Le Point-Virgule
7, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie
75004 Paris
Tel : 01 42 78 67 03
Métro : Hôtel de Ville
Ecrit pas Karine Dubernet
Mise en scène de Rodolphe Sand
Ma note : 8/10
Présentation : De l’humour, de l’émotion, des cascades. Des milliers de sketches, une centaine de personnages plus drôles les uns que les autres, des animaux, de la chanson, des recettes de cuisine, des paniers garnis, et tout ça en une heure. Incroyable ! Si vous n’y allez pas, vous ne saurez jamais si c’est vrai.
Mon avis : Plutôt conquis par sa prestation dans Le Gang des potiches au Gymnase, une comédie qu’elle a écrite, j’ai eu envie de vérifier ce que pouvait donner Karine Dubernet en solo. Direction de Point-Virgule, ce creuset où sont nés tant de nos humoristes actuellement au premier plan. Premier indice, la salle était pleine, le public, majoritairement féminin, bruissait joliment, l’atmosphère ambiante était idéale.
On ne voit pas tout de suite Karine Dubernet. Mais on l’entend. On entend sa voix depuis les coulisses, ronchonnant qu’elle n’est pas prête. Et soudain, elle surgit… Je ne vous décrirai pas la première image qu’elle donne, mais pour ce qui est de se poiler, on se poile. Le ton est donné. Elle ose. Cette boule d’énergie est branchés sur le haut débit ; dans tous les domaines. Il y a toujours quelque chose en mouvement chez elle. Parfois, un sourcil qui se lève ou un menton qui s’affaisse suffisent à apporter une note de drôlerie. Elle bouge vachement bien, occupe parfaitement l’espace de l’immense scène du Point-Virgule, et elle est très, très expressive.
La demi-douzaine de sketches qu’elle interprète est vraiment originale. C’est gonflé, cru, provocateur. Karine ne fait pas couler l’eau tiède. Elle y va à fond. Les quelques personnages qu’elle campe sont pour la plupart très dérangeants ; et très dérangés. A l’instar de cette gamine de 6 ans qui fait sa lettre au Père Noël. Si ses pulsions de violence n’étaient pas atténuées par l’ingestion de calmants costauds, on ne serait pas loin de L’exorciste. Elle fout la trouille, la pisseuse… La rédaction de cette missive nous permet en outre de constater combien ce spectacle est bien écrit. Bien joué, certes, mais aussi très bien écrit… Comme je le soulignais plus haut, il y a vraiment des idées et ses personnages ont de l’épaisseur. Lorsqu’elle quitte les mondes de l’enfance et de la BD des deux premiers sketches, elle rentre bille en tête dans les relations familiales. Et là, place à un humour féroce. Pas de cadeau. On se dit les choses crûment. L’humour filial a droit à un enterrement de première classe. Enfin, quand je dis « classe », le terme n’est pas vraiment approprié. Dans ce sketch noir, elle se livre à un petit intermède musical qui, comme elle, nous laisse bouche-bée.
Le sommet du délire est atteint avec l’irruption haute en verbe et en couleur de la grand-mère. Mauvaise comme une teigne l’aïeule ! C’est la gamine de 6 ans quatre-vingt ans plus tard. Elle a vraiment grandi en méchanceté. Quel personnage. Sacrée création !
Karine Dubernet truffe son spectacle d’expressions, de citations et de formules très judicieuses, souvent croustillantes et, surtout originales. Et elle n’hésite jamais à se moquer d’elle-même. Genre : « C’est quand on a vu ma gueule qu’on a inventé la cagoule ». Elle joue énormément avec le public, nous démontre qu’elle a aussi du chien… Elle termine son spectacle en apothéose avec une parodie improbable de la Grande Zoa, avec un boa constrictor… de rire. Et, passant d’une plume à l’autre, elle finit avec une pirouette fort habile qui nous ramène subtilement au premier sketch. Comme quoi rien ne reste jamais lettre morte.
Si elle, elle se fait suer sur scène (because la chaleur + les accoutrements + la débauche d’énergie), nous on ne s’ennuie pas une seconde. La seule chose qu’elle essuie, c’est une salve d’applaudissements enthousiastes. Karine Dubernet est une excellente comédienne, pleine de finesse et de maîtrise, avec un sens remarquable du détail comique. C’est un vrai personnage, un phénomène pétri de talent. Et « pétri » est l’anagramme de pitre. Quel est d’ailleurs le féminin de « pitre » ? Karine Dubernet ?