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L'intégralité du discours de Nicolas Sarkozy le 30 juillet 2010 à Grenoble

Publié le 30 juillet 2010 par Sylvainrakotoarison

L'intégralité du discours de Nicolas Sarkozy le 30 juillet 2010 à Grenoble

[Les passages en gras et rouge ont été soulignés afin d'indiquer les phrases qui ont suscité beaucoup de réactions.]


http://www.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2010/prise-de-fonction-du-nouveau-prefet.9399.html
Prise de fonction du nouveau préfet Prise de fonction du nouveau préfet 
DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Grenoble - Vendredi 30 juillet 2010
Mesdames et Messieurs,
Je vous demande d'excuser mon grand retard qui est dû au fait qu'il y a un grand appétit de paroles, ce que je comprends parfaitement, et donc quand on discute c'est normal, on accumule beaucoup de retard.
Madame le Garde des Sceaux,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire de Grenoble,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Grenoble vient de connaître une flambée de violence sans précédent, qui a profondément choqué nos concitoyens. Les actes qui ont été commis ici, je n'irai pas par quatre chemins, je les qualifierai d'une extrême gravité et ils méritent une condamnation sans réserve. Les forces de l'ordre ont été prises à partie par des assaillants qui se sont permis de leur tirer dessus à balles réelles avec l'intention de tuer. Ce sont des tentatives de meurtre, tous les moyens seront mis en œuvre pour que les auteurs soient retrouvés et châtiés. Et je le dis aux Français, nous les retrouverons tous. Des policiers de la BAC de Grenoble ont fait l'objet de menaces de mort. C'est inacceptable. Je veux les assurer de notre soutien, de ma confiance, de ma reconnaissance et leur dire que nous n'aurons aucune complaisance, aucune faiblesse vis-à-vis des délinquants et des criminels qui seront mis hors d'état de nuire et dont la seule place est en prison. Une enquête est engagée pour trouver ceux qui sont à l'origine de ces menaces, tous seront retrouvés et déférés devant la justice, je ne peux naturellement pas en dire plus mais vous verrez que les résultats ne vont pas tarder.
L'homme qui est tombé sous le tir d'un policier venait de commettre un braquage. Non content d'avoir commis un braquage, il a ouvert le feu avec une arme automatique, une arme de guerre, contre les policiers. Ceux-ci ont riposté en état de légitime défense. En tant que chef de l'État, je veux dire que les policiers n'ont fait que leur devoir. Les policiers ont fait leur devoir et j'appelle chacun à ne pas confondre les délinquants, les victimes et les forces de l'ordre. Les policiers ont bien agi, il n'y a rien à leur reprocher. Il y a à les soutenir totalement. Si on ne veut pas d'ennui avec la police, on ne tire pas à l'arme de guerre sur la police dans un pays qui est un Etat de droit comme la France.


