Tentative inédite pour cette anthologie d’été. Poezibao se propose de suivre pendant
quelque temps, pour le choix des textes, le fil d’une lecture en cours, celle
du livre de Jean-Claude Mathieu, Écrire,
inscrire, sous titre ″Images d’inscriptions, mirages d’écriture″ (éditions
José Corti 2010). Jean-Claude Mathieu, sur la trace des
« inscriptions » cite d’innombrables poètes. Poezibao reprendra certaines de ces citations et tentera de les
compléter, chaque fois que possible, par un autre texte du même auteur.
•La citation d’Écrire Inscrire
« Des rectangles aux bords parallèles, des volumes emboîtés, la page, la
table, la chambre, la maison donnent un cadre aux signes. La forme de la
″stance″, stanza, stantia, chambre de
repos pour l’écrit, les apparente. Leiris fait vœu, au début d’une nouvelle
année, d’un grand vent qui vienne balayer cette géométrie :
″Que
la table sur laquelle s’ouvre ton cahier devienne l’esquif de planches mû par
une voile où le vent souffle !
Que ta chaise et
son quadrangle de pieds t’unissent aux points cardinaux, au lieu de n’être que
la sellette qui t’isole quand tu y a pris place.
Que la lampe qui t’éclaire
t’apprenne à ne plus être un feu avare.″
Au centre du dispositif la feuille, isolée par la coupe franche de ses bords,
mais se creusant depuis Mallarmé en blancheur abyssale. Ces cadres isomorphes,
quand ils accueillent la mort, deviennent la cassette et le tombeau de
Mallarmé, les rectangles que dessinent ″papier″, ″toile″ et ″suaire″ dans Louve Basse. Kafka s’accroche à sa table
comme un mort à sa tombe :
″Pour écrire, j’ai besoin de vivre à l’écart,
non pas ″comme un ermite″, ce ne serait pas assez, mais comme un mort. Écrire,
en ce sens, c’est dormir d’un sommeil plus profond, donc être mort, et de même
qu’on n’arrache pas, qu’on ne peut arracher un mort au tombeau, de même on ne
peut pas m’arracher à ma table de travail dans la nuit″ »
Michel Leiris, Le Ruban au cou d’Olympia,
Gallimard, 1981, p. 10 et Franz Kafka, Lettres
à Felice, 26 juin 1913, Œuvres complètes,
Pléiade, Gallimard, 1989, IV, p. 422, tous les deux cités in Jean-Claude
Mathieu, Écrire Inscrire, José Corti,
2010, p. 222.
•D’autres textes de Michel Leiris
AVARE
M’alléger
me dépouiller
réduire mon bagage à l’essentiel
Abandonnant ma longue traîne de plumes
de plumage
de plumetis et de duvets
devenir oiseau avare
ivre du seul vol de ses ailes
•
SANS
THÈME
Pour Françoise et René Leibowitz
Cueillir au vol les météores
Faire crépiter leur succession de pointes acérées
sans que jamais elles s’apprivoisent
en longes
ou crinières bien peignées
de lignes courbes ou droites
filant vers la guipure de bord de table en quoi
happé
l’horizon se résout.
Michel Leiris, Haut Mal, suivi de Autres lancers, Poésie/Gallimard, n0 40,
1969, p. 196 et 207
•
7
Entre chien et loup,
quand le papier ne sait quelle mouche se pose
ou quelle encre le pique,
l’alphabet s’émancipe.
En route, mauvaise troupe !
Michel Leiris, « Marrons sculptés pour Miro », Mots sans mémoire, Gallimard, 1969, p. 141.
Michel Leiris dans Poezibao :
bio-bibliographie, extraits 1, extrait 2, notes sur la poésie,
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