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Le 7 avril 1994, François de Grossouvre (1918-1994) est retrouvé mort dans son bureau, au Palais de l’ElyséeCe n’est pas souvent que je lis un livre comme celui-ci sur un épisode de l’actualité politique des dernières années mais j’en avais entendu tellement de bien … (qu’il était le plus objectif possible, très bien documenté, écrit d’une belle plume, avec le sens de la progression dramatique nécessaire au maintien de l’intérêt du lecteur etc.) que lorsque je l’ai vu en librairie, je n’ai pu dominer ma curiosité . J’ai cédé et je ne regrette pas.Ce livre, je l’ai lu comme un véritable roman !Mais tout d’abord pourquoi ce titre énigmatique sinon parce que c’est la troisième mort d’un proche de Mitterrand en l’espace de peu de temps, celle, mystérieuse, de Pierre Bérégovoy, au bord d’un canal, celle de Roger-Patrice Pelat, un an avant le décès de Mitterrand lui-même, un an plus tard.L’’auteur, une journaliste du « Monde » soutient la thèse du suicide et ne cherche pas à prouver plus qu’il ne faut. Elle ne cherche pas à tout prix le scandale, le scoop ou l’exagération habituelle à ce genre de travail. Elle a connu et interrogé l’homme lui-même d’abord puis ses amis, ses proches et ses nombreux ennemis et détracteurs.Elle-même a rencontré Grossouvre dans son appartement du quai Branly mis à sa disposition par le Président lui-même qui retrouvait le soir sa deuxième famille, Anne Pingeot et sa fille Mazarine, dans l’appartement du dessousCe n’est pas une simple chronique sur une mort annoncée ou tout au moins prévue depuis quelque temps, celle de François de Grossouvre, ami intime de longue date et conseiller privé du président de la République, c’est un tableau de toute une époque que j’ai vécue dans le plus grand désarroi et une montagne de déceptions sur des attentes si joyeuses au début et des évidences si amères à la fin de ce qu’on a pu appeler le règne de Mitterrand. Je voulais comprendre ou tout au moins savoir ce qui s’était vraiment passé après toutes ces révélations que j’ai eu tellement de mal à croire au début.Il se trouve que François de Grossouvre s’est trouvé au centre de la politique du secret si largement entretenue à cette période, des écoutes téléphoniques, des grandioses chasses présidentielles, des rapports avec les pays d’Afrique et du Moyen Orient, de l’entretien de la seconde famille, bref de tout ce qui m’a irritée quand je l’ai appris !Je n’ai lu pour l’instant que des avis positifs sur ce livre mais la meilleure chronique à mon avis se trouve ici qui rappelle que « les Japonais ont un nom pour ces suicides accusateurs où l’on se tue dans un lieu qui désigne le vrai fautif : le seppuku. »
Le dernier mort de Mitterrand par Raphaëlle Bacqué
(Grasset, juin 2010, 238 p)