La réponse policière et judiciaire a été ferme : 26 placements en garde à vue, 11 comparutions immédiates, 5 personnes écrouées et 10 convoquées devant un juge.
Les violences qui ont frappé la ville de Grenoble sont le fait d'une petite minorité, certes d'une minorité qui a voulu marquer son allégeance envers les truands. C'est trop facile de dire qu'il y a d'un côté la grande délinquance et de l'autre la petite délinquance. En l'occurrence la petite délinquance a été instrumentalisée par la grande délinquance. Nous ne laisserons pas des caïds s'installer dans les quartiers de Grenoble, devenus à la fois leurs proies et leurs repaires. Parce que ces deux individus, une fois le braquage commis, sont revenus à dessein dans ce quartier, espérant bénéficier de l'impunité du quartier.
C'est donc une guerre que nous avons décidé d'engager contre les trafiquants et les délinquants. Comme nous l'avons fait en Seine-Saint-Denis, nous avons décidé de nous occuper particulièrement de certains territoires qui ont besoin d'une action ciblée pour que les conditions de l'ordre républicain y soient rétablies. Tel est le cas de cette ville et de ce département, il n'y a aucune volonté de stigmatisation. Tous les élus sont concernés, ce n'est pas une affaire d'opposition, de majorité, de gauche ou de droite, c'est une affaire d'intérêt général. Qui peut bien avoir intérêt à ce qu'on tolère, qu'on tire à l'arme automatique contre des fonctionnaires de police, personne.
Avec le Ministre de l'intérieur, nous avons donc décidé la nomination d'un nouveau préfet, Eric Le Douaron.
Éric Le Douaron a une longue expérience, il a exercé les plus hautes responsabilités dans le domaine de la sécurité. Cet homme a toute ma confiance et comme à Christian Lambert, je lui demande de restaurer l'autorité de l'État, sans faiblesse, partout où elle sera mise en cause. Éric Le Douaron : aucune cité, aucune rue, aucune cage d'escalier, aucune barre d'immeubles ne doit échapper dans ce département et dans cette ville à l'ordre républicain. C'est votre devoir.
Alors il y a eu un grand débat pour savoir si un policier pouvait être préfet. Quand on est policier, on a le sens de l'État et le préfet représente l'État. Et je n'ai pas à choisir avec le Ministre de l'intérieur les préfets uniquement en fonction de leur rang de sortie dans une grande école de la République mais en fonction de leur expérience, de leur connaissance, de leur capacité humaine et de leur envie de travailler. Et je le dis aux élus, qui ont déjà eu un contact avec Éric Le Douaron, vous vous féliciterez d'avoir un préfet de cette qualité. Cela ne veut pas dire qu'il convient de condamner l'action de son prédécesseur qui est un homme de qualité. Simplement face à certaines situations, il est de mon devoir de trouver la meilleure personne à la meilleure place. Éric Le Douaron, comme Christian Lambert, sera cette personne.
Par ailleurs, je vous annonce que notre volonté de déloger les trafiquants de leurs repaires, va nous amener à créer à Grenoble et dans l'Isère un GIR départemental qui pourra porter l'effort d'investigation judiciaire au plus près des besoins du terrain. Depuis 3 jours, un inspecteur du fisc est installé dans les services de police et nous allons nous intéresser au patrimoine des délinquants à Grenoble comme dans l'Isère de façon extrêmement approfondie, extrêmement approfondie.
Alors j'entends bien le discours qui parfois est tenu et je n'en veux à personne. Mais je voudrais que vous me compreniez. Si devant des évènements de cette gravité, je n'étais pas venu, on m'aurait à juste titre, à juste titre, reproché de ne pas avoir pris la mesure de la gravité du problème. Je viens, on me dit : il ne faut pas stigmatiser. Il faut savoir. Bien sûr qu'il y a des choses formidables à Grenoble et dans l'Isère qui pourrait le contester. Et j'ai été suffisamment à Crolles, le Président Vallini le sait bien, pour dire combien je me félicite de l'imagination de la population de ce département et de cette ville qui a accueilli il y a quelques années des Jeux Olympiques qui font date et qui a tellement de chercheurs, d'étudiants, de personnes de qualité. Mais en même temps, je dois voir la réalité telle qu'elle est, ce qui s'est passé n'est pas acceptable. Je vous le dis pas un seul policier ne s'en ira. Ce sont les délinquants qui reculeront.
J'ajoute que l'on m'a proposé, je l'ai vu, un « Grenelle de la sécurité » « des états généraux de la sécurité » Pourquoi pas ? Mais réfléchissez, si j'étais venu ici pour vous dire : on a tiré à balle réelle sur des policiers, j'organise un colloque, qui m'aurait pris au sérieux. Ce n'est pas un problème social, ce qui s'est passé, c'est un problème de truands, ce sont des valeurs qui sont en train de disparaître. Il faut marquer un coup d'arrêt. Alors je sais que dans le cadre du débat républicain, il peut y avoir des échanges entre les forces politiques, ce qui est normal. Mais qui peut penser que ce sont quelques îlotiers supplémentaires qui permettront d'éradiquer les caïds, les trafiquants et les trafics. Nous avons besoin de nous rassembler pour montrer à cette minorité qu'elle n'a aucun espoir et que nous allons agir. Et il ne peut pas y avoir de naïveté et d'angélisme en la matière.
Je souhaite d'ailleurs qu'au-delà des divergences entre nous, nous nous rassemblions, la vidéosurveillance, la vidéo-protection. On en a besoin. Il n'y a pas les caméras de gauche et les caméras de droite. Il y a le fait que les délinquants grands ou petits craignent par-dessus tout d'être pris dans les images parce que ce sont des preuves judiciaires. Et par ailleurs, c'est la meilleure façon de protéger la police et la gendarmerie de toute polémique.
Je souhaite d'ailleurs qu'on tente dans ce département une expérience en dotant un certain nombre de véhicules de police et de gendarmerie de nuit, de caméras embarquées. Il ne s'agit pas du tout d'interférer dans la vie privée des habitants de Grenoble ou du département de l'Isère. Il s'agit que nous soyons le plus efficace possible. 60 000 caméras seront installées d'ici 2012. Je laisserai ceux qui le veulent crier à l'atteinte aux libertés individuelles. Moi je pense que la liberté individuelle est gravement atteinte lorsque que les voyous font régner la terreur devant des immeubles d'habitation.
La loi anti-bandes adoptée par le Parlement en mars dernier prévoit une peine d'un an de prison pour quiconque appartient à une bande violente. Des procédures sont en cours, et je demande à votre préfet d'être particulièrement attentif avec Madame le Procureur Général et Monsieur le Procureur de la République, que je remercie de leur présence, pour l'utilisation de cette nouvelle loi.
Nous allons aussi développer les « polices d'agglomération ». C'est le cas depuis l'an dernier en région parisienne. Lille, Lyon, Marseille seront bientôt concernées pour une raison simple et vous le savez bien, les délinquants ignorent les frontières administratives de nos communes, de nos départements et même de nos régions.
Depuis 2002, je suis en première ligne dans la lutte contre l'insécurité. Le nombre des crimes et délits a diminué de 17,54%. Parallèlement, le « taux d'élucidation », qui reflète l'efficacité des forces de l'ordre, a augmenté d'un tiers. En 2001, les forces de police et de gendarmerie trouvaient 25% des coupables, en 2010 ils trouvent 38% des coupables. J'ai fixé au ministre un objectif de 40%.
Par ailleurs, je vous annonce que dès le 7 septembre prochain, les peines planchers qui fonctionnent bien mais qui ne s'appliquent aux multirécidivistes, 24 000 peines planchers ont été prononcées, seront désormais étendues à toutes les formes de violences aggravées, c'est-à-dire notamment les violences sur des personnes dépositaires d'une autorité publique.
L'instauration d'une peine de prison incompressible de 30 ans pour les assassins de policiers ou de gendarmes sera également discutée au Parlement dès la rentrée. Et là je veux que les choses soient claires en tant que chef de l'État, mon devoir est de travailler avec tout le monde. Je n'ai pas à voir si Grenoble est une ville qui a choisi un maire de gauche ou un maire de droite. Je dois travailler avec les élus, comme les élus doivent travailler avec le chef de l'État. Mais chacun d'entre nous, nous serons mis face à nos responsabilités. Sur une peine incompressible de 30 ans, je demanderai au Parlement d'en débattre. Et je demanderai à chacun de faire abstraction de ses appartenances partisanes pour voter des textes non pas en fonction du ministre qui le présente mais de l'utilité de ce texte.

