... question à laquelle seuls les Arabes, qui continuent à bégayer, peuvent répondre, dit Marwan Bishara.
Marwan Bishara - Al Jazeera
La semaine dernière, le centre Nixon a organisé un débat entre Robert Satloff, directeur exécutif pro israélien du Washington Institute et Chas Freeman, ancien ambassadeur des USA en Arabie Saoudite, opposé à l'appui inconditionnel des USA à Israël. La question était de savoir si Israël est un atout ou un handicap pour les intérêts stratégiques étasuniens.
Satloff a fait valoir qu'Israël a considérablement servi les intérêts étasuniens dans la région - Israël est en fait non seulement un atout, mais une bonne affaire stratégique, voire une aubaine. Freeman quant à lui, doute de l'utilité stratégique d'Israël et affirme que c'est un handicap.
Le débat a duré près de 90 minutes et a illustré les deux positions adverses aux USA au sujet d'Israël : une majorité estime que les relations USA - Israël sont le socle des intérêts étasuniens et de la poursuite de la paix au Moyen-Orient, tandis qu'une minorité considère Israël comme un handicap stratégique et un obstacle à la paix ; Israël qui est financé et armé par Washington grâce aux atouts qu'il a aux USA - le lobby israélien et ses amis au congrès et dans l'establishment US.
L'éléphant Dans la relation
Le débat sur les pour et les contre n'était que trop prévisible et il a consisté à ressasser les mêmes vieilles mantras sélectives sur « la relation spéciale ». Chose plus importante, comme d'habitude dans ce genre de discussions, le débat s'est inscrit dans les limites idéologiques du courant principal aux USA.
On ne s'est pas posé la question de savoir si la politique étrangère étasunienne est un handicap pour le Moyen-Orient ; si servir les intérêts de Washington est un handicap pour les États-Unis, les Arabes et les Israéliens . Quant à savoir si la politique étrangère US est un handicap pour l'avenir de la présence juive dans la région, la question était totalement hors propos.
Les deux participants au débat semblaient s'affronter sur la question de savoir si Israël partage les « valeurs » en matière de démocratie et de politique extérieure des USA. Mais l'argument du handicap a pris un tour intéressant lorsque Satloff a prétendu qu'au zénith des relations entre les USA et Israël, les relations entre les USA et le monde arabe l'étaient également - entendant par là qu'Israël ne pouvait pas être un handicap en sapant les relations USA - monde arabe, principal argument des détracteurs de la « relation spéciale ».
Les ultimatums lancés par les Arabes, a-t-il prétendu, ont été pour la plupart creux et ineptes. Citant un dirigeant arabe il a dit : regardez non PAS ce que les Arabes disent, mais ce qu'ils font.
Sur la position arabe officielle, Satloff a semblé plus convaincant. Et Freeman semblait concéder que le handicap concernait davantage l'affaiblissement des opportunités stratégiques pour les USA dans la région.
Impuissance politique arabe
Hélas, quand on en vient à la culture politique arabe officielle, Satloff ne se trompe pas de beaucoup. Elle peut se résumer en un mot : impuissance.
Dit simplement, l'impuissance est l'écart entre la volonté et la capacité, et dans le monde arabe, plus la volonté (populaire) est grande, plus la capacité (officielle) est faible et le pire est l'impuissance nationale arabe.
Dans le monde réel de l'ordre officiel arabe, l'impuissance provient des sommets sans fond sur la Palestine ; de réunions sans accords, de résolutions auxquelles il n'est pas donné suite, de mesures sans effets ; de déclarations enflammées sans arrières.
Ce sont les Arabes qui négocient alors qu'ils n'ont pas de pouvoir ; qui font des concessions sans se fixer une limite, qui reviennent sur leurs engagements.
Les guerres des dirigeants arabes, tout comme leurs initiatives de paix conduisent à la même humiliation - il semble qu'ils ne s'en soucient pas, ni ne s'en effraient ; ils ne changent pas et ils ne peuvent pas changer, dirigeants dans une région où toutes les bonnes nouvelles augurent de mauvaises nouvelles et où les meilleures nouvelles sont l'absence de nouvelles.
A cause de leur impuissance politique, les Arabes font du sur place alors que d'autres bougent ; les Turcs obtiennent le respect du monde ; l'Iran s'affirme au niveau régional ; l'Afghanistan humilie encore un autre empire mondial ; le Pakistan prend une place importante sur la scène nucléaire... et Israël mène une occupation de 40 ans sans aucun problème et grimpe même au sommet des 20 économies les plus fortes du monde.
L'appui inconditionnel donné par les Arabes aux politiques de Washington a encore accentué leur déclin de même que le rôle de premier plan joué par les USA dans la région, en dépit de leur soutien inconditionnel à Israël.
C'est le peuple arabe, stupide
La question de savoir si Israël est un handicap ne peut être tranchée ni par les Arabes, ni par les Israéliens ni par les Étasuniens . Devant le manque de volonté et de réactions politiques arabes, Israël s'en tire à bon compte avec ses guerres et son occupation.
Ce que Satloff ne sait que trop bien, et que Chas Freeman reconnaît, c'est que les amis arabes les plus proches des USA sont les plus impopulaires auprès de leurs peuples. Le handicap que présente Israël peut ne pas être évident au plan officiel, mais il cause un schisme toujours plus profond et plus dangereux chez la vaste majorité des Arabes, des musulmans et d'autres nations dans le monde.
Tout sondage crédible vous dira que le sentiment anti USA est plus largement répandu dans les régimes prétendument modérés que sous les régimes inamicaux dans la région.
Mais aucun des deux intervenants n'a soulevé le grand défi auquel les USA sont confrontés : l'humiliation continue du faible ordre arabe officiel est un tonneau de poudre qui n'attend qu'à exploser, spécialement si les États-Unis continuent à fournir un appui inconditionnel à Israël.
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