Illustration extraite de www.pole-enr.corse.fr
Situation de l'éolien en France
Malgré une opinion très favorable au développement de l'éolien, le pays accuse un grand retard par rapport à son voisin allemand. La France se situe au 10ème rang européen par la capacité éolienne installée (1.500MW), loin derrière les premiers que sont l’Allemagne (20.000MW) et l’Espagne (11.000MW). Ainsi, l’éolien ne couvre actuellement que 0,2% de la production électrique nationale en France, contre près de 6% en Allemagne.
Selon Bernard Chabot, expert au département des énergies renouvelables de l'ADEME, ce retard reflète une méconnaissance de l’enjeu industriel et énergétique de la filière. Il est aussi le résultat d’un combat d'opposition mené par certaines organisations très bien structurées dès les débuts du développement industriel de l'éolien en France. Ces "anti-éoliens" seraient à l'origine de l'échec d'environ un tiers des projets et du retard de nombreux autres (un délai de 3 à 7 ans est en général nécessaire pour qu'un projet voie le jour). Qui plus est, leurs arguments bénéficient souvent d'un bon relais médiatique.
Bernard Chabot reste malgré tout optimiste : les études sérieuses se succèdent et font tomber l'un après l'autre les derniers arguments des opposants. ll n’est jamais trop tard, remarque-t-il, même si la France, contrairement à l’Allemagne ou à l’Espagne, ne dispose toujours pas d’instituts nationaux de recherche spécialisés dans l’éolien, ni même d’un constructeur national.
Dans le cadre de l’application nationale de la directive européenne de 2001 sur la contribution des énergies renouvelables à la production électrique, la France ambitionnait initialement d’installer environ 11GW éoliens d’ici 2010. Si la réalisation de cet objectif s’avère aujourd’hui très improbable, 5GW devraient malgré tout être installés d’ici 2009, si l'on considère le nombre de permis de construire déjà obtenus et le développement très encourageant de la branche ces dernières années (810 MW installés en 2006, probablement 1.000 MW installés en 2007).
Toutefois, selon les calculs de Bernard Chabot, le système réglementaire et tarifaire actuel ne permettrait pas de dépasser le seuil des 7GW : les tarifs, trop bas, rendraient les projets d’implantation de parcs sur les sites peu ventés non rentables économiquement.
Situation de l'éolien en Allemagne
L'éolien allemand bénéficie de conditions plus favorables : cette forme d'énergie est considérée comme d'utilité publique. La mentalité diffère : le développement des énergies renouvelables n'est pas vu comme le partage d'un fardeau, mais davantage comme une opportunité économique. Ainsi, le champion mondial de l'éolien se trouvait début 2007 à la tête d'une capacité installée de 20.621MW qui contribue à hauteur de 5,7% à la production électrique nationale, ce qui en fait la plus importante source d'électricité renouvelable du pays (devant l'hydraulique).
La filière employait 70.000 personnes en 2006 (contre 170.000 personnes pour l'ensemble de l'industrie des renouvelables), chiffre qui doit passer à 112.000 d'ici 2020. Les 3 principaux constructeurs allemands (Enercon, Repower et Nordex) se partagent environ 20% des parts d'un marché mondial dominé par le danois Vestas (28%).
Les acteurs de l'industrie éolienne allemande devraient totaliser en 2007 un chiffre d'affaire de plus de 6Md€ (sur les 19Md€ de C.A. générés au niveau mondial), dont 79% à l'exportation.
Depuis quelques années, la filière doit cependant faire face à la hausse de prix des matières premières (acier, cuivre, béton). Le prix des composants des éoliennes a ainsi fortement augmenté depuis 2004. De plus, depuis 2005, l’obtention d’un permis de construire s’est complexifiée : il est désormais nécessaire d’obtenir un certificat de respect de la faune qui peut coûter plusieurs milliers d’euros supplémentaires.
Ces difficultés ont eu pour effet de ralentir l'installation d'éoliennes en Allemagne : +665MW estimés pour 2007 contre +883MW en 2006. Plusieurs constructeurs étrangers se sont ainsi retirés du marché allemand (Vestas, GE Energy…), si bien que la part 2007 des constructeurs allemands devraient connaître une nette augmentation.
Bien que le développement technologique de l’éolien ait encore une véritable marge, le budget de la recherche publique consacré à l’éolien est quasi inexistant : l’éolien est une filière qui parvient à assurer son propre développement, grâce à un budget recherche très important des acteurs industriels.