Les policiers nous regardent, les gendarmes nous regardent, la population nous regarde. Les postures politiciennes d'un côté comme de l'autre ne sont pas à la hauteur de la situation. Il ne s'agit pas de savoir ce que pensera tel ou tel parti, c'est son droit, il s'agit de savoir ce qu'il faut faire face à cette situation.
Je vous demanderai également, je le dis aux parlementaires, de débattre du champ d'application du bracelet électronique. Je souhaite notamment que les magistrats puissent condamner automatiquement les multirécidivistes au port du bracelet électronique pendant quelques années après l'exécution de leur peine. Je parle des multirécidivistes. Je faisais le point avec le ministre de l'Intérieur : imaginez que nous avons 19 000 délinquants en France qui sont plus de 50 fois mis en cause dans nos fichiers. Est-ce que l'on va continuer à les amener de tribunaux à tribunaux ?
De même nous allons réévaluer les motifs pouvant donner lieu à la déchéance de la nationalité française. Je prends mes responsabilités. La nationalité française doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique. La nationalité française se mérite et il faut pouvoir s'en montrer digne. Quand on tire sur un agent chargé des forces de l'ordre on n'est plus digne d'être français. Je souhaite également que l'acquisition de la nationalité française par un mineur délinquant au moment de sa majorité ne soit plus automatique.
Au fond, la principale cause de la violence, Mesdames et Messieurs, c'est la permissivité et c'est la démission. J'ai demandé à Michèle Alliot-Marie de préparer une réforme profonde du droit pénal applicable aux mineurs et je souhaite que nous examinions sans tabou toutes les pistes envisageables. Je n'ai pas la vérité. Mais convenons que l'ordonnance de 1945 n'est plus adaptée aux mineurs d'aujourd'hui. Ou est-ce que l'on doit considérer que ce texte, qui a plus de 60 ans, ne peut pas être touché, ne peut pas évoluer. Là aussi, ce n'est pas une question partisane, une question de réflexion.
La délinquance actuelle ne provient pas d'un mal être comme je l'entends dire trop souvent : elle résulte d'un mépris pour les valeurs fondamentales de notre société. La question de la responsabilité des parents est clairement posée. Je souhaite que la responsabilité des parents soit mise en cause lorsque des mineurs commettent des infractions. Les parents manifestement négligents pourront voir leur responsabilité engagée sur le plan pénal. Quand je regarde les rapports de police, et je vois qu'un mineur de 12 ans ou de 13 ans, à une heure du matin, dans le quartier d'une ville lance des cocktails Molotov sur un bus qui passe, n'y a-t-il pas un problème de responsabilités des parents ? Il ne s'agit pas de sanctionner. Il s'agit de faire réagir. De même la question des allocations familiales. Quand une famille ne signale pas que son enfant ne va plus à l'école. Est-ce que cette famille peut continuer à aller au bureau de la Caisse d'Allocations Familiales pour percevoir les allocations, comme s'il ne s'était rien passé ?
Je comprends parfaitement que telle ou telle mère de famille, notamment dans les familles monoparentales, soit dépassée. C'est si difficile d'élever des enfants. Mais je ne comprends pas qu'on ne le signale pas au chef d'établissement. Et quand la famille réagira, les allocations familiales qui ne lui auront pas été versées lui seront reversées quand l'enfant ira de nouveau à l'école.
J'ajoute que nous ne pouvons pas non plus tolérer le comportement de certains jeunes qui empêchent les autres d'étudier. Nous allons donc ouvrir à la rentrée prochaine une vingtaine d'établissements que j'appelle de réinsertion scolaire, qui disposeront d'un encadrement renforcé et adapté. Je souhaite avec les élus du département en en discutant que l'on puisse en ouvrir un à Grenoble ou dans l'Isère dans les meilleurs délais.
Il s'agit, vous savez, de ces jeunes collégiens qui ont été déjà renvoyés deux ou trois fois des autres établissements, que l'on se repasse d'établissement en établissement parce que l'on ne sait plus quoi en faire. Et qui empêchent les autres d'étudier et de vivre tranquillement. Ce n'est pas non plus une question de droite ou de gauche, mais une question de bons sens. Qu'est-ce que l'on en fait et comment on réagit ? La menace de l'exclusion est une plaisanterie face à des collégiens ou des lycéens qui, de toute manière, ne vont plus à l'école.
