Qu’est-ce donc que le videopainting ? Une chapelle, un mouvement ? Plutôt la volonté de sortir de la vidéo d’histoire (comme la peinture d’histoire au XIXème) et de filmer, sans effet (caméra fixe, pas de montage, pas d’édition, temps réel) et sans narratif, sans sujet. Ces contraintes, assez drastiques, aident-elles à faire émerger, sinon une nouvelle forme d’art, en tout cas, un style différent ? J’assistais il y a quelques jours à l’exposition Open Prize dans une galerie londonienne dédiée à ce type de vidéo. La plupart des vidéos présentées se regardent vraiment comme des tableaux, hors du temps, compositions en général semi-abstraites, formes et couleurs, et certaines captent le regard. S’il en est qui ont néanmoins du mal à se défaire du narratif, de’anecdotique ou du tape-à-l’oeil, d’autres méritent l’attention.
La lauréate du prix, Jasmina Metwaly, présentait Crucifixion, une vue d’une montagne dans le Sinaï où, au fil de la journée, la lumière change, les ombres bougent. Pylônes et fils électriques y dessinent des motifs géométriques, où je veux bien voir un crucifix, mais c’est la beauté et le calme religieux de ce paysage qui captive, la sensation immémoriale du temps qui passe, jour après jour.
Alexandra Hughes parle aussi du temps qui passe, de la lumière qui change, de l’éternité, de manière plus dépouillée encore. Peu importe où nous sommes, c’est l’ombre de cette corde nouée sur un mur (The end of August) qui est notre marqueur, notre passeport du temps. Parmi les dix candidats, j’ai aussi été séduit par Robert Dixon (Untitled) qui filme le cours d’une rivière, le mouvement de l’eau, la lumière, les reflets : plus dynamique, moins contemplatif, mais tout aussi fascinant.L’exposition présentait aussi quelques artistes plus confirmés, du groupe Artscape Project, sous l’égide de l’ artiste et philosophe Hilary Lawson.
Isabelle Inghilleri filme une rivière gelée en débâcle, dans une lumière froide, cristalline, pure (Surface Effects, Gone Tomorrow, 2006), et on se retrouve captivé par la fonte des glaces.Enfin la vidéo d’un mur méridional où danse l’ombre du feuillage d’un arbre est un petit tableau impressionniste (Watercolour, Transitory Sites, 2008, de Alys Williams) de toute beauté.
Je retrouve là un style vidéo que j’aime, aux antipodes de la plupart des vidéastes contemporains; la parenté avec la peinture, la composition formelle, la maîtrise du temps lent sont des caractéristiques intéressantes. À suivre.
Photos Metwaly et Williams courtoisie de l’Open Gallery. Photos Hughes, Dixon et Inghilleri par l’auteur.