L’édifice républicain n’a pas fini de trembler sur ses bases. En abordant la question de la déchéance de nationalité, Nicolas Sarkozy n’hésite pas à bousculer certains principes fondamentaux du droit notamment, la notion d’égalité entre les Français. Peu importe que les mesures évoquées soient inconstitutionnelles. L’essentiel n’est pas là. Il est de préparer les Français à un débat de fond sur la question de l’immigration. Ce domaine est désormais le seul qui puisse assurer le succès de l’actuel locataire de l’Elysée en 2012.
Une courte phrase du discours présidentiel de Grenoble a manifestement été sous-estimée par les observateurs : “Nous subissons les conséquences de 50 années d’immigration insuffisamment régulées qui ont abouti à un échec de l’intégration“.
Nicolas Sarkozy, qui n’a en rien perdu ses ambitions européennes, veut ouvrir un débat plus que jamais d’actualité au sein de l’UE. Ces dix dernières années la France est restée fidèle à sa tradition généreuse en termes de citoyenneté. Plus d’un million de personnes a été naturalisé, soit presque autant que l’Allemagne et dix fois plus que l’Italie.
La crise ramène toutefois à s’interroger sur la politique immigratoire de l’UE et sur la place juridique réservée aux migrants. Le politologue Italien Maurizio Ferrera, expert auprès de la Commission Européenne, dévoile dans les colonnes du Corriere della Sera de bien surprenantes réflexions.
Maurizio Ferrera considère que, conséquence des importants flux migratoires de ces vingt dernières années, les critères traditionnels de naturalisation (droit du sang ou du sol) ne tiennent plus.
Le politologue avance qu’ “Une politique de la nationalité sérieuse doit aujourd’hui s’appuyer sur de nouveaux critères, dont en premier lieu celui du domicile, assortis d’une série de “filtres” qui attestent de l’authenticité de l’intention et permettent de mesurer le degré d’intégration (assiduité scolaire, travail régulier, connaissance de la langue, etc.)“.
L’expert Italien pense que la “bonne conduite” pourrait devenir un des filtres les plus élémentaires de la sélection, et rester éventuellement en vigueur pendant un certain temps après la pleine naturalisation d’un étranger. “Dans un cadre de ce type, la possibilité, évoquée par Nicolas Sarkozy, de révoquer la citoyenneté de ceux qui commettent des délits aurait une dimension moins dramatique sur le plan symbolique, et plus efficace sur le plan pratique“.
L’idée développée par Maurizio Ferrera est de faciliter des formes d’émigration temporaires. Somme toute une immigration “rustine”,ultra-choisie, à la fois dans la spécialité et dans le temps. Une immigration temporaire accompagnée d’une nationalité à plusieurs degrés et non définitive.
“La naturalisation ne doit plus être considérée comme un passage “ponctuel”, un changement de statut irréversible en fonction de critères très généraux et automatiques. Il faudrait plutôt que ce soit un processus par étapes accompagné d’incitations et de voies prioritaires, surtout pour les mineurs. Dans un deuxième temps, il faudrait également revoir la définition de la citoyenneté. Là aussi, il semble opportun de dépasser l’alternative pure et simple – national ou étranger – et de prévoir des formes intermédiaires de “quasi-citoyenneté”.
L’expert italien propose ainsi que la citoyenneté européenne devienne une “citoyenneté de second ordre” préparatoire à la nationalité du pays d’immigration pour les ressortissants de pays non européens qui satisfont à certains critères.
Comment pourtant persuader les immigrés et leurs descendants qu’ils doivent s’intégrer à la France si, d’emblée, on leur réserve un statut de “citoyens différents” ?
Ces concepts ultra-libéraux, qui considèrent l’étranger comme une main d’œuvre kleenex de seconde zone, se heurtent aux principes humanistes issus des Lumières. En tout état de cause la question de l’orientation du projet européen sera au cœur du débat des présidentielles de 2012.
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