Ce week-end n’aura pas fait exception à la tendance générale : les politiciens se retiennent toujours moins de sortir les premières idées idiotes qui leur passent par la tête, et la presse se pignoufise toujours plus. Un véritable festival.
Côté politiciens, en effet, on a ouvert tout grand les vannes : Sarkozy, profitant sans doute de la torpeur estivale, se sera envoyé un pastis de trop et, dans la foulée d’une semaine agitée, aura tenté les chemins de la création législative alternative.
En vrac, on apprend qu’il veut pénaliser les peines encourues par les parents de mineurs (ce qui est, juridiquement, une absurdité), déchoir de la nationalité française les délinquants d’origine étrangère [ voulant d'ailleurs en réalité parler de criminel, mais ce mot a disparu du vocabulaire politico-médiatique ] , et d’autres facéties du même acabit.
Pour éviter qu’on lui reproche une agitation factice, le chef de l’État y est allé de son petit calendrier d’actions martiales avec force projets de lois et moult amendements, modifications et aménagements de mesures prises ou à prendre.
Autrement dit, encore une fois, à la détresse réelle, quantifiable et qualifiable vécue par certains habitants de quartiers, à la criminalité connue et mesurée, à l’insécurité étudiée, enregistrée et médiatisée, notre exécutif répond encore et une fois par … du législatif.
Oui oui : l’action de l’Exécutif en France se cantonne au domaine Législatif.
Très manifestement, la couille en time-sharing que nos élites se partagent n’était pas à l’Elysée actuellement. Elle doit tourner, quelque part et discrètement, perdue dans un de ces petits salons dorés que la République entretient à grand frais.
Pendant ce temps, la presse est passé dans la pignouferie à turbopropulsion.
Ainsi découvre-t-on, goguenards, mille et un titres plus outrés les uns que les autres, et peut-on naviguer dans des éditos enflammés et des réactions consternés de la part d’une opposition rendue presque aphone à force de hurler du « Fachisssssse ! » à tous les étages.
Ainsi Le Monde titre-t-il par « Délinquance, immigration : Sarkozy poursuit son virage à droite » un croustillant article décrivant par le menu les mesures que le Président compte mettre en place pour juguler l’insécurité galopante du pays. En réalité, on assiste surtout à une procession de petites bidouilles et autres arrangements qui pourraient avantageusement être remplacés par une stricte application des lois existantes, ainsi qu’un soutien sans faille à la police et la gendarmerie.
Ce qu’il y a d’amusant étant que se montrer ferme tant dans son appui de la hiérarchie policière que dans l’application des lois devient un truc de droite pour nos folliculaires trottant dans les vastes plaines de l’approximation lexicale. Par contraposée, on en déduit donc qu’une politique de gauche consiste essentiellement à ne pas appliquer les lois existantes et à désarmer la police ou ne lui accorder qu’une confiance millimétrée.
Et comme c’est, jusqu’à présent, ce qu’on observe effectivement d’un bout à l’autre du territoire, et depuis les vingt dernières années, on en déduit que l’ensemble des gouvernements, de droite et de gauche, se sont donc joyeusement vautrés dans une politique de gauche. Le virage de Sarkozy à droite serait en réalité, à l’aune de cette analyse qui s’appuie sur les faits, un simple retour au centre mou, où l’on s’enduit de bonnes intentions et de petites déclarations pas chères avant de se réfugier dans un statu-quo douillet.
Si à tout ceci on ajoute le simple fait, là encore facile à vérifier, qu’une partie non négligeable des « actions » proposées sont tout simplement irréalisables, on comprend que la fanfreluche et le cosmétique règnent en maître dans le plan de communication élyséen, et qu’absolument rien de rien de peau de zob ne sera fait côté médias pour simplement prendre l’ensemble pour ce que c’est réellement : un immense ballon sonde, rempli d’air chaud.
Car, et c’est là le plus drôle dans le couple endiablé que forment les politiciens et les médias, personne ne semble capable de prendre les douze secondes de recul que tout ceci mérite pourtant.
Cela fait des années que Sarkozy, soit en tant que ministre de l’Intérieur, soit en tant que Président, est à la barre de ces problèmes d’insécurité, de criminalité et de délinquance. Et cela fait des années qu’on a pu constater l’absolue nullité de sa politique : rien n’a changé, et même mieux, rien, concrètement, n’a été réellement fait.
Chacun sait pertinemment que ce n’est que de la communication, mais ça n’empêche pas les médias d’y consacrer des pages et des pages, en omettant simplement de rappeler que tout ceci ne débouchera sur rien : parce que c’est juridiquement, constitutionnellement ou politiquement impossible et qu’en plus de ça, ce n’est pas dans les habitudes du chef de l’état, tout simplement.
Et dès lors qu’on sait que tout ceci n’est que de la poudre aux yeux, on ne devrait pas y consacrer plus qu’un ou deux entrefilets, par exemple comme ceci :
- Sécurité, en bref -
Comme à l’accoutumée lorsque de graves événements ont lieu dans des banlieues chaudes, le Président de la République s’est exprimé hier à Grenoble en expliquant qu’il allait mettre en place toute une série de lois et de décrets, dont la validité juridique est pour le moment hasardeuse, afin de circonvenir le problème. Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur, a acquiescé vigoureusement. L’opposition s’oppose furieusement. Les députés de la majorité restent réservés. Les autres sont en vacances. Côté police et gendarmerie, on se réjouit de la distribution récente de nouveaux jeux de 52 cartes neufs.
Pendant ce temps, certains – dont, stupéfaction, mon ami l’Hérétique – croient encore que, dans l’ombre et le silence, la police travaille. On admirera la compacité de ce silence : absolument rien ne fuite.
En réalité, bombardée de directives contradictoires, elle tente de surnager sur une paperasse toujours plus abondante. Et lorsqu’elle s’approche un tantinet trop près d’une action, pouf, on la démobilise rapidement. Le but n’est pas et n’a jamais été de pacifier la république, mais de faire tenir le bazar suffisamment longtemps pour que la réélection soit dans la poche. D’action, il n’y a jamais plus eu depuis des décennies, et il n’y aura pas : les criminels, la police les connait. Tous. Elle sait où ils habitent. Elle sait ce qu’ils font, quasiment au jour le jour. Et pourtant, rien ne s’est passé, ni dans la semaine écoulée, ni dans l’année passée, et rien n’est prévu dans le prochain mois.
Et quand on lit, dans la merveilleuse presse qui occupe les Français, que le retour à l’ordre serait, en réalité, une demande de droite dure, un discours qui ferait un fort « virage à droite » par rapport à ce qu’on entend d’habitude, on comprend aussi que les crispations journalistiques formeront un frein puissant à toute modification de comportement.
Il ne se passera rien.
C’est d’ailleurs pour ça que ce pays est foutu.