Nous devons nous poser les questions sans tabou, sans excès c'est vrai, sans stigmatisation, sans amalgame c'est vrai. Mais sans faiblesse non plus. Ce qu'attendent de nous les Français ce n'est pas que nous nous réfugions derrière une posture : « A moi le grand cœur, ou à moi le grand bâton ». Non, il ne s'agit pas d'opposer ceux qui ont un cœur et ceux qui sont fermes. Il s'agit d'être à la hauteur des responsabilités que nous ont confiées les Français, qu'elles soient locales, départementales, régionales ou nationales. Et de nous hisser au niveau de ces responsabilités. Le monde change. Beaucoup de nos jeunes ont changé. Des valeurs ont été détruites, il nous faut proposer des réponses adaptées à la situation. Et ne pas décliner comme les autres un catéchisme qui serait frappé par la plus grande inefficacité.
J'ajoute que beaucoup de jeunes qui sortent de l'école à 16 ans n'ont aucune qualification et disparaissent totalement de la situation. Chacun d'entre eux, nous leur proposerons une formation ou un travail jusqu'à leur majorité, parce qu'on ne peut plus laisser les décrocheurs sortir de nos systèmes comme cela. On me dit « vous allez faire un fichier » ? Oui. Mais si on ne fait pas le fichier, les jeunes qui sortent de l'école à 16 ans et qui disparaissent jusqu'à 18 ans, vous croyez que ça leur fait du bien de rester comme ça pendant 2 ans ? Sans rien. Il ne peut pas y avoir un seul de ces décrocheurs sans qu'il n'y ait une réponse adaptée.
Enfin, il faut le reconnaître, je me dois de le dire, nous subissons les conséquences de 50 années d'immigration insuffisamment régulée qui ont abouti à un échec de l'intégration. Nous sommes si fiers de notre système d'intégration. Peut-être faut-il se réveiller ? Pour voir ce qu'il a produit. Il a marché. Il ne marche plus. Je ne me suis jamais laissé intimider par la pensée unique. Il est quand même invraisemblable que des jeunes gens de la deuxième, voire de la troisième génération, se sentent moins Français que leurs parents ou leurs grands-parents. Tous ici vous pourriez en porter témoignage. Tous. Tous vous avez des exemples. Pourquoi ne le dit-on pas ? On a peur ? Moi ce n'est pas de faire le constat qui me fait peur, c'est la réalité. Nous n'avons pas le droit à la complaisance en la matière.
Pour réussir ce processus d'intégration, il faut impérativement maîtriser le flux migratoire. Avec un taux de chômage des étrangers non communautaires qui a atteint 24% en 2009.
Je ne reprendrai pas la célèbre phrase de Michel ROCARD dans laquelle je me retrouve : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde ». Je dis simplement, c'est un constat lucide.
Nous allons donc évaluer les droits et les prestations auxquelles ont aujourd'hui accès les étrangers en situation irrégulière. Je ne parle pas des étrangers en régulière qui ont naturellement le droit à des prestations, ça serait un comble qu'il en soit autrement ! Je parle des étrangers en situation irrégulière. Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes. Une situation irrégulière ne peut conférer plus de droits qu'une situation régulière et légale ! Là aussi, ce n'est pas une affaire de majorité, de gauche ou de droite, de président de la République ou de maire.
Je demande à Eric le Douaron, qui connaît bien le sujet en tant qu'ancien directeur de la PAF, de faire preuve d'une fermeté absolue dans la lutte contre l'immigration illégale. La règle générale est claire : les clandestins doivent être reconduits dans leur pays.
Et c'est dans cet esprit d'ailleurs que j'ai demandé au ministre de l'Intérieur de mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms. Ce sont des zones de non-droit qu'on ne peut pas tolérer en France. Il ne s'agit pas de stigmatiser les Roms, en aucun cas. Nous avons fait depuis la loi Besson de grands progrès pour les aires mises à leur disposition. Lorsque je suis devenu ministre de l'Intérieur en 2002, moins de 20% des aires de stationnement étaient prévues. J'ai fait le point avec le ministre. Aujourd'hui plus de 60% des aires de stationnement légales sont prévues. Les Roms qui viendraient en France pour s'installer sur des emplacements légaux sont les bienvenus. Mais en tant que chef de l'Etat, puis-je accepter qu'il y ait 539 campements illégaux en 2010 en France ? Qui peut l'accepter ?

