Il m'est souvent arrivé, lorsque j'avais le coeur brisé, de vouloir appeler une ambulance. Je sais, ça peut paraître idiot, je n'ai pas de blessures physiques... mais vous savez tout comme moi que les plaies émotionnelles sont, même si invisibles, très douloureuses. Personnellement, je me sens plus en détresse après une rupture qu'après m'être coupé un doigt. D'accord, je ne me suis jamais coupé de doigt, mais vous n'êtes pas censés le savoir. Je me suis cassé le bras une fois. J'avais douze ans ou quelque chose comme ça. Ce fut dramatique, j'étais obligée de rester dans le plâtre pendant tout l'été et c'était encore une époque où l'été, il faisait chaud. Non, lecteur, je ne m'égare pas. Je veux simplement te dire que c'est assez traumatisant pour une petite fille de se casser le bras en plein été pendant les vacances scolaires. Eh ben même là, je n'étais pas super enthousiaste à l'idée d'aller à l'hôpital. Par contre, la première fois que j'ai cassé mon coeur (même si en vérité, on me l'a cassé, j'étais peut-être un enfant casse-cou, mais certainement pas une jeune femme maso - quoi que, si on en juge de mes relations foireuses, on pourrait se poser la question...) ...Ma parenthèse est trop longue, je reprends: La première fois que j'ai cassé mon coeur, ça m'est venu: ah si je pouvais appeler une ambulance. Bah non, tu peux pas. Déjà qu'est-ce que je leur dirais? Et ensuite, qu'est-ce qu'ils pourraient bien faire pour me soigner?... Mais oui, c'est ça... De quoi aurais-je besoin pour me soigner? D'une convalescence, certainement. Mais de quelle genre?Voilà comment l'idée m'est venue d'imaginer un centre pour coeurs-brisés. Bon d'accord, l'intitulé fait un peu marshmallow, mais je n'essaie pas non plus de vous vendre un projet, je vous invite simplement à me suivre dans mon imagination rose bonbon.Personnellement, la première chose dont j'aurai besoin une fois l'équipe sur place, ce serait d'un gros câlin. Non, pas sexuel. Un vrai câlin affectueux et chaleureux qui dit "tout ira bien petite puce, je suis là, raconte moi ton histoire". Oui, voilà, un peu comme une bonne marraine la fée, mais pas celle de Cendrillon. Pas de citrouille, pas de prince. Ce serait plutôt sa cousine, celle qui sait bien que le Prince Charmant, c'est une publicité mensongère et qui voudrait presque intenter un procès à sa biesse de cousine.Ensuite, je serais prise en charge dans un centre supra agréable. Avec plein de verdure, plein de soleil. (Je sais qu'on ne commande pas la météo, mais on est dans mon imagination, lecteur, tu suis un peu?) Le personnel soignant serait d'une excellente humeur chaleureuse et compatissante. (Oui, peut-être sous Prozac. Arrête de m'interrompre!). Il y aurait pleins de jolies chambres avec les couleurs de l'arc-en-ciel et un lit excessivement moelleux, avec des voilages et des coussins tout doux. J'aurais droit à avoir un interrupteur dans ma chambre pour appeler quelqu'un à n'importe quelle heure du jour et de la nuit quand ça ne va pas, et cette personne viendrait, prête à m'écouter en boucle, capable de me dire des choses gentilles, de me filer un mouchoir et de me prendre dans ses bras pour que tout le poison dans mes entrailles sorte petit à petit. Elle me ferait des doudouces sur mon front pour m'apaiser. Et non, ça ne l'embêterait pas du tout que je l'appelle plusieurs fois la même nuit.On me ferait à manger plusieurs fois par jour et ce serait délicieux et sans calorie. (Bah quoi, je décide bien du temps, je peux aussi décider de la teneur calorifique des aliments), et j'aurais droit à des desserts tout le temps. (Oui ça fait du bien! Na! Et non ce n'est pas une disharmonie psychologique! C'est bon de manger, aussi bien que c'est bon de baiser. Et je dis des gros mots si je veux!). Il y aurait une salle de cinéma accessible tout le temps, où seraient diffusés pleins de films de filles. (Oui, c'est un centre pour filles. Bien entendu, les gays sont les bienvenus). Il y aurait une salle de sport pour me permettre d'évacuer toute la colère et la rage. Les coachs sportifs seraient hypra gentils et me feraient pleins de compliments (mais pas trop, sinon ça sonne pas sincère). Il y aurait une thalasso avec des massages à volonté, un centre de manucure, pédicure. Un relooking serait prévu pour m'aider à me sublimer (au lieu de m'enlaidir seule et déprimée), et bien entendu tous les vêtements et accessoires seraient gratuits. Je pourrais pleurer quand bon me semble, sans que personne ne me regarde d'un oeil qui veut dire "mais qu'elle est pathétique cette fille", mais plutôt d'un air compatissant. Et hop, un hugger (quelqu'un qui nous prend dans les bras) arriverait en disant 'je sais, je sais, ça va aller'. Et le séjour (2-3 semaines) se finaliserait par une magnifique soirée avec du champagne pour célébrer la vie et la liberté.Alors, les filles (et les gays), elle est pas belle mon imagination?PS: Bien entendu, les membres du personnel seraient aussi du genre masculin. Mais seulement s'ils sont très très beaux, très très gentils et célibataires. Oui, c'est ça, des anges...