La filière offshore
Cette filière industrielle, réservée aux grands groupes énergétiques du fait de la dimension des projets, connaît un démarrage difficile dans les deux pays : en Allemagne, les parcs éoliens en mer doivent être érigés loin au large des côtes des mers du Nord et Baltique (de 30 à 200 km), pour des raisons réglementaires, mais aussi de gisement venteux, ce qui augmente considérablement les coûts des fondations et du raccordement au réseau électrique. Ainsi, même si les permis de construire ont déjà été obtenus pour 21 des 40 projets offshore, aucun parc commercial n’a encore vu le jour dans les eaux allemandes.
Si la France bénéficie d’un meilleur gisement éolien à proximité des côtes, les eaux, par ailleurs plus profondes, induisent un défi technique similaire et des coûts de fondations élevés.
« L’objectif du gouvernement fédéral est d’installer d’ici 2030 des parcs éoliens en mers du Nord et Baltique qui totalisent une puissance de 20.000-25.000MW. Ils pourraient couvrir environ 15% des besoins nationaux en électricité » a déclaré M.Müller, secrétaire d’État au ministère fédéral de l'Environnement. Les premiers projets allemands devraient voir le jour courant 2009.
Pour Bernard Chabot, l’intérêt du développement de l’offshore ne deviendra toutefois réel qu’à l’horizon 2030 : avant cette date, il reste plus rentable de poursuivre le développement de l’éolien terrestre.
Coopérations existantes dans le domaine de l'éolien
Un bureau franco-allemand de coordination pour l'éolien a été mis en place le 1er novembre 2006 afin d'initier la coopération entre les entreprises allemandes et françaises du secteur de l'éolien et de pouvoir atteindre les objectifs inscrits dans le plan d'action international de la conférence "renewables 2004". Il est le fruit d'une intense coopération entre le ministère allemand de l'Environnement, le ministère français délégué à l'Industrie, l'association allemande pour l'énergie éolienne (BWE, Bundesverband Windenergie), le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER) et un grand nombre de sociétés de la filière éolienne.
Le bureau reçoit une aide publique au cours de sa phase initiale de fonctionnement (jusque fin 2008). Il est prévu qu'à moyen terme, il soit entièrement financé par les entreprises participantes (sous la forme de contributions financières ou via une mise à disposition de moyens techniques, de personnel ou d’infrastructures).
Axes de coopération franco-allemande
Les tarifs français de rachat de l'électricité d'origine éolienne bénéficient d'une protection contre l'inflation d'environ 60%. L'éolien allemand n'est en revanche pas du tout protégé contre l'inflation. Or, dans un contexte durable d'énergies fossiles coûteuses, il est nécessaire de lutter contre l'inflation importée qu'elles vont générer. Il faut donc encourager les filières énergétiques qui limitent les importations d'énergie fossiles tout en les protégeant contre les impacts négatifs que l'inflation future peut avoir sur leur développement.
Les énergies renouvelables sans combustion (hydroélectricité, éolien, solaire, géothermie) ont un "coût d'énergie primaire" constant, insensible à l'inflation et au coût du pétrole (puisque nul). Elles contribuent donc directement et efficacement à réduire les risques d'augmentation de l'inflation dans le futur.
La "transition énergétique" du XXIème siècle vers un développement durable et un changement climatique maîtrisé requiert d'intervenir lourdement sur des activités représentant plus du quart du PIB mondial (secteurs de l’énergie, des transports, du bâtiment et de la construction). Les régulations des marchés de l'énergie doivent donc être étudiées en analyse économique globale : rentabilité globale des projets avant fiscalité, et non en analyse de rentabilité financière sur les fonds propres après fiscalité existante.
En ouverture du salon HUSUMwind, le ministre fédéral de l’Environnement Sigmar Gabriel a clairement exprimé son opposition à toute mesure de protection des tarifs dans le cadre du réexamen de la loi allemande sur les énergies renouvelables. Malgré cette annonce, une table ronde regroupant acteurs français et allemands a permis de réaffirmer qu’il était nécessaire de trouver d’autres instruments pour protéger le développement de l’éolien contre la hausse des prix des matières premières. Sans cela, la progression du marché intérieur de l’éolien en Allemagne risquerait de diminuer fortement.
Source : http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/52231.htm