J'ai vu que tel ou tel responsable politique disait : « mais pourquoi vous vous occupez de cela, le problème ne se pose pas ». Il ne se pose pas pour un responsable politique dont le domicile ne se trouve pas à côté d'un campement. Peut-être son opinion serait-elle différente s'il était lui-même concerné ?
Nous allons procéder d'ici fin septembre au démantèlement de l'ensemble des camps qui font l'objet d'une décision de justice. Là où cette décision de justice n'a pas encore été prise, nous engagerons des démarches pour qu'elle intervienne le plus rapidement possible. Dans les trois mois, la moitié de ces implantations sauvages auront disparu du territoire français.
Je souhaite également que dès l'automne prochain, nous réformions la loi applicable à ce type de situations. La décision d'évacuer les campements sera prise sous la seule responsabilité des préfets et leur destruction interviendra par référé du tribunal de grande instance, dans un délai bref. Nos compatriotes attendent que nous assumions nos responsabilités.
Parallèlement, je souhaite que nous engagions une importante réforme pour améliorer la lutte contre l'immigration irrégulière. Chaque année, une dizaine de milliers de migrants en situation irrégulière, dont des Roms, repartent volontairement avec une aide de l'Etat. Et l'année suivante, après avoir quitté le territoire avec une aide de l'Etat, ils reviennent en toute illégalité pour demander une autre aide de l'Etat pour repartir. Cela s'appelle « un abus du droit à la libre circulation ».
Enfin, la politique de la ville. Nous lui consacrons 15 milliards d'euros depuis 2005. Ce sont des moyens considérables apportés par l'Etat. Y compris en Isère. Mais nous sommes en droit d'attendre en échange le respect d'un certain nombre de règles.
Les moyens ne sont pas tout. Il faut d'ailleurs que nous posions ensemble, élus comme ministres et président, le problème de l'attribution à certains quartiers. Ces aides doivent être attribuées aux quartiers qui en ont le plus besoin. Aujourd'hui, tous les quartiers les demandent. Il faut bien reconnaître les choses, le zonage géographique n'est plus adapté à la situation.
Autre chose, il n'y a pas d'évaluation. On refait des quartiers, on refait des immeubles mais si on y met les mêmes personnes dans les mêmes conditions, qu'est-ce qu'on va changer ? Je ne remets pas en cause la politique de la ville, qui est un progrès. Et nous allons continuer. Mais nos compatriotes, qui payent pour cette politique de la ville, sont en droit d'attendre de nous autre chose. Et je le dis parce que ce qui se passe dans ces quartiers est extraordinaire. Il y a des gens qui ne demandent qu'à s'en sortir. Il y a des résultats considérables. Et tout ceci peut être mis par terre parce qu'une minorité met la pagaille sous le regard des médias qui font leur travail, attachés qu'ils sont au spectaculaire. Et c'est ainsi des années de travail de militants associatifs, d'élus locaux, de gouvernements qui se trouvent réduites à néant et on est parti pour la stigmatisation.


