisée par le comité local du Mouvement de la paix, à Manosque, Place de l’hôtel de ville, à 18h : ensemble nous lirons et relirons les mots de Camus, ceux des enfants d’Hiroshima, dont les parents furent ignoblement frappés, et quelques extraits de l’appel pressant du maire de cette ville martyre.
Ensemble nous en appellerons à un monde pacifié dont l’imminence frappe à notre porte. Jamais nous n’avions été si nombreux à porter cette conviction que notre avenir ne se chiffre pas en puissance de destruction, mais en partage tolérant de culture et de beauté. Il est l’heure de se mettre ensemble et de continuer à agir, puisque l’huis est entrouvert.
Xavier Lainé
Manosque, 31 juillet 2010