S'il m'est déjà arrivé de regretter le modernisme occidental que certains artistes africains tentent d'influer dans leur jeu, considérant souvent que l'exercice manque d'interêt, parraissant très (trop) éloigné des racines musicales et humaines de ce continent enchanteur, il n'en est rien pour cet album de Salif Keita que je vous propose de découvrir aujourd'hui, 1er d'une série de 3, tous publiés par Universal (le dernier étant "La Différence", sorti fin 2009). Bien plus authentique que ses 2 essais précédents (Sosie et Papa), qui semblaient bien peu convaincants, il signe avec ce disque de 2002 un véritable retour sur la scène internationale, et livre avec Moffou un vrai petit bijou oscillant entre tradition et modernisme, indéniablement original et profond, et simplement magnifique de bout en bout.
Si la vie de cet artiste n'a pas toujours été facile, il n'en reste pas moins que l'homme est aujourd'hui, comme Thione Seck ou Baaba Maal, l'une des voix les plus représentatives de l'Afrique de l'ouest et sub-saharienne, adoré à travers le monde, et finalement reconnu chez lui, non plus comme un pestiféré maléfique du fait de sa maladie de peau, mais pour son talent de musicien et de chanteur hors pair.
Ce disque porte le nom du studio d'enregistrement qu'il a monté un an plus tôt à Bamako, au Mali. Toutefois, n'ayant pas eu le temps nécessaire pour former sur place quelques bons ingénieurs capables de graver ce projet, tout sera réalisé en France. C'est aussi le nom d'une flûte traditionnelle utilisée par les bergers de sa région. Le choix d'un tel nom n'est d'ailleurs pas un hasard puisque beaucoup d'instruments africains typiques sont utilisés pour la réalisation de cet album (calebasse-n'goni-djembé-tama), tous joués en association avec l'harmonica, l'accordéon ou le piano, permettant ainsi une grande variété d'ambiances et d'orchestrations très biens senties, toutes plus soignées les unes que les autres.
Pour l'anecdote, il y a quelques années j'ai rencontré, avec la chanteuse Hindi Zahra, un des producteurs de cet album, Jean Lamoot, véritable passionné de l'Afrique (il y a vécu longtemps). Egalement ingénieur du son dans la vie (et sur une grosse partie de Moffou), il est à l'origine de certaines idées d'arrangements, notamment celles d'inclure sur certains morceaux des parties d'accordéon (comme pour le très réussi "Yamore" en association avec Césaria Evora). Cette variété d'esprits et de cultures fait merveille et est subtilement distillée sur les 10 titres qui composent ce disque.
Majoritairement acoustique et très douce, cette oeuvre profonde est un indispensable du genre et figure déjà parmi ses plus belles pièces. Toujours sur la brèche concernant les évolutions musicales et les dernières technologies, le malien, descendant direct du célèbre Empereur Soundiata Keita, a su faire preuve d'une très grande perspicacité en s'entourant de professionnels totalement dévoués à l'artiste et au projet.
Un ensemble homogène sur lequel rayonne la voix d'un chanteur au sommet de son art auquel il convient de rendre hommage, et que je me devais de vous faire partager, puisqu'il figure dans ma discothèque.