J'appelle à ce que nous repensions nos procédures. L'évaluation n'est pas un gros mot. Et puis par ailleurs, réfléchissons à la diversité sociale aussi. Parce que si on met toujours les mêmes dans les mêmes quartiers, ne nous plaignons pas ensuite qu'ils deviennent des ghettos. Des quartiers, y compris de la ville de Grenoble, étaient il y a quelques années des quartiers où il y avait une diversité. Diversité sociale et diversité d'origine. Il est certains collèges, j'en parlais avec le président, où malgré les efforts que vous faites tous, il n'y a plus une famille qui veut mettre ses enfants. Ca ne fait pas bien de le dire et pourtant c'est la vérité. Pourquoi ? Parce qu'on ferme les yeux. Et parce qu'on ne remet pas en cause. Alors évidemment à moi on me dit : « des policiers supplémentaires ! » On en mettra à Grenoble et dans l'Isère. Mais ce n'est pas tout. Des moyens supplémentaires bien sûr mais l'Etat ça ne peut pas être donner toujours plus et attendre toujours moins. La société ne peut pas fonctionner comme ça. Vos propres familles ne fonctionnent pas comme ça. Dans notre vie professionnelle ou personnelle, on ne fonctionne pas comme ça. Les événements que Grenoble vient de connaître et leur gravité imposent de notre part une réponse ferme mais c'est peut-être une opportunité de sortir de la pensée unique sur la politique de la ville, sur la politique de l'immigration et sur la politique de la sécurité.
Grenoble ne mérite pas l'image qui en a été donnée la semaine dernière. L'Isère pas davantage. On n'a pas le droit de gâcher nos atouts par la faute d'une poignée de délinquants. Et je voudrais vous dire en terminant que nous sommes décidés à travailler avec tous ceux qui de bonne foi et de bonne volonté veulent travailler avec nous pour résoudre ce problème.
La guerre que j'ai décidé d'engager contre les trafiquants, contre les voyous, cette guerre-là vaut pour plusieurs années. Elle dépasse de beaucoup la situation d'un gouvernement, d'une majorité ou d'un parti. Et je suis sûr que dans toutes les formations politiques, il se trouve des femmes et des hommes de bonne volonté qui sont décidés à réagir et à apporter leur soutien dans cette action au gouvernement de la République.
Je vous remercie de votre attention.

Nicolas Sarkozy

Président de la République


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